Jean Péloueyre, jeune homme très laid et donc fort complexé, fuit les femmes ayant perdu tout espoir d’en séduire une. Un jour son père, vieux veuf hypocondriaque, lui annonce qu’une initiative du curé du village va lui permettre d’épouser Noémi d’Artiailh, jeune fille gentiment tournée. Surprise et étonnement. Très vite après leur union, Jean très amoureux de Noémi, constate que sa présence physique n’inspire que répulsion à sa jeune épouse, lui gâchant sa santé. Par amour, il s’impose de rester le moins souvent à la maison en allant chasser toute la journée puis, toujours sur une idée du curé, il part à Paris pour faire des recherches bibliographiques dans le cadre d’un travail d’histoire locale resté en suspens depuis longtemps…
Jean aime Noémi, Noémi aimerait être agréable à son époux mais c’est au-dessus de ses forces, « En vain voulut-elle réagir contre cette répulsion de sa chair ». Toujours par amour, Jean va se sacrifier, au sens propre du terme ; d’abord en s’éloignant de son épouse mais constatant à son retour que Noémi dépérit à nouveau, il va se « suicider » inconsciemment ( ?) en veillant un ami mourant contagieux. Sa veuve, après un deuil de trois ans, se tournera délibérément vers la religion, ignorant la chaude attention que lui portait le jeune médecin en charge de son mari.
J’ai trouvé cette vieille édition du livre, dans une brocante. Elle sent le papier jauni par les ans, cette odeur enivrante des bouquins abandonnés et ça va parfaitement avec ce roman. Une écriture datée pour des personnages d’un autre temps, mais attention, si les attitudes des uns et des autres nous semblent passéistes, les sentiments humains eux sont intemporels. Derrière les mots, entre les lignes, le roman est chargé d’une lourde puissance érotique – écrit aujourd’hui, il donnerait des suées. Ce Jean, complexé et fuyant les femmes, c’est une version de l’écrivain homosexuel refoulé. Noémi, elle, ne sait rien des plaisirs du corps et ce n’est pas son livre de messe qui « l’aurait éclairée sur cette secrète exigence en elle », sensation inconnue qu’elle ressent quand elle croise le jeune docteur. Scène torride autant que chaste quand Jean sur son lit de mort, à demi conscient, voit le toubib s’approcher au plus de près de Noémi….