Reçu après l'exposition à Seed Factory en 2001.
Luc Van Malderen en 2016.
Luc Van Malderen qui s'est éteint ce 14 septembre 2018 à l'âge de 88 ans a été un artiste exceptionnel. S'en rappelle-t-on assez? Ses gravures influencées par le monde industriel sont dans toutes les rétines. Luc Van Malderen (VM) fut un artiste original, graphiste, photographe, sémioticien (spécialiste de l'étude des signes, des symboles et de leur signification) et théoricien de l'image. S'il influença plusieurs générations de graphistes, les poussant à explorer le vocabulaire graphique, il révéla aussi de nombreux illustrateurs à eux-mêmes. Il fut en effet le directeur du département de communication visuelle de l'ENSAV La Cambre entre 1962 et 1994. Et ses élèves gardent des souvenirs émus du pédagogue passionné qu'il fut.En octobre 2001, toutes générations confondues, 79 anciens étudiants de l'Atelier de communication graphique de La Cambre rendaient hommage à leur ancien prof et ami, Luc Van Malderen par une exposition présentée à Seed Factory (Auderghem, Bruxelles).
Voici ce que j'en avais écrit à l'époque.
"Combien de ses 2.400 "petits lapins", comme les appelle affectueusement Luc Van Malderen, sont-ils venus jeudi soir fêter leur ancien prof (32 ans de carrière)? Plus de 300 sûrement, serrés comme des sardines dans le superbe espace d'exposition de Seed Factory (une ancienne graineterie industrielle) mais bien décidés à rendre hommage au fondateur de l'Atelier de communication graphique de La Cambre. Et surtout à lui redire leur profonde amitié filiale.
Du beau monde, le gratin du graphisme et de l'illustration, curieux de découvrir l'exposition "Générations-vm". Sous ce pluriel et ces initiales énigmatiques se niche le touchant hommage rendu par plusieurs générations d'étudiants à un bonhomme hors du commun. Pétulant, rigolo, plein d'entrain et de curiosité. Uniquement habillé de noir, durant sa première année d'enseignement, en 1962, parce qu'"on ne chahute pas quelqu'un en deuil", selon son aveu. Un pédagogue enthousiaste qui "ouvre les têtes, qui ouvre les robinets du crayon", glisse un de ses élèves.
"Un croisé des deux dimensions", sourit son ami, le graphiste et sculpteur Michel Michiels. Un passionné de sémiologie, d'architecture industrielle. Un immense producteur d'images mais aussi de mots: "Entre être et paraître, il y a place pour la comédie humaine". Ou: "Les enfants jouent; c'est leur travail. Ce serait bien de faire jouer les adultes en prétextant un travail urgent". Ou encore, en peu de mots: "C'est en pensant qu'on devient pansu".
"Luc Van Malderen n'est pas quelqu'un de banal", explique Jean-Manuel Duvivier qui a repris le flambeau de l'atelier de La Cambre et est un des organisateurs de l'exposition. "Nous ne voulions pas de portraits de Luc", explique-t-il. "Nous sommes partis de ses textes, de ce qu'il a écrit en relation avec sa peinture et sa pédagogie et nous avons proposé aux anciens étudiants de les illustrer." Septante-neuf d'entre eux ont répondu à l'appel, graphistes, publicitaires, illustrateurs, peintres, photographes, etc. Leurs créations témoignent à merveille de l'esprit d'atelier qui a toujours prévalu chez Van Malderen. "Autant de discours qui sont sur les murs", affirme Michel Michiels, premier diplômé et propriétaire des lieux.
L'œil glisse sur les cimaises bien garnies, épingle les grands noms du graphisme contemporain. Cocorico! Tant d'anciens élèves et des amis, comme le photographe Christian Carez, qui ont illustré les écrits de Van Malderen en lui glissant quelques private jokes. Franck Sarfati, par exemple, le patron du bureau de graphisme Sign, décline avec sobriété la "cotation évolutive vm", du petit point au gros point. Dans une vidéo, Anthony Huerta, pionnier du travail informatique, évoque les "trois feutres magiques". On lit encore les noms de Marc Lemer, responsable des dessins animés chez le cinéaste américain Steven Spielberg, Philippe Van Duynen aux campagnes de pub remarquées, Olivier Wiame, créateur des affiches du Théâtre de Poche. Des noms connus en littérature de jeunesse aussi, Mario Ramos, Josse Goffin, David Merveille, Pascal Lemaître, Jean-Louis Lejeune, Quentin Van Gijsel.
Enfin, on découvre le travail de tous les graphistes anonymes qui rendent notre quotidien visuel moins banal.""Un subtil mélange d'amour et de rigueur"
ENTRETIEN
Nom. Luc Van Malderen.
Naissance. En 1930.
Qualités. Graphiste, artiste, sémiologue, conférencier et professeur de communication graphique.
Présence à La Cambre. 32 années, de 1962 à 1994.
Particularité. Tout ce qu'il a choisi de faire l'amuse.
Comment réagissez-vous à l'hommage qui vous est rendu?
J'ai découvert cette exposition peu de temps avant vous. C'est magnifique, comme vivre un rêve éveillé. Je veux tout lire, tout voir. Mais je suis déjà malade à l'idée que d'anciens étudiants n'aient pas été prévenus.
Qu'est-ce qui vous frappe le plus dans l'expo?
Le plus étonnant pour moi qui ai été enseignant pendant 32 ans, est de voir qu'aujourd'hui, toutes les générations de mes étudiants sont réunies en même temps. Certains d'entre eux ne se connaissaient même pas et se découvrent ici.
C'est quoi la pédagogie Van Malderen?
J'ai toujours mélangé l'amour et la rigueur. Je ne laissais rien passer à mes étudiants. J'exigeais énormément d'eux. Moi-même, j'ai continué à créer dans le domaine de l'enseignement. Onze universités américaines m'ont invité et m'ont accueilli avec des trompettes.
Vous avez dit plusieurs fois que vous aviez de la chance...
Effectivement, j'ai eu beaucoup de chance. D'abord, pouvoir faire ce que je voulais. Ensuite, d'avoir eu dans mes étudiants des groupes très intéressants, avec de vrais créateurs.