Après la Chine, poursuivons notre tournée asiatique, version thriller. Prenons, si vous le voulez bien, la direction de la Corée, avec une transition toute trouvée, puisque notre roman du soir est signé par une écrivaine qui est, comme Cai Jun, comparée à Stephen King dans son pays... Trêve d'ironie, évoquons plutôt ce roman surprenant, par sa construction, par sa situation, par ses personnages, par son dénouement aussi et par un des éléments majeurs de son intrigue, le base-ball... "Les Nuits de sept ans", de Jeong You-jeong (en grand format aux éditions Decrescenzo, maison initialement spécialisée dans la littérature coréenne ; traduction de Kwon Ji-hyun et Philippe Lasseur), est un thriller qui flirte avec le fantastique, qui entretient, comme son titre l'indique, une ambiance très sombre, tout au long de ses 500 pages. D'un côté, la crainte d'une vengeance, de l'autre, une délicate quête de vérité. Et, au coeur de tout cela, la terrible crainte d'un fils : celle d'être, comme son père avant lui, un monstre...
Choi Seo-weon est un jeune homme qui vit dans un coin si perdu de la péninsule coréenne qu'elle n'apparaît sur aucune carte. Dans ce hameau, qui n'a de remarquable que son phare et sa position face à l'île Dol, un spot prisé des plongeurs, il travaille à la pharmacie et vit chez un étrange personnage, Ahn Seung-hwan, écrivain raté qui attend que sa muse veuille enfin se manifester.
Cela fait quatre ans qu'ils vivent là, dans la plus grande discrétion, prêtant, à l'occasion, leurs talents de plongeurs quand c'est nécessaire. Une vie retirée du monde, qui va basculer lorsque débarque au hameau du phare un groupe de citadins un peu trop excités. Malgré les conditions dangereuses et les avertissements qu'on leur adresse, ils décident de plonger, malgré tout.
Au matin, Seung-hwan et Seo-weon sont réveillés par le représentant du village. Trois des plongeurs ont été récupérés, mais le dernier manque encore à l'appel. L'unique espoir de le sauver dépend d'eux, les garde-côtes n'étant pas assez près pour intervenir à temps. Le sauvetage spectaculaire et hautement risqué attire l'attention des médias, qui braquent leurs projecteurs sur le village.
Et ce qui n'aurait jamais dû arriver se produit alors : les journalistes reconnaissent Seo-weon et révèle son douloureux passé. Sept années plus tôt, alors qu'il n'avait que 11 ans, il s'est retrouvé au coeur d'un drame impliquant son père, Choi Hyeon-su. Arrêté le 12 septembre 2004, il a ensuite été condamné à mort et attend encore son exécution en prison...
Soudain, Seo-weon redevient "le fils de Choi Hyeon-su", le fils de l'assassin, du monstre, du condamné à mort... La honte rejaillit sur le jeune homme, mais le vrai choc n'est pas là : pour faire du buzz, les journaux et les télés ont révélé à toute la Corée l'endroit où se cachait Seo-weon. Et, par conséquent, à celui qui a juré de se venger en le tuant...
Que s'est-il donc passé en cet été 2004 ? Choi Hyeon-su, prometteur joueur de base-ball dans sa jeunesse, n'a jamais pu atteindre le plus haut niveau. Mais, il a mené une carrière professionnelle honorable, jusqu'à ce qu'une étrange blessure ne vienne tout gâcher : victime d'un étrange mal neurologique, il a perdu peu à peu le contrôle de son bras, jusqu'à devoir raccrocher la batte.
Une fin de carrière prématurée, marquée par les moqueries et ce bras incontrôlable qui lui a valu plus d'une fois d'être ridicule. Et de sombrer dans l'alcool et la dépression au grand dam de son épouse. Jusqu'au jour où, bien décidé à ne pas perdre cette femme qu'il aime et leur enfant, il se reprend en main et se porte candidat à un poste de surveillance sur le barrage de Seryeong.
Pour cela, la famille va devoir déménager, quitter la ville de Daegu pour un endroit retiré et moins vivant. Mais, Hyeon-su pense que c'est indispensable pour reconstruire une nouvelle vie à trois. Malheureusement, rien ne va se passer comme prévu. La veille de son embauche, venu à Seryeong pour récupérer les clés de son nouvel appartement, il a un accident...
Dans la nuit, le long du lac artificiel créé par le barrage, il renverse une fillette qui a déboulé devant lui. Un terrible accident ! Oui, mais qui va prendre une autre tournure, lorsque l'ancien sportif comprend que la fillette n'est pas morte. Il s'approche d'elle et, soudain, son bras mort s'anime et étrangle la fillette, sans qu'il ne puisse rien faire pour l'en empêcher !
La suite... Eh bien, je vais vous la laisser découvrir. La mort de la fillette est ce qui a marqué les esprits, dans un premier temps. Car, vous le verrez, ce n'est pas le seul chef d'accusation qui a conduit le père de Seo-weon dans le couloir de la mort. Mais l'enchaînement des faits reste flou, en particulier pour le garçon, bien jeune pour tout comprendre à cette époque.
Depuis 7 ans, il vit avec cette terrible culpabilité, mais aussi une immense tristesse, car ce 12 septembre 2004, c'est toute sa famille qui s'est brutalement disloqué le laissant seul au monde, ou presque... Et puis, il y a la peur. La peur d'être pris pour cible par Oh Yeong-je, le père de la fillette, qui a juré de se venger en tuant le garçon...
Mais que s'est-il vraiment passé cet été-là, au bord du barrage ? L'incertitude dans laquelle demeure depuis 7 ans le jeune homme ne l'aide pas à passer à autre chose. Or, quelqu'un connaît la vérité pour en avoir été un témoin direct. Seung-hwan n'a jamais parlé, n'a jamais révélé tout ce qu'il savait. Mais il l'a écrit. Et, au moment où il se retrouve à nouveau en danger, Seo-weon va découvrir ce manuscrit...
Bon, soyons clair, j'ai fait mon possible pour vous proposer un résumé de ce roman. Mon possible, parce que les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît. Parce qu'il y a énormément de zones d'ombre entourant les événements de 2004 et que Seo-weon, narrateur du début du roman puis spectateur de sa propre histoire, ignore le fin mot de l'histoire.
J'ai surtout choisi de respecter la construction du roman, à la différence de la quatrième de couverture qui simplifie bien des choses, je trouve. Car le jeu entre le présent et le récit des événements de 2004 est très important, tout ce qui se met en branle en 2011 (année de sortie du roman en Corée) dépendant évidemment de ce qui s'est passé sept ans auparavant.
Il faut reconnaître que le contexte dans lequel se déroule le livre est pour beaucoup dans le sentiment d'oppression qu'on peut avoir : on est loin de tout, en 2004 comme en 2011. Des endroits perdus, à l'écart, peu denses en population et finalement assez bizarres : ce hameau au bord de la mer avec son phare comme unique point de repère et plus encore Seryeong.
Seryeong, son barrage, son village si propret qu'il en semble aussi artificiel que le lac voisin, sous lequel pourrit l'ancien village, recouvert par les eaux... Je ne dis pas qu'on ne peut pas trouver à ce décor un petit côté carte postale, mais tout est mis en oeuvre pour en faire un endroit sinistre, dans tous les sens du terme. A commencer par la nuit...
Eh oui, cette nuit qui commence avant même l'arrivée de Hyeon-su sur les rives du lac et qui, ensuite, va durer sept longues années, aux yeux de Seo-weon. Tout le roman ne se passe pas de nuit, mais cela contribue pas mal au côté sombre des choses, et à sa dimension angoissante. Et aux idées noires qui rongent l'esprit de Seo-weon depuis tout ce temps.
Thriller ou thriller fantastique ? Franchement, c'est à chacun de se faire son avis sur la question. On flirte avec, par exemple avec le Massacreur qui semble défier la raison, mais aussi avec d'autres éléments, sans doute pas décisifs pour l'ensemble, mais qui ajoutent à son côté globalement étrange, mystérieux.
Jeong You-jeong aurait pu aller bien plus loin dans cette voie, le récit et le lieu était propice à utiliser quelques sympathiques archétypes. C'est finalement plus léger, entre rêve et cauchemar, comme si les personnages se raccrochaient à cela pour pouvoir accepter ce dans quoi ils sont embarqués... Mais, avec ou sans, l'atmosphère de ce roman est très intéressante et forte.
On se replonge donc avec le jeune homme dans ce passé pénible, dans cette période où sa vie a basculé, où il est devenu le fils d'un monstre, ce père indigne, meurtrier, qui ne semble afficher ni remords ni regret et l'a laissé seul, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, l'obligeant depuis sans cesse à fuir et à se cacher...
Au coeur de cette histoire, quatre personnages se détachent nettement. Ils ne sont pas les seuls à intervenir, mais ils sont ceux qui occupent vraiment les rôles principaux. Il y a Seo-weon, narrateur de la première et de la dernière partie du roman, également impliqué dans la partie centrale, celle du passé. Avec, à chaque fois, pourtant, l'impression qu'il est d'abord un spectateur.
Il y a évidemment Hyeon-su, sportif déchu, mauvais mari et père de plus en plus distant, en quête d'une rédemption qui va tourner au cauchemar. Le monstre désigné par tous, à commencer peut-être par lui-même, à l'image du surnom de Massacreur qu'il a donné au mal étrange qui, régulièrement, anime son bras comme s'il était indépendant du reste de son corps...
Il y a Oh Yeong-je, le père de la jeune victime. Un notable, une figure de Seryeong, quand la famille Choi n'est encore qu'étrangère à ces lieux. Un homme puissant, donc, quand Hyeon-su, sa femme et son fils ne sont rien, ou pas grand-chose, surtout à ses yeux. Un homme blessé, en quête de vengeance, prêt à tout pour l'assouvir, et de la plus violente des façons...
Beaucoup de choses vont tourner autour de ces deux personnages, qui sont les protagonistes d'une tragédie qui leur appartient. Et l'un des enjeux majeurs de l'histoire, du récit que découvre Seo-weon, c'est de savoir qui sont exactement ces deux hommes, au-delà du simple portrait qu'on a pu faire d'eux dans les médias, lors des récits du drame.
Et puis, il y a celui qu'on n'attend pas forcément : Ahn Seung-hwan. A priori, c'est un personnage totalement extérieur à l'histoire. Il était à Seryeong au moment des faits, ils connaissaient les autres acteurs du drame, mais c'est tout. Mais, là encore, au fil de sa lecture, Seo-weon va le découvrir sous un tout autre jour et, peu à peu, son rôle va devenir bien plus important que celui de simple ami.
Tout cela, la construction, les secrets des personnages, l'absence de certitudes sur les événements de 2004, contribue à une intrigue assez complexe, mais captivante. On est dans la même position que Seo-weon (avec, toutefois moins de pression sur les épaules et moins de douleur à revenir sept années en arrière, reconnaissons-le), on a envie de savoir ce qui s'est vraiment passé.
Bien sûr, connaître précisément le déroulement des événements de 2004, mais aussi se préparer à un dénouement qu'on devine rapidement mouvementé... Un dénouement à double détente, qui pourrait permettre de déterminer un peu plus précisément où se situe la frontière, bien floue, entre le bien et le mal. Si tant est qu'il y ait quelque chose de bien dans toute cette affaire...
Dernier élément, sans doute celui qui pourrait poser le plus de problème au lecteur français : le base-ball. Ce n'est pas un sport très populaire dans notre beau pays, contrairement à la Corée, où il occupe une place importante (il y a d'ailleurs pas mal de joueurs asiatiques en MLB, la Major League Baseball, le championnat professionnel américain).
Mal connu, et mal compris, aussi : à l'instar de son cousin européen, le cricket, le base-ball est souvent perçu comme incompréhensible. C'est très injuste, c'est bien plus simple que le cricket, croyez-moi, même si je ne compte pas (et vous vous en réjouissez) vous faire un cours sur les différences entre ces deux disciplines.
Reste que le base-ball, qui apparaît d'abord comme un simple détail, un élément de caractérisation, va prendre une place bien plus importante sans qu'on s'y attende forcément. Je ne vais pas détailler la chose, cela nous emmènerait un peu loin. Mais, lorsqu'on réalise la chose, certains éléments aperçus ici et là prennent un sens nouveau.
Oh, je vous sens un peu paniqués, là : est-ce qu'on va piger quelque chose à tout ça ? Mais oui, rassurez-vous, on n'entre pas dans les points délicats des règles de ce sport, simplement on doit faire avec certains postes clés des équipes lorsqu'elles s'affrontent autour du diamant, les uns cherchant à conquérir les bases et à rejoindre le marbre, les autres... à les en empêcher.
J'insiste, même si vous vous sentez largués à la lecture de ces quelques lignes, ne partez pas en courant, laissez sa chance à cette histoire et à son final. Les explications données dans le roman sont assez claires, je pense, même pour qui n'a jamais vu un match de base-ball ; peut-être aurez-vous simplement à faire deux trois recherches sur le vocabulaire, les postes, mais ce sera vite fait.
Allez, un photo et vous allez tout comprendre :
Au premier plan, le lanceur, celui qui lance la balle, vous voyez, c'est facile ! Debout, avec la batte en main, le frappeur ou batteur, là non plus, rien de compliqué. Accroupi derrière le batteur, le receveur. Ah, là, ça demande déjà un peu plus d'explication : il est de la même équipe que le lanceur et ils communiquent par signaux pour fixer la stratégie à suivre.
Le receveur doit capter la balle si le batteur ne parvient pas à la frapper. Je n'entre pas dans les détails qui sont ici inutiles, de même, j'oublie l'homme en noir au fond, c'est l'arbitre. Mais, rien qu'en situant le lanceur, le batteur et le receveur, vous avez les informations qui vous seront utiles si vous avez envie de lire "les Nuits de sept ans".
Allez, je cesse de vous embrouiller, mais c'est vrai que ce final "sportif" est une des bonnes surprises que réserve ce livre, car d'un seul coup, bien des choses se mettent en place qu'on ne perçoit pas immédiatement. C'est remarquablement construit, porté par des personnages qui ne paraissent certes pas très sympathiques, mais qu'il faut laisser se dévoiler.
C'est un thriller assez austère et sombre, où Seo-wong apparaît comme le personnage le plus touchant, dont le destin est en jeu. C'est l'histoire d'un père plein de bonne volonté qui se perd complètement et entraîne tout le monde dans sa descente aux enfers ; c'est l'histoire d'un fils qui ne sait pas quoi penser de ce père et de son héritage...
Qu'en sera-t-il finalement de cette relation difficile ?
Choi Seo-weon est un jeune homme qui vit dans un coin si perdu de la péninsule coréenne qu'elle n'apparaît sur aucune carte. Dans ce hameau, qui n'a de remarquable que son phare et sa position face à l'île Dol, un spot prisé des plongeurs, il travaille à la pharmacie et vit chez un étrange personnage, Ahn Seung-hwan, écrivain raté qui attend que sa muse veuille enfin se manifester.
Cela fait quatre ans qu'ils vivent là, dans la plus grande discrétion, prêtant, à l'occasion, leurs talents de plongeurs quand c'est nécessaire. Une vie retirée du monde, qui va basculer lorsque débarque au hameau du phare un groupe de citadins un peu trop excités. Malgré les conditions dangereuses et les avertissements qu'on leur adresse, ils décident de plonger, malgré tout.
Au matin, Seung-hwan et Seo-weon sont réveillés par le représentant du village. Trois des plongeurs ont été récupérés, mais le dernier manque encore à l'appel. L'unique espoir de le sauver dépend d'eux, les garde-côtes n'étant pas assez près pour intervenir à temps. Le sauvetage spectaculaire et hautement risqué attire l'attention des médias, qui braquent leurs projecteurs sur le village.
Et ce qui n'aurait jamais dû arriver se produit alors : les journalistes reconnaissent Seo-weon et révèle son douloureux passé. Sept années plus tôt, alors qu'il n'avait que 11 ans, il s'est retrouvé au coeur d'un drame impliquant son père, Choi Hyeon-su. Arrêté le 12 septembre 2004, il a ensuite été condamné à mort et attend encore son exécution en prison...
Soudain, Seo-weon redevient "le fils de Choi Hyeon-su", le fils de l'assassin, du monstre, du condamné à mort... La honte rejaillit sur le jeune homme, mais le vrai choc n'est pas là : pour faire du buzz, les journaux et les télés ont révélé à toute la Corée l'endroit où se cachait Seo-weon. Et, par conséquent, à celui qui a juré de se venger en le tuant...
Que s'est-il donc passé en cet été 2004 ? Choi Hyeon-su, prometteur joueur de base-ball dans sa jeunesse, n'a jamais pu atteindre le plus haut niveau. Mais, il a mené une carrière professionnelle honorable, jusqu'à ce qu'une étrange blessure ne vienne tout gâcher : victime d'un étrange mal neurologique, il a perdu peu à peu le contrôle de son bras, jusqu'à devoir raccrocher la batte.
Une fin de carrière prématurée, marquée par les moqueries et ce bras incontrôlable qui lui a valu plus d'une fois d'être ridicule. Et de sombrer dans l'alcool et la dépression au grand dam de son épouse. Jusqu'au jour où, bien décidé à ne pas perdre cette femme qu'il aime et leur enfant, il se reprend en main et se porte candidat à un poste de surveillance sur le barrage de Seryeong.
Pour cela, la famille va devoir déménager, quitter la ville de Daegu pour un endroit retiré et moins vivant. Mais, Hyeon-su pense que c'est indispensable pour reconstruire une nouvelle vie à trois. Malheureusement, rien ne va se passer comme prévu. La veille de son embauche, venu à Seryeong pour récupérer les clés de son nouvel appartement, il a un accident...
Dans la nuit, le long du lac artificiel créé par le barrage, il renverse une fillette qui a déboulé devant lui. Un terrible accident ! Oui, mais qui va prendre une autre tournure, lorsque l'ancien sportif comprend que la fillette n'est pas morte. Il s'approche d'elle et, soudain, son bras mort s'anime et étrangle la fillette, sans qu'il ne puisse rien faire pour l'en empêcher !
La suite... Eh bien, je vais vous la laisser découvrir. La mort de la fillette est ce qui a marqué les esprits, dans un premier temps. Car, vous le verrez, ce n'est pas le seul chef d'accusation qui a conduit le père de Seo-weon dans le couloir de la mort. Mais l'enchaînement des faits reste flou, en particulier pour le garçon, bien jeune pour tout comprendre à cette époque.
Depuis 7 ans, il vit avec cette terrible culpabilité, mais aussi une immense tristesse, car ce 12 septembre 2004, c'est toute sa famille qui s'est brutalement disloqué le laissant seul au monde, ou presque... Et puis, il y a la peur. La peur d'être pris pour cible par Oh Yeong-je, le père de la fillette, qui a juré de se venger en tuant le garçon...
Mais que s'est-il vraiment passé cet été-là, au bord du barrage ? L'incertitude dans laquelle demeure depuis 7 ans le jeune homme ne l'aide pas à passer à autre chose. Or, quelqu'un connaît la vérité pour en avoir été un témoin direct. Seung-hwan n'a jamais parlé, n'a jamais révélé tout ce qu'il savait. Mais il l'a écrit. Et, au moment où il se retrouve à nouveau en danger, Seo-weon va découvrir ce manuscrit...
Bon, soyons clair, j'ai fait mon possible pour vous proposer un résumé de ce roman. Mon possible, parce que les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît. Parce qu'il y a énormément de zones d'ombre entourant les événements de 2004 et que Seo-weon, narrateur du début du roman puis spectateur de sa propre histoire, ignore le fin mot de l'histoire.
J'ai surtout choisi de respecter la construction du roman, à la différence de la quatrième de couverture qui simplifie bien des choses, je trouve. Car le jeu entre le présent et le récit des événements de 2004 est très important, tout ce qui se met en branle en 2011 (année de sortie du roman en Corée) dépendant évidemment de ce qui s'est passé sept ans auparavant.
Il faut reconnaître que le contexte dans lequel se déroule le livre est pour beaucoup dans le sentiment d'oppression qu'on peut avoir : on est loin de tout, en 2004 comme en 2011. Des endroits perdus, à l'écart, peu denses en population et finalement assez bizarres : ce hameau au bord de la mer avec son phare comme unique point de repère et plus encore Seryeong.
Seryeong, son barrage, son village si propret qu'il en semble aussi artificiel que le lac voisin, sous lequel pourrit l'ancien village, recouvert par les eaux... Je ne dis pas qu'on ne peut pas trouver à ce décor un petit côté carte postale, mais tout est mis en oeuvre pour en faire un endroit sinistre, dans tous les sens du terme. A commencer par la nuit...
Eh oui, cette nuit qui commence avant même l'arrivée de Hyeon-su sur les rives du lac et qui, ensuite, va durer sept longues années, aux yeux de Seo-weon. Tout le roman ne se passe pas de nuit, mais cela contribue pas mal au côté sombre des choses, et à sa dimension angoissante. Et aux idées noires qui rongent l'esprit de Seo-weon depuis tout ce temps.
Thriller ou thriller fantastique ? Franchement, c'est à chacun de se faire son avis sur la question. On flirte avec, par exemple avec le Massacreur qui semble défier la raison, mais aussi avec d'autres éléments, sans doute pas décisifs pour l'ensemble, mais qui ajoutent à son côté globalement étrange, mystérieux.
Jeong You-jeong aurait pu aller bien plus loin dans cette voie, le récit et le lieu était propice à utiliser quelques sympathiques archétypes. C'est finalement plus léger, entre rêve et cauchemar, comme si les personnages se raccrochaient à cela pour pouvoir accepter ce dans quoi ils sont embarqués... Mais, avec ou sans, l'atmosphère de ce roman est très intéressante et forte.
On se replonge donc avec le jeune homme dans ce passé pénible, dans cette période où sa vie a basculé, où il est devenu le fils d'un monstre, ce père indigne, meurtrier, qui ne semble afficher ni remords ni regret et l'a laissé seul, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, l'obligeant depuis sans cesse à fuir et à se cacher...
Au coeur de cette histoire, quatre personnages se détachent nettement. Ils ne sont pas les seuls à intervenir, mais ils sont ceux qui occupent vraiment les rôles principaux. Il y a Seo-weon, narrateur de la première et de la dernière partie du roman, également impliqué dans la partie centrale, celle du passé. Avec, à chaque fois, pourtant, l'impression qu'il est d'abord un spectateur.
Il y a évidemment Hyeon-su, sportif déchu, mauvais mari et père de plus en plus distant, en quête d'une rédemption qui va tourner au cauchemar. Le monstre désigné par tous, à commencer peut-être par lui-même, à l'image du surnom de Massacreur qu'il a donné au mal étrange qui, régulièrement, anime son bras comme s'il était indépendant du reste de son corps...
Il y a Oh Yeong-je, le père de la jeune victime. Un notable, une figure de Seryeong, quand la famille Choi n'est encore qu'étrangère à ces lieux. Un homme puissant, donc, quand Hyeon-su, sa femme et son fils ne sont rien, ou pas grand-chose, surtout à ses yeux. Un homme blessé, en quête de vengeance, prêt à tout pour l'assouvir, et de la plus violente des façons...
Beaucoup de choses vont tourner autour de ces deux personnages, qui sont les protagonistes d'une tragédie qui leur appartient. Et l'un des enjeux majeurs de l'histoire, du récit que découvre Seo-weon, c'est de savoir qui sont exactement ces deux hommes, au-delà du simple portrait qu'on a pu faire d'eux dans les médias, lors des récits du drame.
Et puis, il y a celui qu'on n'attend pas forcément : Ahn Seung-hwan. A priori, c'est un personnage totalement extérieur à l'histoire. Il était à Seryeong au moment des faits, ils connaissaient les autres acteurs du drame, mais c'est tout. Mais, là encore, au fil de sa lecture, Seo-weon va le découvrir sous un tout autre jour et, peu à peu, son rôle va devenir bien plus important que celui de simple ami.
Tout cela, la construction, les secrets des personnages, l'absence de certitudes sur les événements de 2004, contribue à une intrigue assez complexe, mais captivante. On est dans la même position que Seo-weon (avec, toutefois moins de pression sur les épaules et moins de douleur à revenir sept années en arrière, reconnaissons-le), on a envie de savoir ce qui s'est vraiment passé.
Bien sûr, connaître précisément le déroulement des événements de 2004, mais aussi se préparer à un dénouement qu'on devine rapidement mouvementé... Un dénouement à double détente, qui pourrait permettre de déterminer un peu plus précisément où se situe la frontière, bien floue, entre le bien et le mal. Si tant est qu'il y ait quelque chose de bien dans toute cette affaire...
Dernier élément, sans doute celui qui pourrait poser le plus de problème au lecteur français : le base-ball. Ce n'est pas un sport très populaire dans notre beau pays, contrairement à la Corée, où il occupe une place importante (il y a d'ailleurs pas mal de joueurs asiatiques en MLB, la Major League Baseball, le championnat professionnel américain).
Mal connu, et mal compris, aussi : à l'instar de son cousin européen, le cricket, le base-ball est souvent perçu comme incompréhensible. C'est très injuste, c'est bien plus simple que le cricket, croyez-moi, même si je ne compte pas (et vous vous en réjouissez) vous faire un cours sur les différences entre ces deux disciplines.
Reste que le base-ball, qui apparaît d'abord comme un simple détail, un élément de caractérisation, va prendre une place bien plus importante sans qu'on s'y attende forcément. Je ne vais pas détailler la chose, cela nous emmènerait un peu loin. Mais, lorsqu'on réalise la chose, certains éléments aperçus ici et là prennent un sens nouveau.
Oh, je vous sens un peu paniqués, là : est-ce qu'on va piger quelque chose à tout ça ? Mais oui, rassurez-vous, on n'entre pas dans les points délicats des règles de ce sport, simplement on doit faire avec certains postes clés des équipes lorsqu'elles s'affrontent autour du diamant, les uns cherchant à conquérir les bases et à rejoindre le marbre, les autres... à les en empêcher.
J'insiste, même si vous vous sentez largués à la lecture de ces quelques lignes, ne partez pas en courant, laissez sa chance à cette histoire et à son final. Les explications données dans le roman sont assez claires, je pense, même pour qui n'a jamais vu un match de base-ball ; peut-être aurez-vous simplement à faire deux trois recherches sur le vocabulaire, les postes, mais ce sera vite fait.
Allez, un photo et vous allez tout comprendre :
Au premier plan, le lanceur, celui qui lance la balle, vous voyez, c'est facile ! Debout, avec la batte en main, le frappeur ou batteur, là non plus, rien de compliqué. Accroupi derrière le batteur, le receveur. Ah, là, ça demande déjà un peu plus d'explication : il est de la même équipe que le lanceur et ils communiquent par signaux pour fixer la stratégie à suivre.
Le receveur doit capter la balle si le batteur ne parvient pas à la frapper. Je n'entre pas dans les détails qui sont ici inutiles, de même, j'oublie l'homme en noir au fond, c'est l'arbitre. Mais, rien qu'en situant le lanceur, le batteur et le receveur, vous avez les informations qui vous seront utiles si vous avez envie de lire "les Nuits de sept ans".
Allez, je cesse de vous embrouiller, mais c'est vrai que ce final "sportif" est une des bonnes surprises que réserve ce livre, car d'un seul coup, bien des choses se mettent en place qu'on ne perçoit pas immédiatement. C'est remarquablement construit, porté par des personnages qui ne paraissent certes pas très sympathiques, mais qu'il faut laisser se dévoiler.
C'est un thriller assez austère et sombre, où Seo-wong apparaît comme le personnage le plus touchant, dont le destin est en jeu. C'est l'histoire d'un père plein de bonne volonté qui se perd complètement et entraîne tout le monde dans sa descente aux enfers ; c'est l'histoire d'un fils qui ne sait pas quoi penser de ce père et de son héritage...
Qu'en sera-t-il finalement de cette relation difficile ?