Malgré le tourbillon de travail dans lequel je suis emportée, il me faut mon heure de lecture pré-dodo, sans quoi ma journée ne saurait être satisfaisante. Cette semaine, l’essai d’Olivia de Lamberterie m’a empêché de fermer l’oeil à une heure décente. Je ne m’en plains pas, bien au contraire. J’ai aussi lu deux albums jeunesse, de ceux qui poussent à la réflexion. En somme, j’ai passé une semaine livresque hautement stimulante.
J’ai pris un risque en décidant de lire cet essai, mais c’était un risque calculé. J’étais curieuse de découvrir comment la journaliste et critique littéraire reconnue s’en sortait en sautant la clôture et en chaussant les bottines d’auteure.
Je ne m’épivarderai pas sur le résumé, répété ad nauseam. En gros, l’essai tourne autour du suicide d’Alexandre de Lamberterie, frère d’Olivia. Le jeune homme de quarante-six ans, père et mari comblé, directeur artistique chez Ubisoft , s’est jeté du pont Jacques-Cartier, à Montréal, le 14 octobre 2015. Il s’est écrasé dans la rue, mort sur le coup. Ce n’était pas un geste spontané, ni précipité. Cet homme magnétique a lutté toute sa vie contre une dysthymie tentaculaire. Constamment au bout du rouleau, la vie n’était juste pas faite pour lui. Au risque d’en étonner plus d’un, cet essai m’a subjuguée de bout en bout. Trois raisons expliquent mon emballement, de la plus superficielle à la plus fondamentale.Tout au long de l’ouvrage, Olivia de Lamberterie évoque son travail de critique avec une franchise déconcertante. Elle lève le voile sur les coulisses de son métier, sur les livres qui ont accompagné son parcours de soeur endeuillée, sur ses pannes de lecture, sur son trop-plein de la rentrée littéraire. Cet envers du miroir remet les pendules à l’heure et fait descendre de son piédestal ma vision romantique du métier. Son rapport à la lecture rejoint totalement le mien.La lecture est l’endroit où je me sens à ma place. Lire répare les vivants et réveille les morts. Lire permet non de fuir la réalité, comme beaucoup le pensent, mais d’y puiser une vérité. L’essentiel pour moi est qu’un texte sonne juste, que je puisse y discerner une voix, une folie; je n’aime pas les histoires pour les histoires, encore moins les gens qui s’en racontent. Je n’ai pas besoin d’être divertie, mes proches s’en chargent, je me fiche d’apprendre. J’aime être déstabilisée, voir avec d’autres yeux.Je suis toujours curieuse de voir comment le Québec est perçu par un non-Québécois. Le lien qui unit Olivia à Montréal, cette ville où son frère et sa famille ont élu domicile, est tissé avec une grande justesse. Même si elle égratigne, avec raison, certains de nos travers, elle évite de tomber dans le piège des généralisations et des lieux communs.Là où cet essai est, à mon avis, le plus réussi, c’est dans la lucidité du regard d
’Olivia de Lamberterie. Elle se garde de donner des explications sur le suicide de son frère ou de condamner son geste. Toutes les phases du deuil sont exposées: l’incompréhension, la colère, l’acceptation.Aussi révoltant que cela puisse sembler, le suicide peut parfois apparaître comme l’unique lumière au bout du tunnel. Le suicide peut être une délivrance. Maintenant, à ceux qui reste de s’accommoder du vide laissé.Est-ce une pathologie de juger la vie dégueulasse? Oui, certainement, quand on a une femme qu’on aime et qui vous aime, des enfants merveilleux qu’on aime et qui vous aiment, un boulot chouette et une belle maison, m’a un jour assuré un ami bien intentionné. Malade ou lucide? Je ne peux pas m’empêcher de le trouver clairvoyant. La société dans laquelle on vit mérite-t-elle tellement qu’on s’y attache? L’amour immense qui l’entourait ne lui a pas servi de parachute. Ce ne sont jamais sur les idiots que le couperet de la grande dépression s’abat, en silence, un matin, pour entamer son long travail de sabotage. Sylvia Plath, Romain Gary, Ernest Hemingway, pour ne parler que d’écrivains que j’aime, je ne les considère pas malades, ces blessés dotés d’une sensibilité trop exacerbée pour supporter de se lever un matin de plus.C’est Anna Gavalda, croisée boulevard Saint-Germain au mois de novembre et me disant, comme ça, entre deux passants, avec son naturel: «Oui, c’est triste, mais c’est ce qu’il voulait, alors c’est bien.» J’en étais restée un peu sonnée, mais cette claque remettait les choses en leur juste perspective, car cette femme envisageait la mort non pas égoïstement de notre point de vue, mais de celui d’Alex. Ses mots étaient vrais. Cette mort m’oblige à me mettre à la place de mon frère.Lucide, sincère et lumineux. Avec cet essai, Olivia de Lamberterie se met à nu sans faux-semblants. Elle rend un vibrant hommage à son frère et, par le fait même, livre une précieuse ode à la vie. Un livre généreux et précieux, comme il y en a trop peu.Une seule petite écharde concernant le style. Mais, au final, je n’ai même pas envie d’en parler, tant elle ne pèse pas lourd dans la balance. Tu as lu jusqu’au bout? Ça valait le coup, non?!Avec toutes mes sympathies, Olivia de Lamberterie, Stock, 256 pages, 2018.★★★★★Pour conclure, ces mots remplis de sagesse: «Celui qui n’a pas ce qu’il aime, doit aimer ce qu’il a.»
Le jour où Jacques passe devant un immense panneau publicitaire qui présente la nouvelle Vénus, la plus rapide et la plus flamboyante des voitures, et celle qui plait le plus aux filles, son coeur fait trois tours. Jacques commence à s’imaginer assis à bord de cette nouvelle voiture dernier cri. Il en rêve... Le hic, c’est qu’elle coûte excessivement cher. Jacques imagine diverses solutions pour gagner plus d
’argent. Des bonnes et des moins bonnes. Jusqu’à trouver LA bonne! Oh, il finira bien par l’avoir, sa belle Vénus. Mais à quel prix? Et sera-t-il plus heureux pour autant?Un bijou d’album qui dénonce à grands traits et avec une bonne dose de dérision les pièges de la surconsommation et les effets pernicieux de la publicité. Le coup de crayon riche et coloré de Sébastien Mourrain me plaît toujours autant. Comme dans Santa Fruta et Petits pois, j
’étais ravie de retrouver un p’tit chat à chaque page, ou presque. Un album à consommer sans modération! Contrairement à Jacques, je préfère acheter des livres plutôt que de changer ma vaillante Volkswagen.