À ce point de folie (Franzobel)

À ce point de folie (Franzobel)

En vente sur Flammarion

Malenfer, tome 4 : les sorcières des marais (Cassandra O'Donnell)

Auteur : Franzobel

Edition : Flammarion

Paru le : 22 Aout 2018

520 pages papier

Thème : Historique

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 Résumé :

«Le 17 juin 1816, La Méduse quitte Rochefort à destination de Saint-Louis, au Sénégal. À son bord, quelque 400 passagers et un équipage nombreux. Au commandement, un capitaine dont l’incompétence avérée est à l’origine du naufrage de la frégate après quelques jours de mer. Comme les chaloupes sont en trop petit nombre, 147 voyageurs sont abandonnés sur un radeau. Seuls quinze d’entre eux en réchapperont au terme de treize journées d’enfer, jalonnées de meurtres, de corps dépecés et d’ultimes stratégies de survie. L’un des rescapés, le médecin de bord Jean-Baptiste Henri Savigny, fera le récit de ce périple tragique, que le monde entier voudra connaître jusque dans ses détails les plus atroces…
Mais qu’aurions-nous fait à leur place?
Dans ce roman historique et anthropologique mené tambour battant, Franzobel entraîne le lecteur aux frontières du supportable : son style – précis, poétique, cru – sert la tension dramatique et fraie sans cesse avec l’ignoble pour nous plonger au cœur du carnage. Magnétique et inquiétant, dérangeant et fascinant, l’ouvrage brise bien des tabous aux confins d’appétits inavouables.
»

La bête du Bois de Boulogne (Christine Béchar)

À ce point de folie (Franzobel)

16/20

Suite au partenariat avec Babelio, je les remercie ainsi que la maison d'édition Flammarion pour la lecture de ce roman.

Qui n'a jamais entendu parler du radeau de la méduse ? Un lointain souvenir ou au contraire une vérité qui fait mal d'imaginer ce qui a pu se produire. Le 18 juillet 1816, l'Argus trouve une embarcation bancale avec à son bord des survivants du naufrage de ce navire : la Méduse. une quinzaine d'hommes et de femmes, enfin qui y ressemblaient bien avant d'être découvert. Les conditions ont été terribles durant les treize jours entre le naufrage et leur retour à la civilisation. Si certains ont réussi à s'en sortir, non sans avoir perdu un peu de leur esprit, d'autres n'ont pas survécu malgré les soins reçus. Nous suivons Savigny, médecin de bord et Osée, matelot durant quelques temps après leur retour en France. Puis le retour sur le navire, au moment du départ. Ce moment où tous les passagers, matelots, hommes d'armée partent pour trois semaines de voyage vers le Sénégal. Ce moment où personne ne prend conscience que ce lieu est dangereux, autant parce que les mousses risquent gros, mais surtout avec la mer qui peut se déchainer à n'importe quel moment.

« Osée était un loup de mer à la peau épaisse, à la chevelure blond cendré, et à l'air bienveillant d'un bouvier bernois. Sous son chapeau plat et ciré brillait une boucle d'oreille, précaution contre les rhumatismes. Et même si son maillot rayé était aussi sale qu'une nappe après un goûter d'anniversaire - on y pourrait y lire le menu ! - L'homme avait la présence apaisante des travailleurs physiques. Il s'intéressait aux livres, avait lu aussi bien le récit du voyage au Groéland de Linné que les considérations d'un philanthrope ; il griffonnait les mots qui lui étaient étrangers dans un petit carnet - illuminer, cerbère, paria... - avec l'espoir d'impressionner un jour par leur usage.  »

Bien entendu ce livre n'est pas le récit typique de ce qui est arrivé, mais de ce qui aurait pu se produire à bord. À cette époque, au temps des rois, chacun doit rester à sa place. Pourtant, sur ce navire, les grades ne restent pas forcément en l'état. La bourgeoisie n'est pas isolée comme elle le voudrait, je pense à la famille Picard, par exemple. Victor, celui dont Osée ne cesse de dire son prénom depuis son retour sur la terre ferme, nous le suivons. Ce petit devient un souffre-douleur, pourtant il arrive à s'en sortir de situations plutôt dramatique. Tentatives de viols, tentatives de pertes de peau par la cuisinière chauffée... Et puis il y a cette vie sur ce rafiot, La Méduse continue son bonhomme de chemin, emportant avec elle les passagers qui ne voient rien. Les tracas sont les mêmes qu'à terre, mais en ayant moins de place, moins d'intimité. Les relations sont exacerbées, les besoins deviennent terre à terre. Les rancœurs sont tenaces, la vie devient plus difficile. Et c'est là que tout prend l'eau. Les trous se forment, les seaux arrivent mais c'est trop tard.

L'histoire de ce navire qui s'est perdu en route, c'est le récit de bon nombre de passagers qui ont tenté de survivre à des éléments indépendant de leur volonté, mais pas uniquement. Les désaccords se suivent tant que les personnages sont ensemble. La rancune est tenace et les esprits vont commencer à sombrer. Essayer de ne pas s'attacher à eux est difficile, ne pas les haïr ou ne pas les adorer devient un problème. L'auteur donne assez de détails sur chacun pour imaginer sa vie avant de mettre un pied sur La Méduse, jusqu'à ce qu'il remette le pied sur terre, s'il survit. Car c'est bien le hic, sur le nombre impressionnant, on se retrouve dans la même position que le Titanic. Trop de monde, pas assez d'embarcations en cas de naufrage, un bateau qui se fracasse au pire moment. Qui doit vivre ? Qui doit mourir ? Les éléments se déchainent, les requins font leur apparition.

« Le capitaine sentit ses entrailles se rebeller. Abandonner le navire ? Pour être acheminé en canot et à la rame vers la terre, pendant des jours et sans savoir où ils iraient ! Et puis on ne pourrait plus maquiller l'affaire. Ce ne serait pas seulement le ministère de la Marine, mais toute la France qui le taillerait en pièces. Des gens dont les seuls problèmes se résumaient à des histoires de garde-robe et d'embellissement de leurs salons, à des futilités sur le chic des plissés et des boucles, sur l'accord entre ornementations vert olive et panneaux tissés de fils d'or. Et c'est eux qui prendraient un plaisir à se moquer de cet incapable de capitaine. »

Les personnages sont nombreux. Nous les suivons, découvrant le pourquoi ils sont sur ce navire. Arétéé Schmaltz, fille du gouverneur qui recherche un médecin pouvant effacer la tache de vin qui lui couvre la moitié du visage. Victor qui fuit, Osée qui aime cette vie depuis ces 6 ans, la Reine qui se veut tout puissante, et tous les autres qu'on a envie soit de torturer, soit de les protéger. Rien n'est simple. Ceux qui meurent se demandent pourquoi eux non pas pu être sur un rafiot. Ceux qui y sont se demandent comment survivre sans nourriture, avec de simples tonneaux de vins. L'esprit humain est complexe. Vouloir survivre pour retrouver ses proches, ses amis, sa famille, oui, mais à quel prix ? Qui serait capable de continuer en devenant autre chose qu'un être humain ? L'animal en nous semble prendre vie et nous faire oublier qui nous sommes : des gens civilisés. La plupart du temps.

C'est un conflit permanent entre ce que l'on veut et ce que l'on doit faire. Les personnages ne cessent de retrouver un peu de lucidité, mais, car il y a un mais, initialement certains ne sont pas "corrects". Ils préfèrent s'amuser aux dépends des autres. Il est question de Bonaparte également qui pourrait peut-être aider, à moins que le fait d'écrire ce qui s'est produit ne dérange ? L'humour souvent noir de l'auteur est parfait à mes yeux. C'est ce type d'humour que je préfère, plus dans le sombre, le glauque qui fait rire, pour éviter de s'apitoyer sur le sort de ses hommes et femmes qui vont y passer, autant le dire. Un naufrage à cette époque, des personnages qui ne sont pas tous d'accord, forcément il va y avoir des moments où il faut trancher dans le vif !

« On ne se battait plus ni contre un adversaire ni pour vaincre, mais contre la vie et pour la mort. Lavillette, qui faisait partie des forcenés, prit appui sur un caporal et lui coupa une main à la hache : celle-ci tomba à la mer, où elle flotta un moment comme un étrange poisson à cinq doigts. Juste un rêve. C'est forcément un rêve. »

En conclusion, c'est un récit qui permet de nous poser des questions. La principale étant de savoir si nous aurions agit de la même façon que certains. Survivre dans de telles conditions, aurions-nous laissé la faim nous envahir ou la folie prendre le pas sur notre corps ? Sacrifice, amitié, dénigrement, les mutineries si infimes quelles soient auraient pu être le bon déclencheur pour tous les sauver. Aller jusqu'au fond des choses comme le doc, fouiner dans les cerveaux, dans les entrailles, ça il sait le faire. Un dernier point, on sait enfin ce qui est arrivé à ce fameux Victor, c'est un soulagement de savoir s'il a survécu ou non a cette folle épopée.

 

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