Les Heures rouges de Leni Zumas

Les Heures rouges de Leni Zumas

Publié aux éditions Presses de la Cité,

États-Unis, demain. Avortement interdit, adoption et PMA pour les femmes seules sur le point de l'être aussi. Non loin de Salem, Oregon, dans un petit village de pêcheurs, cinq femmes voient leur destin se lier à l'aube de cette nouvelle ère. Ro, professeure célibataire de quarante-deux ans, tente de concevoir un enfant et d'écrire la biographie d'Eivor, exploratrice islandaise du XIXème. Des enfants, Susan en a, mais elle est lasse de sa vie de mère au foyer - de son renoncement à une carrière d'avocate, des jours qui passent et se ressemblent. Mattie, la meilleure élève de Ro, n'a pas peur de l'avenir : elle sera scientifique. Par curiosité, elle se laisse déshabiller à l'arrière d'une voiture... Et Gin. Gin la guérisseuse, Gin au passé meurtri, Gin la marginale à laquelle les hommes font un procès en sorcellerie parce qu'elle a voulu aider les femmes.

La rentrée littéraire est toujours pleine de surprise. Avec ce titre, Leni Zumas vient marquer son empreinte en proposant un texte actuel et visionnaire, le genre de récit qui résonne longtemps en vous après l'avoir lu.

Leni Zumas imagine les États-Unis de demain. L'avortement y est illégal. Les femmes qui y recourent sont emprisonnées; celles qui font des fausses-couches sont obligées d'enterrer leur fœtus. Il sent mauvais être une femme dans ce pays-là.

A travers quatre portraits de femmes, Leni Zumas nous laisse observer cette société où on ne peut disposer de son corps librement, où l'on est soumis à la loi du plus fort: l'homme.

Il y a d'abord la biographe, Roberta. Célibataire, sans enfant, elle cherche à avoir un enfant mais la FIV lui est interdite. Roberta court de laboratoire en laboratoire pour connaître son jour optimal d'ovulation afin de se faire inséminer: une course éternelle contre le temps. Susan, est mère au foyer, dépassée par ses deux enfants, mariée à un abruti, elle aimerait fuir. Mais que faire lorsqu'on est une femme sans emploi et qu'on dépend exclusivement de son mari? Mattie tombe enceinte alors qu'elle n'est qu'au lycée. Elle va chercher à avorter par tous les moyens. Enfin, Gin, est considérée comme une sorcière parce qu'elle vit dans la forêt, à l'écart des hommes. On lui intente bientôt un procès comme au bon vieux temps des bûchers.

Le lecteur passe, de chapitre en chapitre, d'une femme à l'autre: la célibataire, la jeune fille, l'épouse, la sorcière. Elles incarnent toutes un passage de la vie ou un stéréotype de la femme dans la société. En chacune d'elle, on sent une détresse qui n'est pas que passagère mais qui s'ancre avec le climat malsain installé par la nouvelle loi qui refuse aux femmes le droit de disposer de leurs corps comme elles l'entendent.

Alors, oui, c'est révoltant, le texte émeut et met en colère. On ne peut que s'identifier à ces femmes qui luttent, chacune à leur manière, pour obtenir un droit qu'on leur refuse. L'histoire de ces quatre femmes résonne de manière terriblement actuelle. Dans la même veine que La servante écarlate de Margaret Atwood, Leni Zumas rappelle par ce texte fort, que rien n'est jamais acquis et que le pire peut encore arriver.

Avec Les Heures rouges, Leni Zumas signe un roman actuel et puissant. A lire absolument.