Histoire des Tirailleurs Sénégalais. Frédéric CHABAUD et Julien MONNIER – 2018 (BD)

Histoire des Tirailleurs Sénégalais. Frédéric CHABAUD et Julien MONNIER – 2018 (BD)

Histoire des Tirailleurs Sénégalais

Scénario de Frédéric CHABAUD

Dessins de Julien MONNIER

Editions Petit à Petit, 5 octobre 2018

112 pages

Thèmes : Première Guerre Mondiale, Tirailleurs Sénégalais, Racisme, Histoire, Mémoire, Documentaire

Histoire des Tirailleurs Sénégalais. Frédéric CHABAUD et Julien MONNIER – 2018 (BD)

Avant de paraître cet automne chez Petit à Petit, cet album est paru aux Editions Physalis, en juin 2013, sous le titre " Sang noir ".

Cette nouvelle édition, plus petite, pelliculée, au papier glacé, reprend les quatre pages documentaires qui se trouvaient à la fin de " Sang noir " pour les intercaler dans le corps de l'album, en fonction du récit et sont légèrement enrichies.

Personnellement, j'ai une préférence pour l'ancienne édition, plus mate et plus grande, donc.

Sang ô sang noir de mes frères,
Vous tachez l'innocence de mes draps,
Vous êtes le sueur où baigne mon angoisse,
Vous êtes la souffrance qui enroue ma voix.
Non, vous n'êtes pas morts gratuits.
Vous êtes les témoins de l'Afrique immortelle,
Vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain.

Léopold Sédar Senghor

En 1914, alors que la guerre commence, la France est à la tête d'un vaste empire colonial.

Depuis 1857, les hommes issus des colonies sont organisés en bataillons de tirailleurs, dits " sénégalais " pour l'Afrique Noire (car les premiers ont été créés au Sénégal), " Turcos " pour l'Algérie, etc., regroupés au sein de l'Armée d'Afrique.

Mais ce n'est qu'après les terribles hécatombes de fin août 1914 que l'État-major s'intéresse à la " Force Noire " et qu'il envoie ses officiers recruter des hommes, de gré ou de force.

C'est ainsi que Yacouba Ndaw, comme tant d'autres, doit quitter son village de Thowor, à cause de deux guerres qui le dépassent.

La première est une guerre de clans, propre à son pays.

La seconde est d'ordre politique, patriotique diraient certains.

Rejoints par beaucoup d'autres Africains, ils prennent l'uniforme bleu et se coiffent de la chéchia rouge, suivent la discipline militaire, embarquent pour la France, apprennent le maniement des armes, s'initient au français (pour comprendre les ordres et tenter de parler entre eux), s'acclimatent mal de la météo, de la nourriture, tombent malades, subissent le mépris et le racisme de la part de certains officiers supérieurs.

Ces hommes ? ... Oui, mon Commandant.
Beaucoup d'entre eux ne reverront jamais leur terre et mourront ici, sur une terre qui n'est pas la leur. Si vous ne leur accordez pas un minimum de respect, ne serait-ce que dans la mort, je ne vous garantis pas de leur fidélité.
Nous avons besoin d'eux pour gagner cette guerre.

Puis, les Tirailleurs sont emmenés dans les tranchées.

Assauts, courage, blessures (Yacouba croise même un certain Cendrars), morts, bagarres contre des Tonkinois (appelés aussi " Indochinois "), ainsi se passe la guerre, jusqu'à Verdun et la chute de Yacouba et de son Lieutenant dans une galerie aménagée.

***

Outre un épilogue vingt-trois ans plus tard, la fin est abrupte et j'avoue en avoir été décontenancée. Il manque quelque chose. Mais comment s'en sortent-ils?

Le récit est scindé en huit chapitres, dont la moitié des titres est en wolof (avec traduction).

Il se centre sur cette petite unité menée par un officier blanc bienveillant au supérieur hiérarchique, évidemment, profondément raciste, qui voit dans ces Tirailleurs le " sang noir " qui permet d'économiser le " sang blanc ".

De fait, les soldats Blancs, on ne les voit que lors de l'arrivée des Tirailleurs dans leur " première " tranchée en 1915.

Les pages documentaires sont en revanche très riches de détails, et comblent les vides du scénario.

Le scénario, historiquement très intéressant, est malheureusement sans grande surprise.

Il offre cependant une première bonne approche de cet aspect de la guerre, une réflexion sur les colonies, leurs attentes et leur volonté d'émancipation à l'issue du conflit, comme le souhaitait Jaurès, que l'on croise au début de l'album.

Le dessin est beau, les visages aisément reconnaissables, et le Front bien reconstitué.

Les couleurs, profondes, changent au fil des pages et reconstituent l'atmosphère et le lieu où se trouvent les personnages.

A l'image de sa couverture.