Notre Jack
Texte de Michael MORPURGO
Illustrations de David GENTLEMAN
Traduit de l'anglais par Michel LAPORTE
Editions Gallimard Jeunesse, octobre 2018
Dès 9 ans
Thèmes : Première Guerre mondiale, Famille, Transmission, Histoire, Mémoire
J'aime énormément l'écriture de Michael Morpurgo, auteur, entre autres romans (sur la Première Guerre Mondiale), du beau Cheval de Guerre ; du sensible Trêve de Noël ; de l'émouvant Soldat Peaceful.
David Gentleman, grand artiste, illustrateur, designer et auteur britannique, que je ne connaissais pas jusqu'ici, n'avait encore jamais accepté d'illustrer un album jeunesse.
C'est à présent chose faite, et c'est beau !
Son trait, fin, a quelque chose de désuet qui sied parfaitement à l'atmosphère dégagée par les mots de Michael Morpurgo, choyé(s) dans un album carré intimiste, magnifié par sa jaquette.
Dans la famille de Michael, il y a toujours eu ce chapeau de fer, ce casque troué, que son grand frère Otto s'était arrogé en le peignant en rouge.
Utile à ses jeux guerriers ou comme corbeille à fleurs, il a toujours gêné Michael, " pacifiste au cœur qui saigne " comme l'appelait Otto.
Il me disait, d'un ton assez condescendant, que j'en arriverais bientôt à comprendre que même si la guerre pouvait être déplaisante, voire indésirable d'une certaine façon, elle était parfois politiquement nécessaire et moralement justifiable.
C'est à ses quatorze ans que ce casque, objet jusqu'alors indésirable, a revêtu une signification bien personnelle et précieuse.
Tant pour lui que pour sa famille.
Dans le cadre du Centenaire de la Première Guerre mondiale, son professeur d'histoire, Mr Macleod, a souhaité organiser un voyage en Belgique sur les lieux des combats, monter une comédie musicale et organiser une exposition. Pour ce faire, il a demandé à ses élèves de faire des recherches, de poser des questions autour d'eux et d'amener, s'il y avait, des objets de l'époque et appartenant à leur famille : médailles, lettres, photographies, etc.
C'est ainsi, après quelques recherches et de nombreuses discussions, que Michael, Otto et ses parents, ont découvert et/ou se sont souvenus de la personne à qui a appartenu ce casque : Jack, " notre Jack ", l'arrière-arrière-grand-père de Michael, tué à Ypres en 1915.
C'est ainsi qu'ils ont retrouvé, avec beaucoup de chance : une photographie, un culot d'obus qui avait servi pendant des années de vase, et un carnet dans lequel Jack avait écrit, et aussi recopié des passages de Shakespeare, qu'il avait déclamé avant la guerre sur les planches.
Ce casque troué, et les autres objets de Jack, dans cette famille, mais certainement dans beaucoup d'autres aussi, ont revêtu, au gré des générations, toutes sortes de symboles.
D'abord de guerre et de mort, puis pour la famille qui lui survit, d'absences et de souffrances, avant d'être un souvenir pénible, puis relégué, détourné, pour être oublié... jusqu'à ce qu'il se perde...
Ou presque...
Pour Michael, Otto et leurs parents, ils sont devenus des objets de réconciliation, de reconnexion avec la famille, la mémoire familiale, les ancêtres, leurs goûts, vies, monde.
Pour ces générations d'après qui n'ont pas ou plus de liens physiques, ces objets peuvent les remplacer.
Au-delà, ces objets, et donc cet album, offrent une réflexion sur la guerre, la paix, le monde dans lequel on a vécu et on vit.
-Si tu veux ce que tu prétends vouloir - un monde en paix -, il te faut comprendre les conséquences d'un monde en guerre. Beaucoup de conséquences sont enterrées juste là, sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, des millions d'entre elles. Parce que tu n'approuves pas la guerre, ce n'est pas une raison pour ne pas la regarder en face, peu importe à quel point ça te rend triste ou te met en colère.