La descente infernale
Coucou, c’est encore moi, Fleur Deschamps.Comment ça, vous ne savez pas qui je suis! Rappelez-vous, nous avons depuis peu fait connaissance. Mais si, c’est moi la pauvre détective qui joue de malchance depuis sa naissance. Ça y est, vous me remettez?Et pour vous prouver à quel point la fée Scoumoune s’est penchée sur mon berceau, je vais vous raconter une petite anecdote qui a eu lieu récemment.Laissez-moi vous planter brièvement le décor. Cet été, mon frère m’a gentiment proposé de le rejoindre, lui et sa famille, sur son site de vacances. Pour l’occasion, il avait loué un mobile home tout confort dans un camping du sud de la France. Dans le village de Valras Plage, plus exactement, non loin de Béziers.L’endroit était charmant, il faisait chaud (parfois un peu trop!), les cigales chantaient et la bonne humeur était de mise.
Jusque-là, c’était un séjour parfait. Mais voilà, c’était sans compter sur ma poisse qui n’était jamais bien là.Au sein de ce camping idyllique se trouvait une immense piscine. Et des toboggans. De très sympathiques toboggans jaunes et orange.
Lors de mon premier jour de congé, j’avais réussi à échapper à la descente infernale. Bien au frais dans la piscine à bulles, j’avais observé mon frère et son adorable fille Maya, enchaîner les glissages en riant.
Malheureusement pour moi, ma chance tourna radicalement le lendemain. Alors que je pensais pouvoir, une nouvelle fois, me prélasser sur un transat avec un bon livre, ma nièce avait d’autres projets pour moi. Tout juste âgé de cinq ans ce petit monstre était une manipulatrice née.
Imaginez une princesse ne dépassant pas la barre des un mètre vous fixant avec le regard de velours emprunté au Chat Potté, dans l’unique but de vous attendrir afin que vous l’accompagniez au toboggan.
Faible tata que je suis, j’ai fondu et cédé à ses supplications. Après tout, cela pouvait être amusant.Mon problème était que j’ignorais être aussi le chat noir du toboggan.
Au début, tout se passait comme prévu. Nous avons grimpé l’échelle nous menant à la plateforme de lancement, puis nous avons patiemment attendu notre tour. À chaque minute qui s’égrenait, je commençais à sérieusement baliser. Pour les autres, cela avait l’air si facile, mais pour moi… De nombreuses questions fusaient dans ma tête. Comment devais-je m'y prendre avec Maya ? Allais-je réussir à arriver en bas sans me ridiculiser ?
Soudain, ce fut à nous. Ma nièce choisit le toboggan fermé. N’ayant pas trouvé d’âme charitable prête à m’indiquer la meilleure façon de procéder, je décidais de m’asseoir à l’extrémité du tube et installais Maya entre mes jambes. Une fois celle-ci bien calée, je me suis élancée. La sensation de glisse et d'accélération était grisante. Ce n’était pas si sorcier que cela, songeais-je alors que nous amorcions le premier virage en criant.Je n’aurais pas dû me réjouir aussi vite. Rapidement, nous ralentîmes. En panique, je me mis à croiser les jambes dans le but de reprendre un peu de vitesse. En vain. Arrivées à la moitié de notre descente, nous nous sommes totalement arrêtées. Maya commença aussitôt à bougonner.Je fis plusieurs tentatives pour gagner de l’élan : jambes en l’air, remuage de fessier. Rien n’y fit. Nous étions bel et bien coincées.Pestant et maudissant la terre entière, je dus me résoudre à terminer cette descente infernale en m’aidant de mes bras. J’avais trop peur que quelqu’un nous tombe dessus. Même si je ne pouvais pas me voir, j’imaginais sans peine le ridicule de la situation. La grâce incarnée ! Bien que je sois certainement plus proche du vilain petit canard que du cygne. Dans mon malheur, nous étions à l’abri des regards, je pourrais donc conserver un peu de dignité.
Avec Maya qui s’agrippait à moi, ma progression était des plus laborieuses. À ce rythme-là, j’allais me dessécher et dans quelques années on retrouverait mon squelette coincé dans ce fichu toboggan.
À travers les parois, je pouvais entendre les autres vacanciers s’impatienter, ce qui redoubla mon irritation.
Après ce qui me sembla une éternité, je vis enfin le bout du tunnel. Mon frère, inquiet de ne pas nous voir ressortir, nous attendait à l’arrivée. Quand je lui expliquais notre mésaventure, ce dernier ne manqua pas de se moquer. D’abord vexée, je finis par éclater de rire à mon tour. J’avais une nouvelle catastrophe à ajouter à mon palmarès.
Ce fut ma nièce qui clôtura cette histoire en me portant le coup final. Elle me lança un regard dépité et de sa petite voix fluette me dit: « c’était plus drôle avec papa ».
FIN
Auteur : Séverine SILBERTDate de parution : 31 octobre 2018Tous droits réservésLa reproduction de ce texte est interdite.