Mon premier coup de cœur de la rentrée. Il en fallait un premier et c’est celui-ci!
Un jour, Birdie s’étend sur son vieux lit et ne se lève plus. Elle s’absente, de plus en plus longtemps et de plus en plus loin… Une coquille vide. Durant ces absences, Birdie revisite son passé. De son enfance à Loon Lake, en Alberta, de son passage en famille d’accueil, en hôpital psychiatrique, puis de sa vie dans la rue, à Edmonton. De son obésité, porté comme une armure protectrice; de sa mère Maggie, partie quand sa fille était adolescente; de son oncle vicieux, de qui elle trouvera le moyen de se venger.
Pourquoi personne n'habitait jamais chez les oncles? Le silence engloutissait tout autour d
’elle. Il a d’abord envahi la cuisine, imprégné les rideaux, rongé le prélart. Puis, il s’est répandu dans le frigo. C’était comme une mauvaise médecine. À cause de lui Freda s’émaciait; Bernice grossissait; Maggie disparaissait.Appelées en renfort, la cousine Freda et la tante Val débarquent pour veiller la jeune femme. Oscillant entre le rêve et la réalité, Bernice saura-t-elle se délesté des fantômes de son passé? Ou étouffera-t-elle sous leur poids?· · · · · · · · ·Tracey Lindberg construit un récit gigogne dont elle tire les ficelles avec un doigté de maître.Tout au long du roman, le passé et le présent s’entremêlent, l’état de rêve et d’éveil se côtoie. J’ai dû m’accrocher, au début.
J’avoue que j’en ai arraché. Mais une fois embarqué dans le wagon, je ne voulais plus en descendre. La temporalité, comme la chronologie, sont malmenées. Les souvenirs de Birdie prennent des détours et des chemins de travers.Il y a l’existence fracassée par les abus sexuels, le rejet et la vengeance. Mais il y a aussi l’amour, la complicité et les traditions. Chaque femme du roman déroule le fil de son histoire sans que le trait soit forcé.Les hommes passent un mauvais quart d’heure. Mais à agir en écoeurant, on ne peut qu’attendre de se faire traiter en écoeurant!Le style de Tracey Lindberg étonne d’inventivité. L’écriture, dense et fougueuse, parsemée de touches d’humour noir, m’a prise dans ses filets. Birdie surprend, émeut. Les sujets abordés touchent direct au cœur, sans jamais effleurer ni le pathos ni les stéréotypes. En plus de dresser un portrait sans fard de la situation actuelle des Autochtones, Birdie explore la capacité des femmes à surmonter les traumatismes du passé, à guérir et à aller de l’avant.Le premier roman de Tracey Lindberg me donne envie de me lever et d’applaudir.Birdie, Tracey Lindberg, trad. Catherine Ego, Boréal, 344 pages, 2018.★★★★★Un extrait peut être feuilleté sur le site de l’éditeur.J’ai lu ce roman dans le cadre du challenge Nation indienne.