Une grande bouffée d’humanité

Une grande bouffée d’humanité

Amour minuscule (Teresa Radice – Stefano Turconi – Editions Glénat)

Il y a des couples qu’on dit sans histoire. D’autres, au contraire, ont une sacrée histoire! Prenez Iris et Ismail, par exemple. Ils sont jeunes, ils sont beaux et ils viennent d’emménager dans une petite maison à Verezzi, un village situé près de Gênes, en Italie. Jusque-là, rien de très extraordinaire. Sauf qu’Ismail, qui est Syrien, décide de rentrer quelques semaines au pays pour voir sa famille et régler une série de formalités administratives. Il veut aussi profiter de son séjour là-bas pour passer dire bonjour à Saul, un religieux italien qui est comme une sorte de père spirituel pour lui. En 2007, c’est grâce à lui qu’Ismail et Iris se sont rencontrés, à une époque où la Syrie était encore une région relativement pacifique. En partant, le jeune homme se doute bien que la vie n’est plus aussi rose qu’avant dans son pays natal. Mais une fois là-bas, il découvre que la guerre a éclaté pour de bon et que la situation est bien plus critique qu’il ne le pensait. Pris dans la tourmente, Ismail se retrouve coincé au milieu des combats, sans ressources et sans téléphone. Enlevé par des islamistes, il croit sa dernière heure arrivée, mais parvient miraculeusement à s’enfuir vers le désert. Impossible, par contre, de prévenir Iris, ni de rejoindre l’Italie par la voie normale. Prêt à prendre tous les risques pour retrouver sa bien-aimée, il décide alors de se mêler aux autres candidats réfugiés pour tenter de revenir en Europe en traversant la Méditerranée. De son côté, Iris découvre qu’elle est enceinte. Bien sûr, la jeune femme se réjouit de cet « amour minuscule » qui pousse dans son ventre et elle se persuade qu’Ismail est toujours en vie, mais il lui arrive de se demander s’il va un jour revenir. Heureusement, elle peut compter sur sa meilleure amie Ale et sur sa tante Tiz pour la soutenir. Sa maman, par contre, reste toujours aussi distante. Il faut dire qu’elle-même a été brutalement séparée de ses parents lorsqu’elle a fui la dictature en Argentine pour rejoindre l’Italie dans les années 70. Et si cette épreuve était une occasion pour Iris d’enfin se rapprocher de sa mère?

Une grande bouffée d’humanité

Comment garder foi en l’humanité? Si on ne regarde que les nouvelles à la télévision ou sur Internet, il y a de quoi se poser la question. Comment ne pas se sentir impuissant face au drame des migrants, par exemple, ou face à la montée des populismes un peu partout en Europe? C’est là que réside tout l’intérêt d’une BD comme « Amour minuscule ». Ce roman graphique très dense (plus de 300 pages!) ne lésine pas sur les moyens et les pensées positives pour redonner espoir à ses lecteurs et pour leur montrer qu’il ne faut pas baisser les bras face à l’adversité. On peut même parler d’un véritable concentré de sincérité et de générosité. Teresa Radice et Stefano Turconi, qui s’étaient déjà fait remarquer il y a deux ans avec le magnifique « Port des Marins Perdus », mettent tout leur coeur dans ce récit plein d’humanité. Bien décidés à aller à l’encontre du négativisme ambiant, ils mettent en scène une série de personnages aux destins croisés pour aborder des sujets aussi divers que la religion, la famille, l’homosexualité et la culture, avec en toile de fond la guerre en Syrie, la situation dramatique sur l’île de Lampedusa ou encore la répression sanglante dans l’Argentine des années 70. On l’aura compris: c’est un roman graphique qui brasse très large, avec parfois le défaut d’être un peu trop bavard. Mais au final, on ne peut que se laisser emporter par le souffle romanesque de ce récit, ainsi que par son plaidoyer vibrant pour davantage de tolérance et d’ouverture dans notre société. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’Ismail a donné un autre nom à Iris. Il l’appelle Nur, un mot qui signifie « lumière » en arabe. C’est exactement ce qu’est ce roman graphique: un point lumineux dans la grisaille.