L’écart de Amy Liptrot

Par Krolfranca

L’écart

Amy Liptrot

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Karine Reignier-Guerre

Editions Globe

Août 2018

330 pages

L’auteur raconte sa descente aux enfers dans les vapeurs de l’alcool puis sa remontée grâce à la nature de ses îles natales.

Pendant une bonne cinquantaine de pages, j’avoue que je suis totalement restée en dehors de ce texte. Impossible pour moi de pénétrer dans ce récit, non à cause du sujet mais plutôt de l’écriture. Tenue à distance, je regardais les mots défiler en me forçant à faire naître des images. Inévitablement, je m’interrogeais, devenais-je imperméable à la littérature ? Pourquoi ce livre tant adulé pesait-il si fort entre mes mains ? Que se passait-il ?

C’est un témoignage et non un roman, et il m’a fallu d’abord accepter ce préambule. Il ne fallait donc pas que je recherche une écriture ou une construction romanesque. Et puis, il a fallu aussi que je le lise dans la journée et non le soir après une journée de travail dans les pattes et dans la tête.

Alors peu à peu la petite musique des mots s’est mise à vibrer en moi, a déclenché des émotions, et j’ai relu cette première scène hallucinante, cette image de deux personnes en fauteuil roulant, l’une avec un bébé dans les bras, l’autre enfermé dans une camisole et prêt à partir en hélicoptère.

J’ai aussi relu le passage à Londres, qui ne m’avait pas touchée plus que ça, et j’y ai enfin vu cette dichotomie entre une vie au milieu des autres, où l’alcool (ou la drogue) rassemblait des êtres qui en fait, vivaient dans une grande solitude.

Mais, mais…

Oui, j’ai appris des tas de choses sur l’archipel des Orcades.

Oui, j’ai aimé certains passages, sur Papay notamment, lorsqu’elle évoque les vols des fous de Bassan, lorsqu’elle parle de ses baignades dans l’eau glacée…

Oui, j’ai apprécié lorsque l’auteur pratiquait un peu d’autodérision.

« Je fantasme à propos d’un verre de vin comme vous fantasmez peut-être à propos d’une liaison : je sais qu’il ne faut pas céder à la tentation, mais, si les conditions s’y prêtaient et que nul n’en sache rien, nous passerions un sacré bon week-end ensemble, moi et mes bouteilles. »

Oui, j’ai aimé vivre avec l’auteure sa reconstruction au milieu d’une nature pas si amicale que ça.

Mais j’y ai souvent vu du documentaire, plaqué là et non enrobé dans la narration, Amy Liptrot évoque l’ornithologie, la météorologie, l’astronomie… loin d’une ligne narratrice.

Mais je m’y aussi parfois ennuyée, et principalement à cause du style qui ne m’a pas charmée, ou tout au moins, pas tout le temps. J’ai trouvé le texte trop inégal pour m’y complaire totalement. Il y a des passages extrêmement bien écrits et d’autres bien plats. Et puis il y a des répétitions, pas indispensables.

En résumé je crois que je suis passée à côté de ce témoignage. Je n’ai pas décollé. Comme un oiseau qui apprend à voler, j’ai voleté un peu puis suis retombée au sol, désolée de n’avoir pu prendre mon envol.

Et, j’endosse, encore une fois, le costume du vilain petit canard…  le petit qui ne vole pas avec ses congénères…

Merci à Masse critique.