Budapest au début des années 50. L’ingénieur Ancsa et sa femme, recueillent une jeune fox-terrier, Niki « le chien », sorte de compensation affective suite au décès de leur fils sur le front russe. Entre le couple et l’animal des liens profonds vont se créer et le temps passant, le rôle de soutien passera du couple au chien et inversement.
Il a vraiment une bonne bouille ce toutou, du moins celle affichée en couverture de l’ouvrage et elle reflète parfaitement le sentiment général qui se dégage de ce roman : l’écoute, l’intelligence et la bonté. Il est vrai aussi que le chien, le meilleur ami de l’homme comme on dit, ne peut être qu’un bon sujet de roman/film, sauf quand on tombe dans le mièvre, ce qui n’est pas le cas avec Niki je vous rassure immédiatement.
Restons sur le personnage du chien ; tous ceux qui ont un chien seront épatés par la manière très réaliste et juste avec laquelle Tibor Déry décrit ses actes, ses mimiques, ses réactions face aux évènements ou aux gens. Ca peut sembler un peu banal et nous dire qu’un chien est intelligent enfoncer une porte ouverte, mais quand c’est bien écrit, je dis « respect ! ».
Et ce roman est très finement écrit, tout en légèreté et petites touches brossant en arrière-plan la situation politique du pays sous le joug communiste. Pour une peccadille ayant offensé un haut fonctionnaire du Parti, Ancsa bien que communiste convaincu, est renvoyé de son poste, de mois en mois il sera affecté à des emplois de plus en plus inférieurs à ses capacités, jusqu’au jour où il disparaît, arrêté et emprisonné sans motif connu durant deux ans sans que sa femme ne sache ce qu’il est devenu.
Durant tout ce temps, Niki sera le seul soutien moral de l’épouse, toujours dans l’attente confiante du retour du disparu, toujours à japper derrière la porte quand il croit reconnaitre son pas. Son amour indéfectible pour son maître est un modèle du genre. Une manière pour Déry, sous forme de parabole, de montrer que dans cette Hongrie où l’homme n’est plus rien, à peine une silhouette dans la foule, seul un animal conserve intact ses sentiments et son amour pour son maître, entrant dans une résistance obstinée passant par peur et passion, jusqu’à l’épilogue magnifique autant que poignant.
Comme on peut le constater durant tout le roman Tibor Déry est d’une précision pointilleuse dans les noms de rues (« elles arrivèrent dans l’avenue Istvan (la future rue Landler Jenö) ») et il n’hésite pas à interpeller le lecteur maintes fois (« Imaginons maintenant l’état d’âme de Mme Ancsa… ») resserrant les liens d’empathie entre ses personnages et son lecteur.
Un roman très court, très fin, très touchant.