La bête qui mangeait le monde (Antoine Nochy)

Par Gabrielleviszs @ShadowOfAngels

Disponible sur Amazon


Auteur :  Antoine Nochy

Éditions Arthaud

Paru le : 23 Juin 2018

287 pages papier

Thème : Essai

  *******

Résumé :

« « La première fois que j’ai vu des loups, c’était en Cévennes, en 2004, à quatre kilomètres à pied du village dont est originaire ma famille. J’ai compris à cet instant que nous avions une meute. J’ai voulu en parler, ça n’était pas le moment. Les visages se ferment, les sourcils se dressent. Des loups ! Pensez donc! Les années sont passées. Et puis d’un coup, plus de sangliers ou de chevreuils là où on les attendait d’habitude à la battue, des troupeaux fébriles, des traces en losange, des chiens qui disparaissent, quelque chose dans le pays avait bel et bien changé. »
Dans les Cévennes où il vit, à une centaine de kilomètres du Gévaudan, sur les terres qui ont inspiré La Chèvre de monsieur Seguin, au royaume de cette bête dont on disait autrefois qu’elle mange le monde, Antoine Nochy a traqué le loup pendant plusieurs mois. Il a arpenté les sentiers, les berges, les drailles à la recherche de signes et de traces et a écouté parler les hommes.
Le loup, ce prédateur dont l’éradication fut pour les Européens un des premiers critères de la modernité, est de retour. Saurons-nous cohabiter avec le sauvage? Lui apprendre des limites et lui faire respecter les activités des humains, avec qui il doit, lui aussi, partager son territoire et ses usages ? »

16/20

Je remercie Babelio, ainsi que la maison d'éditions Arthaud pour cette découverte. Ce n'est pas forcément le type de livre qui m'attire, mais le fait qu'il parle de loups, de cet animal qui fait tout autant peur qu'il impressionne me plaisait. La couverture est sobre et s'il n'y avait pas le bandeau avec le loup montré sur le devant, elle serait trop sombre à mon gout.

Des bêtes disparaissent, des éleveurs cherchent à savoir quel animal a bien pu faire cela, mais rien de vraiment concret. Le mot "loup" est sur toutes les lèvres, sauf que la zone n'est pas considérée comme une ZPP (Zone de présence permanente). Par conséquent, aucun dédommagement n'est possible. Les loups ne soit pas dans les Cévennes, pas de ce côté, c'est impossible voyons. Pourtant, depuis quelques années, des traces inéluctables sont bien présentes. Comme si un animal s'occupait de la frontière entre deux pays. Les autorités compétentes préfèrent penser à une meute de chiens sauvages. Pas ou peu de recherches, juste de quoi étayer leur conclusion et les hommes doivent se débrouiller par eux-même. Et puis il y a cet homme, qui veut savoir, faire éclater la vérité. Lui qui va rencontrer ces éleveurs qui ne savent pas vers qui se tourner. De longs mois vont l'amener à une décision. Des recherches, des questions, énormément de travail, pour ???

« Comme dans la fable du lion d'Esope, les animaux entrent dans la grotte, mais aucun n'en ressort et j'ai l'intime conviction que cette pièce manquante reste la clé pour déterminer leur zone de tanière. Une solution pour répondre à cette question, élargir le périmètre. Au-dessus de la rivière se trouvent ce qu'on appelle les zones off road, des kilomètres de forêts où plus personne ne s'aventure. Est-ce que les loups n'auraient pas investi ces champs d'arbres ? Est-ce qu'ils ne pourraient pas utiliser cette forêt comme point de sortie et de retour lorsqu'ils passent par les berges ? Il n'y a qu'en y allant que je pourrai en avoir le coeur net, une marche en terrain miné est programmée pour l'après-midi. »

Le livre est découpé en 5 parties, mois après mois afin de "voir" plus clair sur la vie de l'animal, sur la recherche de comment les approcher sans qu'ils nous craignent et inversement.

Nous suivons cet homme qui se passionne pour les loups d'une manière générale. Suivre une piste devient un travail acharné. Il faut découvrir où est leur tanière, non pas pour les tuer, mais plus pour les comprendre et être bien sur qu'ils soient bien en France. Être proche d'eux sans pour autant empiéter sur leur territoire. La marche, l'observation, le rassemblement de preuves, des photos, des vidéos, tout est minutieux. Comme l'écriture qui décrit les lieux comme si nous y étions sans pour autant alourdir le texte. L'auteur ne cesse de parler de cet animal, d'aller vers les autres pour en apprendre plus. Le voir est une réalité qu'il veut accomplir. Le connaître est plus complexe. Pourtant il ne relâche rien jusqu'à obtenir un semblent de preuves.

Caméra en main, accrochée à un arbre, il va tenter d'obtenir une image de ce qui n'existe pas aux yeux des autorités. Le loup est un animal sauvage, oui, mais il est fier, discret, prudent, capable d'attendre de longues journées pour regarder comment fonctionne les autres (animaux ou humains) afin de prendre possession de ce qu'il désire. Par moment on se demande si le loup ne s'amuse pas avec l'homme. Il laisse des traces infimes de son passage, montre un chemin qu'il n'emprunte apparemment plus. Plus nous avançons dans le texte et plus nous prenons une décision : celle de protéger ces animaux ou au contraire de les voir mort. La traque est un de leur élément naturel, ils savent s'adapter et le font avec allégresse, contrairement à nous qui obligeons la nature à se soumettre à nos lois. Vous comprendrez que je ne suis pas pour la mort de cet animal qui me paraît bien plus noble que la plupart des êtres humains.

« Fabriquer un piège à trace et à odeur, c'est raconter une histoire aux gens de la forêt, c'est faire croire pour un temps qu'on est des animaux. Chez les Inuits, on se revêt d'une peau de loup pour chasser car le gibier a moins peur de Canis Lupus que des hommes. La ruse d'Homo sapiens est ancestrale, elle fait aprtie des différents moyens de pistage mis en place par nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Il faut faire vite, ne pas perdre de temps, et ne pas se balader sur la zone de piège plus de dix minutes, sans cela les odeurs se répandent. L'action doit être furtive. On doit savoir à l'avance où on va poser la caméra et faire le piège. »

Nous apprenons beaucoup sur cette espèce sans être à ses côtés, sous le questionnement permanent de l'auteur. Et si l'auteur se retrouvait face à l'un d'entre eux ? Et si au contraire il n'y arrivait pas ? La rencontre avec d'autres animaux montrent bien qu'il est le plus dangereux d'entre tous. Les sangliers, les cerfs et autres petites bêtes vivent en harmonie. La nature s'occupe de la chaîne alimentaire. Le loup est utilisé dans des contes pour enfants. La bête du Gévaudan est également notifié. Ce monstre sanguinaire qui tue pour le plaisir ne ressemble pas à ce que nous montre l'auteur. Le besoin de se nourrir est plus fort que l'acharnement sur une proie.

Petit bémol, il était question de trouver un moyen de dédommager les éleveurs et je n'ai pas vu la solution arriver.

Tout est question d'image, de politique et autres condiments du même acabit. L'Homme se croit être supérieure à toute race. Ce n'est pas le cas, il faudrait que certains s'en souvienne. Il y a toujours plus fort que nous, plus fort que l'espère humaine. La nature ne nous contredira pas.

En conclusion, j'ai eu beaucoup de plaisir dans cette lecture. J'avais du mal à lâcher le livre voulant savoir ce qu'il en était réellement. Un peu déçue malgré tout sur le final qui m'a laissée sur ma faim.