Résumé :
Algernon est une souris de laboratoire dont le traitement du Pr Nemur et du Dr Strauss vient de décupler l’intelligence. Enhardis par cette réussite, les deux savants tentent alors, avec l’assistance de la psychologue ou plutôt l’enseignante pour élèves retardés Alice Kinnian, d’appliquer leur découverte à Charlie Gordon, un simple d’esprit employé dans une boulangerie. C’est bientôt l’extraordinaire éveil de l’intelligence pour le jeune homme. Il découvre un monde dont il avait toujours été exclu… [trop de spoiler]
Mais où cette expérience va-t-elle le mener ?
Si l’opérassion réussi bien je montrerai a cète souris d’Algernon que je peu ètre ossi un télijen quelle et même plus. Et je pourrai mieux lire et ne pas faire de fotes en écrivan et aprendre des tas de choses et ètre com me les otres.
Découverte du livre :
J’ai découvert l’existence de ce livre dans Everything everything de Nicola Yoon. En effet, le personnage de Maggie le cite à plusieurs reprises. Comme sa manière de penser m’a plu, (même si ce n’est pas une personne réelle) je me suis laissée convaincre ! En revanche elle m’a un peu spoilé…
– Tu lis encore Des fleurs pour Algernon ? s’étonne-t-elle. Ce n’est pas ce livre qui te fait tout le temps pleurer ?
– Un jour, ça ne sera plus le cas, dis-je. Et, ce jour-là, je veux être sûre d’être en train de le lire.
Everything everything, Nicola Yoon
Les personnages :
Commençons par Charlie. Beaucoup lui reproche d’être trop arrogant, ingrat et de se sentir trop supérieur face à ceux qui l’ont aidé. Effectivement, pour les personnes qui le connaissaient depuis toujours, son passage de benêt à savant est dur à comprendre/accepter. Après tout, ça doit faire un sacré choc ! Les scientifiques se sont occupés de son apprentissage intellectuel en oubliant les côtés sociaux et sentimentaux… En effet, si ses performances intellectuelles sont exceptionnelles, son émotivité, sa capacité de jugement, de prise de décision restent celles d’un adolescent perturbé. Les concepteurs de l’expérience ne semblent pas en faire grand cas, Charlie sent bien qu’ils le considèrent comme un animal de laboratoire et non comme un être humain.
L’intelligence sans la capacité de donner et de recevoir une affection mène à l’écroulement mental et moral, à la névrose et peut-être même à la psychose
Ensuite, j’ai trouvé le reste des personnages est assez représentatif et moins approfondi que le personnage de Charlie : artiste hippie, la bonne pâte, les scientifiques qui ne travaillent pas pour la science mais pour la gloire, cette mère qui ne pense qu’aux « quand dira-t-on » … Des éléments importants pour l’histoire mais sans plus. J’aurai, par exemple, aimé avoir leur point de vu, comme pour le personnage d’Alice que j’ai beaucoup apprécié !
Avant, ils riaient de moi, me méprisaient pour mon ignorance et ma lenteur d’esprit, maintenant ils me haïssent pour mon savoir et ma facilité de compréhension.
L’écriture :
Au début, la lecture fut difficile. Le texte est l’assemblage des comptes-rendus de Charlie, le cobaye d’une expérience visant à le rendre plus « un télijan ». Ces premiers écrits sont compliqués à lire, car il écrit les mots comme il les entend, il ne connaît ni la ponctuation, ni la syntaxe et possède une orthographe très originale !
Trente pages plus tard, on sent déjà la grande évolution de Charlie en matière d’écriture (et indirectement de développement cérébrale). C’est plaisant de la voir progresser, c’est comme si, en tant que simple lecteur nous avions une preuve concrète de ses progrès. Il apprend la ponctuation, la grammaire et l’orthographe. Et bien plus encore !
Aussi, je ne sais pas si c’est également le cas du texte en VO, ou alors que la traduction est superbe (voir même les deux), mais la plume est très accessible et l’histoire encore plus addictive !
Maintenant, je comprends que l’une des grandes raisons d’aller au collège et de s’instruire, c’est d’apprendre que les choses auxquelles on a cru toute sa vie ne sont pas vraies, et que rien n’est ce qu’il paraît être.
Réaliste ? Dérangeant ?
Ce qui est étrange et paradoxale avec ce livre, c’est que l’histoire semble très réaliste mais certains détails me dérangent.
• L’idée de la mesure d’un Q.I. (quotient intellectuel) n’est pas objective. Le Q.I. ne serait pas un indicateur fiable d’intelligence car il existe de multiples intelligences. Ce marqueur n’en prend en compte que deux : l’intelligence verbale et mathématique. Il ne prend pas en compte l’intelligence émotionnelle, créative, spirituelle, musicale, corporelle, naturaliste etc.
Voici quelques articles en lien :
- Non, le QI ne fait pas le génie : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/non-le-qi-ne-fait-pas-le-genie_21956
- Qu’est-ce qu’être intelligent ? http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Personnalite/Articles-et-Dossiers/Qu-est-ce-qu-etre-intelligent
- QI : pourquoi il ne reflète pas votre intelligence ? https://www.caminteresse.fr/sciences/qi-pourquoi-il-ne-reflete-pas-votre-intelligence-1178137/
• Le Q.I. se base sur des acquis et non sur l’inné, ce qui expliquerait que son processus d’apprentissage exceptionnel lui permette d’augmenter autant. Mais un apprentissage aussi important semble démesuré et son Q.I. passe presque de 60 à 180… Est-ce vraiment possible ?
• Je reconnais que lorsqu’il est question du droit des animaux je suis assez sensible. Je suis aussi d’accord qu’on n’est pas tous sensibilisé à ce sujet… Mais je m’attendais à un peu de « révolte » autour de la condition d’Algernon… Mais tous les regards sont tournés vers Charlie.
• Avec sa nouvelle intelligence, Charlie l’utilise pour atteindre un niveau de connaissance le plus élevé qu’il soit, et fait de la recherche. Mais quitte à faire ça, il n’y avait pas des questions plus importantes. Vous verrez en lisant son avis sur ses « confrères » c’est assez surprenant. À moins que je n’aie pas tout saisi de l’histoire….
Plus tu deviendras intelligent, plus tu auras de problèmes, Charlie.
L’allégorie de la caverne :
De nombreuses références à la caverne de Platon sont présentes tout au long du livre notamment la page précédant l’histoire. Comme c’est un sujet abordé en cours de philosophie en terminale, je vais essayer de vous l’expliquer du mieux que je pourrai, sinon je vous laisse encore une fois une vidéo de Cyruis North qui l’explique très bien.
Pour essayer de faire simple : l’allégorie de la caverne serait une manière de mettre en scène la condition humaine, et plus particulièrement nos idées/croyances fausses pour se diriger vers la connaissance.
La caverne de Platon serait une caverne psychologique dans lequel les hommes s’enferment.
Ces hommes ne voient que des images, des ombres, apparences et échos, soient des croyances fausses. Ils sont enchaînés et séduits par les images et ne peuvent pas voir la vérité/ le savoir venant d’au-dehors. Le problème, c’est qu’en restant longtemps sans bouger et dans le noir, l’avancée est difficile et douloureuse mais la raison les guide vers le Soleil, le savoir. Cette allégorie fait l’éloge de la raison et de la recherche de vérité malgré la lutte de l’homme. En effet, pour sortir de l’ignorance, il faut s’éduquer pour obtenir la connaissance.
Le héros de Reyes est ignorant. Il est enchaîné par son trouble et voit le monde de manière déformer (de notre point de vue), l’opération le libérera de ses chaînes et le processus d’éducation commence… Mais la vérité n’est peut-être pas été celle qu’on croit….
Petits plus :
De grands sujets sont abordés sur différents niveaux : psychologique, éthique, comportementale.
• Animaux de laboratoire et test sur les êtres humains.
• Avec la connaissance scientifique, Charlie se remémore ses moments d’incompréhension face à Dieu. Petit il faisait comme ses proches et prenait à la lettre les superstitions.
• C’est vraiment un livre où on est au cœur des émotions du personnage. Son enfance, son adolescence, le passage à l’âge adulte, la difficulté à communiquer et à comprendre les sentiments…
• La perception de soi et des autres.
• La société exclut la différence. Ici, on a affaire à une sorte de plaidoyer pour l’acception de l’autre malgré nos différences.
• On remarque l’avancer de la psychologie moderne et de l’utilisation de la philosophie.
Il y en a tant d’autres !
Mon avis :
J’ai commencé ce livre sans trop savoir à quoi m’attendre. D’un côté, « j’ai ouïe dire » que c’était un superbe best-seller de SF, mais d’un autre il date des années 70… Je ne devrai pas faire de généralité quant à l’écriture, le problème, c’est que souvent les vieux livres de SF ont un vocabulaire peu abordable… Sauf celui-ci ! Le texte est très compréhensible et j’ai été immergé plus facilement !
Ensuite, l’histoire est très originale, percutante, elle aborde un thème captivant (à mon sens) et pose de nombreuses questions morales. Daniel Reyes questionne l’intelligence tout au long de son roman avec dilemme dérangeant : il vaut mieux vivre heureux dans l’ignorance ou malheureux dans la connaissance ?
J’aurai aimé plus approfondir cette chronique, qui déjà très longue, et qui à nécessité quelques recherches mais il y a encore beaucoup trop de choses à dire…
Finalement, ce livre est un immense coup de cœur ! Je ne sais pas quoi vous dire de plus hormis un mot : foncez !
Pour aller ENCORE plus loin : toutes ces choses que j’aimerai encore développer :
L’intelligence programmée – le rapport entre sentiments souvenirs – les rapports homme-femmes dans le domaine de la science – l’identification d’un homme envers l’animal – les animaux de laboratoire – les tests sur les souris – dépasser l’intelligence de ses proches – le contraste intellectuel – la dissociation du « moi » – l’amour chez les « génie » – comptabilité de l’amour et de l’intelligence – définition de l’amour – définition de l’intelligence – mesure du Q.I.
Notre morale peut-elle évoluer ?
Peut-on réellement mesuré l’intelligence ?
Qu’est-ce que l’intelligence ?
L’intelligence serait-elle vraiment bonne pour le moral ?
Quand on regarde bien, les grands penseurs de notre société ont souvent mal finit. Les exemples les plus connu sont peut-être Edgar Allan Poe, Baudelaire, Rimbaud, Van Gogh…
Ton génie a détruit ta foi dans le monde et dans ton prochain.
On pourrait peut-être finir sur cette citation de Platon : « L’essentiel n’est pas de vivre, mais de bien vivre. »
Titre : Des fleurs pour Algernon
Auteur : Daniel Keyes
Éditions : J’ai lu
Collection : SF
Genre : Science-fiction, Anticipation
Année de parution : 1972
Nombre de pages : 543
ISBN : 978-2-290-03272-5
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