Maylis de Kerangal
Verticales
2018
285 pages
Il n’y a plus de doute, l’écriture de Maylis de Kerangal me transporte, ses longues phrases s’enroulent autour de moi, m’enveloppent et m’aspirent vers la profondeur des éléments. Je suis extrêmement sensible à ses mots, à ses images, et le plaisir que ses textes me procurent est immense.
Je crois qu’elle pourrait parler de n’importe quel thème, elle le fait avec une telle grâce que j’y adhérerais immédiatement.
Dans Un monde à portée de main, l’auteure nous emmène dans le monde du factice, de l’artifice, dans la technique du trompe-l’œil, et elle tisse autour de ses personnages un univers exceptionnel. Et d’ailleurs, cette technique c’est aussi celle de l’appropriation du « copiste » de la substance même qu’il peint, de son histoire, de l’histoire de son extraction (le marbre) ou de sa vie intérieure (le bois), on ne copie pas, on s’imprègne de l’élément, on devient l’élément.
J’avais beaucoup aimé Réparer les vivants et Corniche Kennedy (je me suis bien gardée d’aller en voir les adaptations au cinéma, l’écriture de l’auteure étant pour moi la qualité première de ses romans, et comment la traduire à l’écran ?). Je n’osais pas lire Naissance d’un pont, effrayée par le thème, aujourd’hui, je suis prête, je sens que je pourrais dépasser ce sujet peu engageant, ou plutôt, je sais que Maylis de Kerangal saura m’initier à cet univers inconnu.
Cette auteure a l’art de mettre en mouvement, lorsqu’elle raconte, ses mots deviennent des images mouvantes, combien de fois ai-je acquiescé devant la justesse d’une vision.
Et puis cette fin en apothéose pour moi, puisque Paula travaille au fac-similé de Lascaux IV, l’ultime, la copie parfaite, une incursion dans une forêt que je connais, dans laquelle je suis allée il y a quelques mois, pour la énième fois, et cette grille derrière laquelle je me suis trouvée avec la même envie de voir l’entrée de la vraie grotte. Cette grille qui barrait le mystère. Le protégeait.
Et cette histoire connue et archi-connue de la découverte de la grotte qui prend une allure nouvelle sous les mots de Maylis de Kerangal, qui m’a apporté d’autres informations, que j’ai aimé relire à travers ses phrases.
Une belle réflexion sur le côté factice de l’art, ceux qui ne sont pas des peintres mais des copistes. Et en même temps, quel talent pour peindre le marbre, le bois, qui trompent l’œil de celui qui les regarde.
Un très beau roman, d’une très grande qualité littéraire.