Un petit groupe de six touristes s’est lancé dans un trek de quelques jours dans les montagnes d’Albanie, sous la conduite de Vigan, un guide local. Surpris par une tempête de neige imprévue, l’expédition tourne au cauchemar après un premier mort. Dans ces mêmes montagnes, Mathias, sorte de chaman chargé par les populations d’éloigner les mauvais esprits en sacrifiant des chèvres lors de cérémonies ancestrales, fuit les hommes de main d’un nommé Carche, un vieux caïd de la vallée cherchant à se venger de la mort d’un de ses jeunes parents dont il tient le sacrificateur pour responsable.
Deux histoires contées par deux voix en chapitres alternés : celle de Mathias et celle de Lou, l’une des touristes, et bien entendu ces deux histoires finiront par se croiser pour n’en plus faire qu’une. Le début du roman, avec le personnage de Mathias, crée une ambiance légèrement mystérieuse faite de superstitions et croyances des temps anciens avec des sacrifices d’animaux pour conjurer le mauvais sort et favoriser l’avenir des mariés ou des nouveaux nés, ces grandes événements de la vie. De leur côté nos randonneurs amateurs paraissent bien guillerets à ce point du récit et le lecteur attend que ça dégénère, sans savoir encore d’où viendra le coup.
C’est la nature dans toute sa puissance sauvage qui frappe. Et là nous pouvons féliciter l’écrivain qui sait bien rendre la fatigue des marcheurs, dans un premier temps, qui est souvent occultée dans les récits de voyageurs pédestres ; puis quand le vrai danger arrive avec son premier mort, les différents stade de la détresse et de l’angoisse prennent le lecteur à la gorge. On souffre avec eux. Souffrances physiques suivies de souffrances morales quand des choix cornéliens devront être faits (continuer à marcher ou s’arrêter, abandonner un mourant pour peut-être sauver les autres…), ce genre de cas de conscience qui exacerbent le suspense. Pour Mathias, il est aussi question de survie mais lui n’affronte pas des éléments déchainés, ce sont des hommes qui veulent le tuer. Tous ces fuyards finiront par se regrouper, mutualisant leurs peurs et les périls et comme Sandrine Collette trouve que ce n’est pas assez, elle incorpore à son récit un fameux coup de théâtre qui va rogner les dernières miettes du moral de Lou.
On retrouve dans ce roman les éléments sur lesquels l’auteur s’appuie souvent, l’homme affrontant les éléments déchainés de la nature, les cas de consciences et les choix moraux. C’est écrit d’une plume alerte sans s’éterniser dans des détails superflus, bref c’est un bien bon bouquin.