Libres pensées...
Julia et Jacob vivent avec leurs trois enfants à Washington. Leur couple et leur famille semblent solides à tous points de vue. Cependant, cet équilibre part peu à peu à vau l'eau, à la faveur de plusieurs événements qui viennent ébranler leurs certitudes et leur confiance mutuelle.
La lecture de Me voici m'a mise face à un fait qui se dessinait ces derniers temps : je commence à me sentir lasse des romans américains. Pas tous, bien entendu, mais ceux qui s'inscrivent dans une certaine veine, relatant le quotidien d'une famille habituellement issue de la classe moyenne à aisée, dont les tribulations quotidiennes me laissent de plus en plus froides. Ce sentiment a émergé à la suite des romans de Franzen, Wolitzer, et d'autres encore.
Les deux autres romans lus de Foer étaient très différents, aussi je ne m'attendais pas à trouver cela dans Me voici.
Je dois cependant tempérer mes propos : il y a aussi des choses intéressantes dans ce roman, des choses que je retiendrai. Si les questionnements et le déchirement progressif du couple formé par Julia et Jacob n'a rien de très inédit, si les relations complexes entretenues avec leurs enfants ont parfois elle aussi un air de déjà vu, le récit aborde aussi cette vie de famille sous un angle sociologique, et dans la mesure où il s'agit d'une famille juive américaine, les débats entre Jacob et un de ses amis vivant en Israël ont par exemple contribué à distinguer cette histoire de celles que j'avais déjà lues.
Les protagonistes, plongés dans une existence bourgeoise, font aussi face à une identité morcellée, des envies contraires, l'affirmation de leur judéité alors que le conflit dans lequel est engagé Israël les met mal à l'aise, et qu'ils affrontent les reproches de certaines de leurs connaissances qui ont engagé dans ce conflit leurs enfants, leur argent, leur temps, pratiquement tout ce qu'ils ont.
Mais Jacob, en particulier, tient à distance ces questions qui n'occupent qu'une place réduite dans son quotidien, où il jongle entre son rôle de père et d'époux, et certaines pulsions qu'il peine à réfréner.
Il y a toujours, c'est heureux, une originalité, une fantaisie dans la plume de Foer, qui apporte un élan, une fougue particulière - cette fois-ci, ce sera le langage cru, ou l'humour sur des sujets graves.
En conclusion, Me voici est un autre roman sur la classe moyenne américaine, enlisée dans une bienséance bourgeoise qui rompt de plus en plus avec l'égoïsme et la quête de sens qui la taraudent.
Pour vous si...
- Vous n'avez encore jamais lu aucun roman de la tradition réaliste contemporaine américaine
Morceaux choisis
"Malgré les regrets quasi constants qu'il avait de n'être que lui-même, il n'avait jamais commis l'erreur de se croire la source du problème. Le problème, c'était le monde. C'était le monde qui ne lui convenait pas. Mais a-t-on déjà trouvé le bonheur en rétablissement la vérité sur la culpabilité du monde ?"
""_Et Yael ?
_Elle va bien. Elle est à Auschwitz." Boum chakalada !
"Quoi ?
_En voyage scolaire." "
"Elle n'était pas heureuse, mais pas non plus certaine que son malheur ne ferait pas le bonheur de quelqu'un d'autre. Il y avait en elle des désirs non assouvis - en grande quantité -, mais c'était sans doute le cas de tout le monde, marié ou pas. Elle voulait plus, mais ignorait s'il y avait plus. Il fut un temps où ne pas savoir était stimulant. Ca s'apparentait à de la foi. Désormais, elle se sentait agnostique. Ne restait plus que le sentiment de ne pas savoir."
Note finale2/5