Andy, un conte de faits (Typex – Editions Casterman)
Tout le monde connaît ses boîtes de conserves Campbell’s. Tout le monde a déjà vu ses portraits colorés de Marilyn Monroe. Mais qui connaît vraiment Andrew Warhola, l’homme qui se cache derrière le personnage Andy Warhol? Dans « Andy, un conte de faits », l’auteur de BD néerlandais Typex répond largement à cette question. Très largement même, puisqu’il raconte l’incroyable vie d’Andy dans une brique de 562 pages. Un projet particulièrement ambitieux et même un peu fou, dans lequel Typex divise la vie du « pape de la Pop » en 10 chapitres. Ceux-ci couvrent 10 périodes clés de la vie d’Andy Warhol, de son enfance pauvre au sein d’une famille catholique pratiquante dans la banlieue industrielle et polluée de Pittsburgh jusqu’à ses années de gloire dans la Factory à New York. « Andy, un conte de faits » permet surtout de découvrir un homme aussi complexe que complexé. Car si Warhol adorait la fête et ses excès, il était aussi particulièrement timide et incapable de communiquer, tandis que sa vie amoureuse fut un désastre. Cette personnalité compliquée est certainement liée en grande partie à la relation du peintre avec sa mère. Durant son adolescence, Andy a souvent passé ses journées à la maison avec elle car il était atteint d’une maladie appelée « la danse de Saint Guy ». C’est à ce moment-là qu’il a formé ses goûts, en lisant des BD dans son lit, en collectionnant les photos de stars et en dessinant. Andy adorait sa mère. Il a d’ailleurs vécu une grande partie de sa vie avec elle. Mais dans le même temps, il ne lui a jamais avoué son homosexualité, il avait toujours un peu honte d’elle et lorsqu’elle est décédée, il a nié sa mort pendant des années en disant à tout le monde qu’elle allait bien. Et puis bien sûr, comme le raconte très bien Typex dans son livre, la vie d’Andy Warhol coïncide avec toute l’histoire de la pop culture américaine. Dans « Andy, un conte de faits », on croise en permanence des grands noms du cinéma, de la peinture, de la littérature et de la musique de la seconde moitié du XXème siècle, de Jackson Pollock à Michael Jackson, en passant par Truman Capote, Basquiat, Bob Dylan et Madonna. Sans oublier bien sûr le Velvet Underground, dont l’image est indissociable de celle d’Andy Warhol.
« Andy, un conte de faits » est inévitablement l’un des événements BD de l’année 2018, ne fût-ce que par son côté hors-norme. Révélé au niveau international par sa formidable biographie dessinée sur Rembrandt, le dessinateur néerlandais Typex a travaillé comme un dingue pendant 5 ans pour sortir ce pavé consacré à Andy Warhol. Il avait une sacrée pression sur ses épaules, car le livre est sorti simultanément en six langues (français, néerlandais, anglais, italien, allemand et espagnol), s’imposant immédiatement comme la biographie dessinée ultime sur le célèbre peintre américain. Le résultat final est visuellement bluffant. « Andy » est bien plus qu’une simple BD: c’est un véritable objet artistique en lui-même avec sa couverture très Pop Art, ses tranches argentées et ses 10 chapitres dessinés en 10 styles différents, ce qui représente un sacré tour de force de la part de Typex. Cette dimension très graphique n’empêche pas le livre d’être solidement documenté. La preuve: chaque nouveau chapitre commence par une galerie détaillée des principaux personnages qui vont jalonner la vie d’Andy Warhol dans les pages à suivre. Des personnages présentés sous forme de fiches, comme dans un jeu de société. Historiquement et culturellement parlant, « Andy, un conte de faits » est donc une BD fascinante sur l’un des artistes majeurs du XXème siècle. Clairement, Typex fait tout son possible pour essayer de comprendre comment un homme aussi sombre a pu donner vie à une oeuvre aussi joyeuse et colorée. Mais il n’y parvient pas tout à fait. Car en refermant le livre après plusieurs heures de lecture (il faut bien ça!), le mystère demeure plus ou moins entier. Même après 562 pages, Andy Warhol reste une énigme…