Dans son repaire situé quelque part à l’est de l’arc alpin, Robert Poinsot écrit. Il raconte la crise systémique dont il a été témoin : d’abord le salaire qui n’arrive pas, les gens qui retirent leurs économies, qui s’organisent pour trouver de quoi manger, puis qui doivent fuir la violence des grandes villes et éviter les pilleurs sur les principaux axes routiers. Robert se souvient de sa fuite à Beauvais, de son séjour dans une communauté humaniste des bords de la mer Baltique et des événements qui l’ont ramené plus au sud, dans les Alpes. Quelque part dans le récit de sa difficile survie se trouve peut-être la solution au paradoxe de Fermi, à cette célèbre énigme scientifique : dans un univers aussi vaste que le nôtre, l’espèce humaine ne peut pas être la seule douée d’intelligence ; alors où sont les autres, où sont les traces radio de leur existence ? Jamais auparavant l’effondrement de notre civilisation ne fut décrit de façon plus réaliste.
Pourquoi ce livre ? Si j’ai repéré ce livre dès sa parution en broché, éditions Denoël, il aura fallu attendre sa sortie poche et un cadeau de mes parents à mon copain (la meilleure, ils veulent pas m’acheter de livres mais ils en offrent cinq à mon homme pour son Noël / et oui, je râle x)) pour avoir l’opportunité de satisfaire ma curiosité.
Je suis contente de l’avoir lu. Je le précise d’emblée en début de chronique parce que c’est un fait. J’ai refermé ce livre avec une sorte de sourire contenté parce que l’auteur a su mêler à merveille de bons ingrédients.
D’un côté, nous avons l’effondrement de toute une civilisation. Non, je me corrige… Nous assistons à l’effondrement de notre civilisation, de toute trace d’humanité sur Terre. Tous les grands thèmes évocateurs d’un effondrement y passent, que ce soit l’écologie, l’économie, le social ou autre. L’ensemble est raconté au travers des yeux de Robert Poinsot, professeur en sciences (de mémoire). Il nous explique comment il l’a vécu et, forcément, cela dégage des émotions fortes. Inquiétude, peur, dégoût. Ca nous prend aux tripes et ça contribue à nous entraîner jusqu’à la fin sans lutte. De l’autre côté, une veillée au coin du feu entre quelques survivants nous plonge dans une profonde réflexion lié au paradoxe de Fermi. Je ne veux pas vous en parler car le livre délivre tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet, ce serait débile de tout dévoiler maintenant, dans une pauvre critique (dont la rédactrice n‘a pas forcément tout compris). Le seul élément que j’évoquerai se porte sur l’emplacement de ladite veillée, bien trop tardive dans l’intrigue. Seulement, je pense que cela ne tomberait pas sous le sens si cela survenait tôt dans l’intrigue, c’est donc un mal pour un bien même si bon, il explique difficilement le titre finalement. Après réflexion, l’intrigue est pas mal, un peu rapide mais convenable dans son déroulé, crédible également. La fin est crue, percutante, je m’y préparais et cela l’a sans doute desservie, toutefois elle reste la meilleure fin possible à mes yeux.
Beaucoup de questions restent en suspens, notamment la possibilité d’un espoir par une renaissance, ou encore des détails cachés sous la nappe d’ignorance du protagoniste dans le but de ne pas nous étouffer par l’aspect scientifique de l’ouvrage. Cela attise la curiosité et c’est franchement bienfaiteur. Je vous le confirme, on sort de ce livre avec l’envie voire le besoin de se renseigner sur les divers sujets évoqués.
Les personnages ne sont pas mal non plus. Robert Poinsot traduit ses pensées et ressentis avec un laissé-allé bienvenue. Sans aller jusqu’à l’attachement sincère, on suit ses mésaventures avec empathie, parfois avec stupeur et tremblements. Les autres évoluent selon une mécanique bien humaine, horrifiante et désagréable mais ô combien réaliste. L’alternance entre passé et présent permet d’oublier que le professeur est seul dans son quotidien, donnant du rythme à l’ensemble.
La plume est très carrée, elle résume l’histoire avec une économie de mots. On sent la patte universitaire derrière tout cela, que ce soit celle de l’auteur ou de son personnage. C’est donc très agréable à lire, malgré l’aspect scientifique.
Le paradoxe de Fermi est un très bon livre. Il évoque divers sujets d’actualité, traités avec une légèreté qui évite l’alourdissement du texte. Les personnages apparaissent dans toute leur humanité. Quant au paradoxe lui-même, les différents points de vue et les questions philosophiques qu’il soulève valent à eux seuls le coup de s’attaquer à cet ouvrage. Je le conseille d’autant plus à ceux qui n’y connaissent rien et qui apprendront plein de choses, contrairement aux confirmés de Fermi qui risqueraient de s’ennuyer.
16/20
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