Après quelques jours à Tunisie, Xavier et moi avions appris quelques trucs.
Entre autres :
- qu’il faut absolument exiger du taxi qu’il mette le compteur en route dès le début de la course ET suivre celle-ci au GPS au risque de payer 5 à 10 fois le prix normal.
- que si les marchands ambulants sont des voleurs, les magasin qui ont pignon sur rue peuvent être bien pires et qu’on peut acheter le même sandwich quatre ou cinq fois moins cher en évitant de le prendre au même endroit que les touristes.
- que contrairement à ce qu’on croît, le souk coûte encore plus cher qu’ailleurs.
- et qu’enfin, malgré ce qu’en dit « le guide du routard », négocier ne vous permet pas de mieux vous en sortir car ils ont prévu, bien à l’avance d’augmenter le prix d’environ 500%, ce qui fait qu’après une heure de négociation vous repartez avec un objet ….. qui coûte le prix normal en magasin.
Mais il y a une erreur qu’on a commise et, vu qu’elle est très peu connue des touristes, j’ai eu envie de vous en parler ici : faire confiance aux guides touristiques.
Je parle ici des guides papier qu’on vous vend en librairie et qui, soit disant, sont totalement honnêtes et sincères.
La vérité est que si les informations pratiques sont tout à fait justes, nous n’avions pas pensé que les auteurs des guides doivent faire preuve de « diplomatie » avec le pays qu’ils décrivent au détriment, souvent, de la franchise et de l’honnêteté qu’on exigerait d’eux.
De ce fait c’est souvent qu’on s’est retrouvé dans « un restaurant pas cher dont le patron est très sympa » d’après le guide (qui nous a coûté plus cher et dont l’ambiance était tellement plus mauvaise que celui qu’il déconseillait) ou à se régaler de visites considérées « sans intérêt » par leurs spécialistes tout en se ruinant dans « la visite à ne pas rater » (qui n’était en fait qu’une grande galerie commerciale).
Bref, on le saura dorénavant, le meilleur moyen de visiter un pays c’est une goutte de guide touristique, deux cuillères à soupe d’office du tourisme et tout le reste de discussions très intéressantes avec d’autres touristes.
Dans notre fameux guide, il était écrit que pour éviter de se faire plumer il valait mieux acheter dans les boutiques à prix fixe avec le macaron « ONT » ou dans les boutiques de l’hôtel.
Nulle part il n’était indiqué que le fameux macaron pouvait être un faux et qu’il n’existe tout simplement pas de « boutique de l’hôtel ». En réalité les hôtels en Tunisie (et sans doute ailleurs), louent un espace à un commerçant et n’ont donc rien à voir avec ce qu’il y vend.
Mais ça on ne le savait pas.
Après nos dernières mésaventures, c’est donc tout naturellement qu’on est parti voir le tenancier de cette boutique et il nous a fait le coup de la « fête de la laine ».
Qu’est-ce que la « fête de la laine » ? Me direz-vous ?
Et bien pour résumer c’est, depuis des temps immémoriaux visiblement, le summum du raffinement en matière d’attrape-couillon pour touriste.
Voici comment ça s’est passé pour nous : première étape, on amadoue le mouton.
Nous rentrons dans la boutique et là, le vendeur nous accueille comme si nous étions les personnes les plus importantes du monde.
« Rentrez, rentrez ! Ca va les vacances ? Vous etes français vous c’est ça ? Pas de problème je parle dix langues ! Je suis professeur et je donne un coup de main à ma famille dans la boutique en été. Entrez ! »
…..
« Vous avez un peu visité le coin ? »
« Oui un peu mais on vient d’arriver alors on va à la mer, on se repose. »
« Ah c’est bien de se reposer. En plus aujourd’hui c’est dimanche y a rien d’ouvert à part la fête de la laine. »
« La fête de la laine ? »
« Oui c’est une fête qui dure un week-end. D’ailleurs ça finit aujourd’hui. VOus n’y êtes pas allé ? »
« Non. »
« C’est une fête sur l’artisanat et puis il a de la musique, des chants, des dances. C’est très sympa. Pour y aller c’est facile vous prenez le bus à la sortie de l’hôtel. »
C’est au moment où, en tant que touriste qui n’a pas envie de se perdre, on fait la grimace qu’arrive la deuxième étape : on cajole le mouton.
« Tenez si vous voulez ce soir quand je rentre chez moi je passe devant, si vous voulez je vous montre où c’est. »
« C’est gentil merci. »
« On se donne rendez-vous à 17h00 ? »
« D’accord. »
17h00 pile, le marchand n’a visiblement pas bougé de devant sa boutique pour être sûr de ne pas vous rater. Devant l’hôtel, un gars vous attend dans sa voiture.
« Montez, montez ! »
Euh c’est quoi un taxi ?
« Non c’est un ami qui me raccompagne. »
Là Xavier tique et va parler aux gardiens à l’entrée pour bien qu’ils voient qu’on part, quand et avec qui.
Pendant tout le trajet, le fameux chauffeur nous parle de lui, de sa famille, de la Tunisie. La conversation est très intéressante mais, voilà, de temps en temps il parle en arabe au marchand et, manque de pot, je comprends qu’il lui dit qu’il est entrain de nous baratiner pour qu’on lui verse un pourboire. Le temps que j’en parle à Xavier nous sommes arrivés ….. devant un magasin de tapis.
Point de fête, point de chants. Juste un magasin de tapis où le marchand à l’entrée nous bouscule presque pour entrer et, le temps de se retourner pour dire qu’on n’est pas intéressés, deux gros malabars se mettent devant la porte. Troisième étape : le mouton est entré à l’abattoir.
A l’intérieur : une quantité hallucinante de tapis en tout genre, une femme entrain d’en créer un sous nos yeux et le marchand qui nous raconte, en détail, l’histoire du tapis de ses origines à ce jour.
Sans le vouloir on est totalement éblouis et sidérés par son savoir et quatrième étape : le marchand aiguise son couteau.
Il nous fait entrer dans une salle toute fraîche avec thé à la menthe, boissons gazeuses offertes et nous présente un magnifique tapis. Le prix : 80 euros.
Surpris on le laisse nous en montrer un autre et, bien sûr, les prix montent : 180, 250, 500 , 2000 euros etc…
Cinquième étape : on empêche le mouton de s’échapper en le séparant du troupeau.
Comme on montre qu’on n’est pas intéressé le marchand fait venir un associé et nous séparent Xavier et moi. Chacun dans une pièce ils vont nous entreprendre pendant plus d’une demie heure, marchander, jouer le « vous aimez votre femme non ? ». Bref….
Sixième étape : le mouton est tondu.
Le fait que le tapis que vous achetez coûte quatre fois moins cher qu’en Europe diminue un peu la culpabilité mais une petite recherche sur internet vous montrera par la suite que le prix que vous avez obtenu n’est guère que celui plein pot en Tunisie.
Ah et, j’oubliais, la fête de la laine n’existe pas et n’a jamais existé.
Ce jour là, en rentrant à l’hôtel, un marchand me proposait une imitation de claquettes Adidas qui, selon ses propres termes, étaient « moins chères que gratuites ». Xavier, lui, avait pris plein de photos et envisageait déjà d’envoyer des commerciaux de sa boite prendre des cours auprès du marchand de tapis en question.