Publié aux éditions Libretto,
Paris, 1872. On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre atrocement mutilé d'une prostituée, premier d'une longue série de meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l'âme mutilée par son passé et au corps d'obèse, l'inspecteur Ragon n'a pour seule arme contre ces crimes que sa sagacité et sa gargantuesque culture littéraire. À la croisée des feuilletons du XIXe et des séries télévisées modernes, Feuillets de cuivre nous entraîne dans des Mystères de Paris steampunk où le mal le dispute au pervers, avec parfois l'éclaircie d'un esprit bienveillant... vite terni. Si une bibliothèque est une âme de cuir et de papier, Feuillets de cuivre est sans aucun doute une œuvre d'encre et de sang.Feuillets de cuivre se présente comme une compilation des enquêtes de l'inspecteur Ragon. Chaque enquête compte une vingtaine de pages et elles se font écho entre elles ou en tout cas ont une certaine continuité.
L'inspecteur Ragon, c'est d'abord un personnage inoubliable avant tout. Obèse, immense, c'est un enquêteur qui observe avant de passer à l'action. Lorsqu'il arrive sur les lieux d'un crime, il s'assoit et contemple le décor, en particulier la bibliothèque de la victime. Car il faut dire que notre inspecteur est un bibliophile averti. Sa dévoration pour la lecture est à l'image de son corps énorme et envahissant.
Fabien Clavel propose de manière très originale de résoudre les enquêtes échues à son inspecteur. C'est la littérature avant tout qui permet de coincer les meurtriers. Zola, Verne, les Goncourt ou encore Flaubert, Ragon va devoir puiser dans son incroyable mémoire livresque pour résoudre les crimes dont il est chargé. Si parfois, l'intrigue est un peu alambiquée, j'avoue que je me suis prise au jeu et que j'ai adoré cette façon d'enquêter. Les livres sont au cœur des crimes et en disent long sur les victimes et les bourreaux. Rendant hommage au feuilleton, Fabien Clavel fait d'une succession d'enquêtes une œuvre intéressante où tout se tient au final.
L'auteur nous offre aussi la possibilité de remonter le temps à travers ses différentes enquêtes. C'est un Paris de la fin du XIXème siècle qu'il nous décrit ici. Ragon se déplace en fiacre, sur les pavés de la capitale, déambulant dans les avenues les plus connues comme les ruelles les plus sordides. C'est véritablement à une promenade parisienne authentique que nous invite l'auteur du roman.
Au détour des multiples enquêtes de Ragon, nous croiserons le chemin de prostituées, de voyants, de bandes de malfrats et d'escrocs mais aussi des médecins aux pratiques douteuses. L'auteur nous plonge dans un Paris révolu, qui bascule dans le XXème siècle et on sent poindre ici et là les prémices d'un siècle cabossé qui s'ouvrira par l'une des guerres les plus meurtrières.
Les amateurs de steampunk seront en revanche déçus. Pas de grandes inventions ici. Il y a bien quelques allusions à une machine à remonter le temps mais l'ambiance steampunk est reléguée en arrière-plan un peu comme une toile de fond, ce qui ne m'a pas gênée outre mesure!
Feuillets de cuivre est sans nul doute une œuvre érudite et intéressante qui renouvelle la fantasy française. Une œuvre hybride qui n'a pas son équivalent dans le paysage littéraire français! (Je valide la catégorie " le cri de la banshee " avec ce roman #PumpkinAutumnChallenge)