Nicolas Mathieu
Actes sud
Août 2018
426 pages
Lu sur liseuse
Difficile de fermer ce livre. J’ai avalé les pages avec avidité, soulignant là un propos juste, ici une phrase que je me plaisais à relire pour la beauté de l’image qu’elle suscitait en moi, là encore un dialogue percutant ou ici un désespoir compréhensible.
Je ne pensais vraiment pas prendre plaisir à lire ce roman. Je l’avais emprunté à la médiathèque par curiosité. Bien souvent les lauréats du prix Goncourt me laissent sur ma faim et je m’attendais encore une fois à ressentir un sentiment d’insatisfaction. Oui, oui, je dois l’avouer, je lisais ce roman dans l’intention de le dézinguer.
Ce roman a une construction intéressante. Eté 1992, puis 1994, 1996 et enfin 1998. Les années tues sont évoquées par bribes tout au long de la partie suivante, c’est très finement vu. Cela maintient les sens du lecteur en éveil, lecteur avide de savoir ce que sont devenus les personnages et de quelle manière ils en sont arrivés là.
Roman du passage de l’adolescence à l’âge adulte, roman social, roman naturaliste, nullement caricatural. Il ne déborde pas d’actions, il observe ses protagonistes, les rapports de force, les espoirs et les désespoirs des uns et des autres de manière toujours juste. Quatre personnages surtout, et d’autres, en quête d’amour, de reconnaissance, d’idéal. Anthony, son cousin (il est toujours nommé ainsi), Hacine, Steph, Clem,… issus de milieux différents, des personnages à la dérive, dans une région qui a connu le chômage, les fermetures des hauts-fourneaux. Les adolescents s’ennuient et vivotent entre alcool, drogue, menus larcins, baignades, baise, battements du cœur, moto, recherche d’emploi… C’est profondément humain, et ça oscille entre l’universel et l’intime.
Le narrateur qui est subtilement extérieur et en même temps porte-parole des personnages, porte un regard désabusé sur la société. Ses remarques paraissent cruelles, voire crues, à première vue, mais elles reflètent parfaitement la réalité. Des propos décomplexés, sans langue de bois et dans un style si fluide que l’on a l’image immédiate devant les yeux, un ton parfois caustique, grinçant, mais sensible, à fleur de peau et qui suscite en nous un acquiescement muet.
J’ai beaucoup apprécié ce roman que j’ai refermé à regret.