Pour sortir de sa lassitude et respecter les dernières volontés d’un oncle mourant, surnommé l’Aviateur, de disperser ses cendres dans le Rio del Plata à Buenos Aires, en mémoire d’un amour de jeunesse, le narrateur, un bibliothécaire peu actif, quitte le Havre à bord d’un cargo emportant avec lui l’urne funéraire du défunt oncle. La traversée est très longue, un mois, et l’équipage n’est guère sympathique, peu loquace et indifférent.
Mais le narrateur prend très à cœur sa mission et, à bord, il rencontre des personnages attendrissants de qui il se rapproche un peu, partage ses repas avec d’autres passagers et les compagnons du cargo et ne se sépare jamais de l’urne. Toujours posée à ses côtés, il lui parle, lui donne une sorte d’humanité, redonne vie en quelque sorte à cet oncle qu’il aimait, et le seul membre de famille qu’il lui restait. De prime abord, cela ressemble à une mission sentimentale de grande envergure, mais il s’agit surtout d’oublier les semaines interminables en pleine mer ou dans un porte-conteneurs aux longs couloirs grisâtres et sinistres, parce qu’au bout du voyage il faut veiller à accomplir une mission de grande importance.
La traversée se poursuit vaille que vaille et en prenant connaissance des lettres d’Amour que l’Aviateur a écrites ou reçues de sa bien-aimée, le narrateur essaie de deviner quelle relation avait existé entre eux, de quel amour étaient-ils habillés. Malgré ces périples d’un bout à l’autre du monde et de la désolation, l’auteur garde un sens aigu de la dérision et affronte la lassitude du quotidien, les affres d’une longue traversée, ballotté par l’océan déchainé lui donnant le mal de mer et le cœur au bord des lèvres.
L’auteur nous dresse tout de go le portrait d’un homme désabusé, qui noie sa solitude dans le whisky et se désole de l’autre vie qu’il a connue jadis, d’amour et de jeunesse.
Un récit insolite livré à travers une écriture légère et sans faux pas, rythmé par un style simple, des mots justes, sans ambages ni fioritures. Une pointe d’humour doux-amer s’immisce entre les lignes, donnant au récit la forme d’un journal de bord d’un homme ordinaire.
Un roman agréable, pour savourer les derniers soubresauts de l’été et se préparer doucement aux premiers balbutiements de la rentrée…
Retour à Buenos Aires de Daniel Fohr, éd. Slatkine & Cie
Date de parution : 1/3/2018