Hernan Diaz
Traduit de l’anglais par Christine Barbaste
Delcourt
333 pages
« Les années s’évaporèrent dans un impalpable présent. »
Un jeune suédois, Hakan, se retrouve seul dans l’ouest des Etats-Unis après un malencontreux concours de circonstances.
Lecture déconcertante. Dès le second chapitre, l’auteur demande au lecteur un effort de compréhension. L’histoire est centrée sur Hakan. Ce personnage ne comprend pas un mot d’anglais, et l’auteur met le lecteur dans la même position que son héros. On est Hakan. On voit à travers les yeux d’Hakan. Nulle explication donnée, nul narrateur omniscient. Il n’y a donc que des dialogues muets puisque Hakan ne les comprend pas. C’est très fort.
Dépaysement assuré. Des paysages désertiques, un lac salé asséché avec ses saumures, les canyons, on suit en arrière-plan le développement des Etats-Unis au dix-neuvième siècle.
Roman d’initiation. Hakan rencontre des personnages qui ont la capacité de donner un sens au monde. Il apprend des autres mais aussi des épreuves qu’ils surmontent. Elles sont toujours sources d’une prise de conscience et l’aident à poursuivre ou à s’interroger sur le sens de la vie.
Western. Il y a des indiens, des chevaux, du désert, des broussailles, de la poussière, un saloon et des morts, plein de morts.
A rebours de l’Histoire. La ruée vers l’or, des milliers de gens sur les routes à la recherche d’un coin de terre, de cette terre promise, la traversée transversale des Etats-Unis au dix-neuvième siècle. Hakan remonte le courant, il part de Californie et se dirige vers New York dans le seul but de retrouver son frère.
Cinéma. Je demande à mes élèves de faire un film dans leur tête quand ils lisent. C’est exactement ce qui se produisait à la lecture de ce roman. Les images défilaient sans effort mais aussi les sons, les odeurs. J’ai senti l’odeur âcre du sang, mes mains collaient d’avoir trituré le colon d’un cheval, mes vêtements étaient imprégnés de l’odeur de la fumée qui s’échappait de son terrier, j’ai vomi d’avoir mangé des plantes toxiques…
Naissance d’une légende. Hernan Diaz nous offre une histoire d’une puissance incroyable, ce personnage magnifié par sa corpulence est d’une profondeur humaine à couper le souffle. Un héros malgré lui.
L’expression de la solitude. Elle peut parfois mener à la folie. Elle atteint notre raison d’être et l’auteur décrit parfaitement cette montée angoissante chez le personnage. L’errance du personnage est subie, non choisie, il fuit toute sa vie la compagnie des hommes et hormis deux rencontres importantes, deux rencontres émotionnellement fortes, il vivra seul, terriblement seul.
La nature. Hostile bien souvent, une nature dans laquelle l’homme n’est pas le bienvenu, qu’il doit apprivoiser, apprendre à connaître pour ne pas y laisser sa peau. Le plus sauvage n’est pas celui qui s’adapte à son environnement, qui se recouvre de peaux de bête pour lutter contre le froid, mais l’homme des villes, celui qui possède les armes, qui ment, qui cherche à amasser de l’argent. Hakan vit en osmose avec la nature.
Des répétitions voulues. Le chapitre 20 est monté en boucle. Des phrases sont répétées, comme les occupations d’Hakan qui sont identiques d’une journée à l’autre. « Exister était un travail à temps plein. » Le style n’est pas étranger à la réussite de ce roman. D’ailleurs la scène d’ouverture est grandiose avec ce blanc très visuel.
Un roman puissant par son originalité.