Une histoire d’amour chez Madame Couette? Ça y est, elle est tombée sur la tête ou a eu un gros coup de chaleur!
Douce n
’est pas un mauvais roman, loin de là. Mais il a eu le don de profondément m’agacer... Ce billet appelle une tranche de vie.Les histoires d’amour m’ennuient. Ça n’a pas toujours été le cas. Je viens tout juste d’avoir quarante-six ans. Depuis dix ans, ou onze, ou douze (j’ai cessé de compter), je suis célibataire. Une célibataire épanouie. Ce qui signifie que de partager ma vie avec un homme ne figure pas dans ma liste d’envies. Étant solitaire de nature, et sauvage à mes heures, je cours après le temps. D’avoir une sauterelle dans les pattes et un zoo à domicile impliquent que ça bouge beaucoup autour de moi. Aussi, lorsque le silence règne et que je me retrouve seule, je jouis! Je n’ai aucune envie de partager ce temps libre avec quiconque, encore moins avec un homme avec qui je devrais parler et faire des galipettes.Il n’en a pas toujours été ainsi. À seize ans (oui, j’ai commencé jeune), j’ai rencontré un homme avec qui j’ai vécu pendant douze ans. Puis, il y en a eu d’autres. La passion, la douce comme la dévastatrice, j’y ai goûtée, jusqu’à plus soif et à plusieurs sauces. J’ai aimé, j’ai été aimé, tendrement, passionnément, à la folie. C’est comme si cette partie de ma vie était dorénavant derrière moi. Ça ne me manque pas. Et lorsque je m’imagine avec un homme à mes côtés, j’étouffe!Côté littérature, je me suis délectée des grandes histoires d’amour, de Madame Bovary en passant par Les hauts de Hurlevent, Les souffrances du jeune Werther, Autant en emporte le vent, L’amant et L’écume des jours. Attention, vice caché, j’ai même eu un gros coup de cœur pour Le Zèbre d’Alexandre Jardin! Plus c’était démesuré, plus ça faisait mal et plus j’aimais ça! Là aussi, j’ai donné.Ceci expliquant cela. Les histoires d’amour fictives, avec un petit ou un grand A, me laissent aujourd’hui de glace. C’était donc écrit dans le ciel que je n’aimerais pas le roman de Sylvia Rozelier. Cette histoire d’amour toxique, destructrice, m’a fait enrager. Je parlais au livre, invectivant la femme-narratrice de laisser cet immature narcissique, de revenir vers son ex ou de s’éclater dans son célibat, de s’occuper de sa fille. J’ai traité l’homme de tous les noms, rageant devant ses faux-fuyants et son démon du midi. Bref, je ne comprends pas comment ça se fait qu’elle n’ait pas lancer la serviette plus tôt. Ça doit être mon grand âge qui me rend si expéditive! Pour le reste, je me dis que ce roman est bien maîtrisé, les jeux du «je», «tu», «nous» bien menés. Le style vibre de poésie – ce qui, au départ, n’est pas ma tasse de thé, préférant le plancher des vaches. Reste que ce roman a toutes les chances de rencontrer son public. Ce que je lui souhaite (et je ne suis pas inquiète pour l'avenir de ce roman, prédestiné à être apprécié). Certains passages m’ont plu, passages qui n’ont rien à voir avec l’histoire d’amour proprement dite. (Il fallait s’y attendre!)Puis Noël est arrivé, un moment que je redoute comme tous ceux qui ont trait à la famille. Chez mes parents aussi les jouets passaient par la cheminée à Noël, mais ça n’avait rien d’un conte pour enfants. Nos cadeaux, à peine déballés, s’envolaient en fumée, consumés dans les flammes de la haine paternelle. Mon père les brûlait. Tas de cendres dans l’âtre le lendemain matin au réveil. Bannis de notre univers, cassés, jetés aussitôt qu’apparus. «Elles sont trop gâtées.» Au lever du jour, il ne restait de l’éléphant en tissu que ma sœur avait reçu en cadeau que les sequins en verre dont le feu n’avait pas voulu, des cercles miroitants qui nous faisaient de tristes clins d’œil.Quand je dis que vie et littérature s’entremêlent, c’en était un bel exemple. Une autre tranche de ma vie vient d’être dévoilée.Douce, Sylvia Rozelier, Le Passage, 212 pages, 2018.[Comme mon avis est trop biaisé, il n’y aura pas de petites étoiles pour cette fois!]