On arrive à la fin de l'année : c'est le moment où les libraires s'arrachent les paupières à l'approche des arrivages de Noël et, celui où nous, lecteurs, on peut y voir plus clair, la frénésie de la rentrée étant enfin calmée.
Dans cet esprit, j'ai commencé à concocter mon habituelle liste de coups de cœur de l'année 2018, ambiance Top Chef, saveur mille parfums. Une belle liste toute proprette, riche de recommandations de lecture, un vrai gratin multicouches.
Quand soudain,
HORREUR.
Saisie d'un effroi digne du maître de maison ouvrant son frigo le 25 pour se rendre compte qu'il a oublié la bûche, j'ai fait :
Nooon. Si ?
J'ai oublié de publier mon Top jeunesse 2017.
Du coup, mes chers amis, vous aurez deux TOP cette années, à quelques semaines d'écart. Oui, je suis du genre à te servir la bûche de l'an dernier. BAH NON, je vais pas sauter la liste 2017, t'es pas sérieux, la voici au contraire avec un recul tout poli bien peigné de 10 mois de réflexion sur mes lectures de l'an passé. On a rarement l'occasion de faire mijoter si longtemps le plan de ses dissertations.
Et donc, HERE IT COMES, mes 15 meilleures lectures jeunesse de 2017. Tellement en retard que ça vaut plus la peine de s'excuser.
- 15. Dylan Dubois, de Martine Pouchain (Sarbacane*, 2015)
Dylan sort de foyer pour (re)vivre avec son père. Mais deux nouveaux venus ont colonisé la maison : un petit-frère adoptif Pedro, et la mère de ce dernier, la belle, toxique Cynthia. Laquelle met aussitôt ses pouvoirs de marâtre en œuvre pour le chasser : séduction, mensonge, manipulation. Et ça marche. Dylan se casse du foyer familial avec Rusty, son chien pourri mais fidèle. Destination ? La liberté et ses forêts. Et, peut-être, qui sait, sa mère, au bout du chemin...
Un roman puissant par l'incarnation de ses personnages (l'horrible belle-mère pour commencer) et son évocation de la nature.
* Astérisque destiné à te rappeler que je travaille en tant qu'éditrice chez Sarbacane et que donc chaque titre de cette maison est un autre bras à ajouter à ma non-objectivité de mille-pattes. Mais si tu croyais en venant ici que j'étais objective sur quoi que ce soit, laisse-moi te dire, mon petit ravioli à la ricotta, que tu t'es vastement égaré. Sur ce blog, c'est le règne joyeux et sauvage de la partialité débridée.
- 14. Sauveur et fils, de Marie-Aude Murail (L'École des Loisirs, série en cours depuis 2016)
Sauveur Saint-Yves est psychologue, et voit défiler dans son cabinet toutes les névroses des années 2010 - aussi touchantes et drôles, insupportables et troublantes, que le sont les enfants, ados, hommes et femmes qui les subissent. Mais Sauveur Saint-Yves est aussi le papa veuf un peu paumé de Lazare, 8 ans, mignon jusqu'aux frisettes, qui a une légère tendance à espionner tout ce qui se passe dans le cabinet...
Comédie de mœurs d'une élégante et délicieuse finesse, on s'engage dans cette série comme dans un feuilleton Netflix, c'est-à-dire que c'est mégadur d'arrêter et qu'on replonge dedans sans réfléchir, comme dans un paquet de chips. (D'ailleurs l'autrice, après avoir " fini " la saga au tome 4, se relance dans un tome 5. Je t'ai vue, MAM.)
- 13. Colorado Train, de Thibault Vermot (Sarbacane*, 2017)
USA, années 50. Un jour, un élève de l'école disparaît, puis est retrouvé quelques jours plus tard... mort. La bande de Michael, Durham, George, Don et Suzy, se réunit : faut retrouver celui qui a fait ça. Mais un sale frisson leur remonte le long du dos... Car le disparu a été retrouvé à demi dévoré.
Maître de l'ambiance, Thibault Vermot fait vivre cette bande de Goonies avec une joie toute salie de poussière rouge, et déroule sous vos yeux palpitants un fil narratif à se faire saucissonner dedans. Superbe plume. SHIVERS.
- 12. La mémoire de Babel, de Christelle Dabos (Gallimard Jeunesse 2017)
Dans La mémoire de Babel, Christelle Dabos étend son univers gourmand, inventif et poétique. Elle ose une longue ellipse qui fait grandir ses personnages (notamment Ophélie, qui gagne en assurance, tout en ne trahissant pas sa nature intrinsèque de petite souris), et surtout, elle nous emporte loin, sur une nouvelle arche au décor exotique et merveilleux - mais légèrement marquée par une culture de l'autoritarisme... #EXCITATION
Un tome qui en termes d'émotion atteint son point culminant d'habileté et délicatesse Austinienne.
- 11. Lettres d'un mauvais élève, de Gaïa Guasti (Thierry Magnier, 2016)
Ces L ettres d'un mauvais élève sont le réquisitoire d'un cancre contre le monde entier. Incisives, portées par une voix d'une justesse impitoyable, elles te laminent sans pitié - jusqu'à la toute dernière où l'espoir filtre au travers, qui laisse deviner qu'une rédemption est possible. (Envie de t'écraser la tête dans l'oreiller pour hurler ? C'est normal.)
Ce petit livre est une saignée dans l'idéal de l'école républicaine - mais au-delà de la douleur qu'elle inflige sur le moment, elle est belle et salutaire.
Tout va bien dans la vie d'Alma : famille heureuse, petit frère génial, meilleure amie irremplaçable, petit-ami tout neuf... quand soudain, ça se détraque : sa meilleure amie la plaque. Ouais, la plaque. En mode " C'est pas toi, c'est moi, désolée, je préfère qu'on reste am-... non en fait, je préfère pas. " Whaaat ?
Dans un style intelligent, allègre, vif, pointu, l'auteur nous concocte une succession de scènes charmantes de drôlerie, et développe entre les personnages des relations toutes mim's et très justes.
Fille d'une famille de nobles désargentés, Serine ne sait ni lire ni écrire mais est intelligente, terrib'. Lorsque sa mère décide de la marier à un vieux croûlant moisi contre trois moutons et deux chandeliers, Serine, trouve une meilleure solution : elle va se rendre à la Cour et se faire une situation. C'est ainsi qu'elle monte à Paris en charrette, et passe 190 pages à faire n'importe quoi.
Un roman jouant sur les codes du conte avec une liberté et une fantaisie délicieuses, émaillé de trouvailles langagières mémorables, et, surtout, très fun.
Manolo déteste lire, et déteste les écrivains. Et ça ne risque pas de s'arranger après cette aventure : quand le célèbre auteur Roland Dale rencontre sa classe, c'est pour hypnotiser tous les élèves, les kidnapper et les emporter dans son manoir diabolique, où il prévoit probablement de leur faire des choses pas recommandables, enfin, on sait pas. Manolo se lance à sa poursuite pour sauver ses copains. Il a avec lui : la pimbêche de la classe, sa grande cousine qui sait conduire, et... une otarie. C'est parti.
Aventure jouissive à base de plantes carnivores, passages secrets, gouffres peuplés d'alligators et autres délicieux dangers, L'écrivian abominable, c'est le kiff d'enfance absolu.
Oui, c'est l'année où je me suis fait une petite série de Marie-Aude Murail, comme on tomberait dans une boîte à biscuits, pardon, j'ai laissé des miettes partout, du coup.Simple a 22 ans, mais 3 d'âge mental. Y joue avec des Playmobils, avec les beaud'hommes cachés dans les téléphones, et avec Monsieur Pinpin, son lapin en peluche, qui pète la gueule aux méchants. Les méchants, c'est Malicroix, l'institution pour débiles. Les gentils, c'est Kléber, son frère de 18 ans, qui fait tout pour qu'il n'y retourne pas - quitte à prendre Simple à sa charge, se mettre leur père à dos, fuir le domicile familial et s'installer en coloc avec 3 étudiants inconnus. Ça va pas être simple, ça non plus.
Faire entendre de vraies voix d'enfants dans des corps de grands, c'est un défi. Quand on le relève avec panache, on arrive à faire rire bêtement et pleurer stupidement.
Lors d'une soirée, une jeune fille (défiance, farouche, le genre qui a tendance à mordre la main qu'on lui tend), rencontre une chienne blessée qui traîne derrière elle sa chaîne arrachée. Elle ressent alors le besoin absolu et soudain, là dans son bide, de la sauver.
Petit roman compact comme un uppercut, Rage donne mal au cœur à force de l'avoir serré.
C'est l'histoire d'un petit gars, mettons, 11 ans, qui, coincé à l'arrière pendant qu'une guerre ravage le pays et avale son père, n'a qu'un seul rêve, qu'une seule patrie : Pax, son renard adoptif. Aussi, quand on le contraint à l'abandonner, il sait très bien ce qu'il va faire, y a pas à tortiller. Il va partir avec sa gourde dans les forêt minées pour aller le retrouver.
Un roman qui est beaucoup plus que ce à quoi l'on s'attend. Non, ce n'est pas mignon, pas seulement. C'est beau. Et puis, le sous-texte émotionnel, le propos effleuré sur la guerre, sont surpuissants.
Vania Strudel a une vie de merde : comme une vaste majorité d'ados râleurs, elle considère que personne sur TERRE n'enquille quotidiennement un aussi vache lot de chienneries. Faut reconnaître qu'elle se situe plutôt honorablement sur l'échelle de Richter des cataclysmes ambulants. Mais un jour, un courrier anonyme va tout remettre en perspective. Il dit en substance : " T'es pas aussi insipide et nulle que le reste de la fourmilière. T'es une vraie, une piquante fourmi rouge. Alors ma grosse, arrête de faire ta victime et secoue-toi la moule. "
Un one-woman-show inarrêtable (préparez-vous à masser vos zygomatiues à l'huile de coco), une comédie cinglante, grinçante, pétaradante et touchante, portée par une inimitable plume de qualitey, La Fourmi rouge est une perle.
Note : il s'agit du tome 2 de la série " Red Rising ". Mon préféré de la trilogie - laquelle, c'est important de le noter, est géniale jusqu'au bout. En revanche, faut la lire dans l'ordre, déso.Dystopie de science-fiction d'inspiration antique, la série Red Rising se caractérise avant tout par son intrigue riche en rebondissements, et de ce côté-là, le tome 2 est le plus diabolique, n'hésitant pas à mettre ses protagonistes dans des situations inextricables. TU COMPRENDS PAS COMMENT C'EST POSSIBLE QU'Y VONT S'EN SORTIR JE TE JURE. Et ce qui est génial c'est que, de temps en temps, juste quand tu as trop confiance dans les twists de dernière minute qui les sauvent immanquablement, ben - ils s'en sortent pas. MAIS NON ! Mais si. La vie n'est pas un long fleuve tranquille, Marielle.
Un univers impitoyable (DALLAAAAAS-), des enjeux viscéraux chevillés au corps des héros, un imaginaire frappadingue et totalement démesuré, avec un humour sombre en contrepoint : je vous recommande vivement les aventures de Darrow, notre héros tout flingué de l'intérieur.
Avertissement : à lire quand on va bien. De préférence sous le soleil, au bord d'une piscine où tremper ses orteils, avec un verre de rosé à proximité. Histoire de conjurer le bad trip intégral qu'est ce roman. (Mais ça vaut le coup, ô combien !)Marion, seule et fragile, se laisse séduire par Nicolas. Qu'elle aime. Qui prend soin d'elle. Qui resserre les murs autour d'elle, verrouille le cadenas. Qui voudrait qu'elle fasse sa part dans le foyer, et la force à voir des " clients " - qui le payent, lui.
En parallèle, Ève, mangeuse d'homme, use du sexe comme d'une arme - jusqu'à la rencontre qui, peut-être la sauvera ? Celle de David, qui promet autre chose... Deux jeunes femmes prisonnières d'elles-mêmes qui ne pourront compter que l'une sur l'autre pour s'enfuir.
Un roman sublimement écrit qui arrache le cœur et vous reste sous la peau longtemps.
Note : il s'agit d'un spin-off de la saga " La croisée des mondes ", qui peut se lire sans connaître cette saga. Testé et approuvé par des proches consentants.LA BELLE SAUVAGE EST GÉNIAL, et oui JE HURLE. Si tu ne l'as pas encore lu, ah la la, mon chéri, mais qu'attends-tu ? C'est un régal d'aventure, vaste comme le monde, brûlant et glaçant comme les contes de ton enfance, excitant et terrifiant comme la magie qui se niche dans les recoins du quotidien. Puissant et inimitable Pullman ❤
Si tu penses pouvoir supporter mon enthousiasme cocaïné, je t'invite à lire mon avis complet sur ce roman .
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EN RÉSUMÉ :
Voilà, c'est tout pour moi sur 2017. Mais comme tu le sais, je ne suis pas seule à officier ici, et je tiens à te partager les coups de cœur 2017 de mes fidèles chroniqueuses . Les voici !
Je te laisse le temps de noter et lire tout ça avant de te balancer mon Top 2018 ? Nah, me remercie pas, chu comme ça. Trop sympa. Passe le bonjour à ta PAL pour moi.