Le malheur du bas. Inès BAYARD - 2018

Par Vivrelivre @blandinelanza

Avant même sa sortie, ce (premier) roman faisait déjà beaucoup parler de lui.

Et je dois bien avouer que c'est ce qui m'a attirée.

Grâce aux Matchs de la Rentrée Littéraire organisés par Rakuten-Price-Minister, j'ai eu la possibilité de le lire, merci à eux et aux Éditions Albin Michel !

Ce roman commence par une fin. Une fin de mort.

Tout le roman nous permet de reconstituer les événements qui mènent à cette tragique introduction.

Marie avait tout pour être heureuse.

Un mari aimant à la belle carrière d'avocat, un travail qui lui plaît dans une banque, un bel appartement dans le quartier de Paris qu'elle affectionne, animé et vivant, et une perspective de bébé.

Mais un soir de pluie, Marie est violée par le directeur de la banque qui l'a raccompagnée chez elle.

Deux pages, des mots durs, crus, violents, des verbes au présent pour le ressentir comme elle le vit.

Deux pages qui claquent, qui remuent, qui choquent.

Marie rentre, se lave, se couche, ne dit rien, se cache, se soumet, tente d'oublier, tremble, culpabilise, a honte, aimerait tout révéler puis se ravise.

Qui la croirait maintenant?

Son mari qui fait tout pour concrétiser cette envie de bébé ? Qui la touche, la pénètre, sans voir le mal, la peur, la souffrance, le dégoût ?

Sa sœur, ses parents, qui ne savent pas lire derrière son sourire figé ou ses absences ?

Puis l'annonce de la grossesse.

L'enfant de son violeur, elle en est persuadée.

Même son gynécologue, Paul, l'ami de la famille, n'a pas pu/su voir les preuves, les blessures sur son intimité. Ici encore la violence est de mise lors de l'échographie.

Et le temps passe, et le bébé grossit, grandit.

Les tentatives pour s'en débarrasser échouent les unes après les autres.

Puis vient la naissance.

Négligence maternelle.

A l'agence, les choses ne vont pas bien.

La manière de travailler a changé, et c'est sa jeune, trop jeune et jolie collègue, Mathilde, qui doit lui en expliquer les termes.

Puis l'absence de Mathilde.

Puis l'accusation de harcèlement.

Avec son mari, elle est distante et le méprise. Elle subit sa présence et ses désormais obligations conjugales.

Sa famille ne voit rien ou ne comprend rien.

Marie se sent opprimée, incomprise, esseulée, retranchée.

Elle n'a pas/plus le choix.

Alors elle se pose, et réfléchit.

Ce roman est dérangeant de par son sujet, de par son écriture, de par sa forme.

Il n'y a pas d'affect, ni de pudeur.

La narration est froide, descriptive.

Ce qui arrive à Marie est atroce, ce qu'elle fait pour survivre jusqu'à sa décision l'est tout autant et il est difficile de lire ce par quoi elle passe, en termes d'actes comme de sentiments.

Et les miens ont oscillé entre empathie, incompréhension et effroi.

Le roman se centre sur elle et sa perception des choses, des évènements et des êtres. Sur son corps, la sexualité, son couple, la maternité.

Le point de vue depuis son mari est très peu évoqué, celui de sa sœur encore moins.

Soit elle cache si bien sa souffrance que personne ne la remarque. Et elle s'y emploie avec énergie, tout en le leur reprochant.

Soit ils ne veulent pas, ne savent pas voir et ça aussi est très dérangeant.

Ce malheur du bas contre lequel il y a autant de réactions que de femmes.

(Cf le clash entre Christine Angot et Sandrine Rousseau sur le plateau d' On n'est pas couché en septembre 2017 et le traitement qu'en a fait France 2 ICI (il y a des fautes d'orthographe et la fin est un peu spéciale, mais les propos sont intéressants) ou LA.)

Ce roman m'a renvoyée à celui de Leïla Slimani, Chanson douce.

Le procédé est identique, avec la fin en premier puis le déroulement qui y mène.

De nombreux bloggeurs ont noté cette similarité.

Personnellement, cela ne m'a pas spécialement dérangée. C'est un style narratif.

D'autres ont (aussi) remarqué l'analogie et le traitement du sujet avec un autre roman, Je me suis tue de Mathieu Ménégaux. Je ne l'ai pas lu donc ne sais pas. Mais cela me donne envie de le lire.

Ce roman, qui ne peut laisser indifférent, participe au Challenge " 1% Rentrée Littéraire 2018 " de Sophie Hérisson.