Il faut beaucoup aimer les hommes

Il faut beaucoup aimer les hommes a été lu avec le club de lecture pour la rencontre du 15 décembre 2018.

Solange est une petite française bien appréciée à Hollywood. Elle tourne avec Matt, cause avec Steven. Lors d’une soirée chez George, elle rencontre un homme dont elle tombe éperdument amoureuse. Il s’appelle Kouhouesso, il est noir (et alors?). À l’écran, il donne dans les seconds rôles et cela marche bien. Mais ce dont il rêve, c’est d’adapter Au cœur des ténèbres, de Conrad. Il se lance alors à corps perdu dans son projet et Solange l’accompagne. Elle l’aime passionnément, elle le désire et l’attend. Elle l’attend physiquement, elle attend des messages, des coups de fil, des attentions. Car Kouhouesso, lui, a tendance à débarquer quand il veut, à donner des nouvelles quand ça lui chante.

Le titre du roman de Marie Darrieussecq, Il faut beaucoup aimer les hommes, est tiré d’une citation de Marguerite Duras : « Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela, ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter ». Son héroïne, Solange, déjà rencontrée dans Clèves, aime en effet énormément Kouhouesso pour accepter qu’il la traite comme il la traite, qu’il l’a rende aussi insignifiante, jusqu’à la faire disparaître en la supprimant de son œuvre. Mais comme elle est exaltante, cette histoire d’amour qui naît, cette passion. Qui fait aussi réaliser à Solange qu’elle est blanche. Que les gens n’ont pas le même comportement lorsqu’ils sont face à une blanche ou face à un noir. Que les gens attendent qu’une blanche agisse comme ceci, qu’un noir agisse comme cela. La jeune femme s’interroge également sur la raison pour laquelle elle aime Kouhouesso. Est-ce parce qu’il est noir ? Veut-elle prouver quelque chose ? Le tournage hollywoodien, stéréotypé et confus, qui sert de fond à la relation de Solange et Kouhouesso en est l’image. Elle est un fantasme, à la fois une bonne intention et une fourberie. Elle fait se questionner les clichés, oui, mais aussi sur l’identité, sur l’existence, sur le pouvoir de l’amour, sur le bien et sur le moins bien qu’il engendre. Sur ce qu’il emplit, sur ce qu’il laisse vide. Qu’est ce qui est aimé d’ailleurs ici ? L’homme ? Ou ce qui le fait. Ses secrets, son comportement, son aura ? C’est brûlant, c’est très écrit et complexe. C’est au final profond et embarrassant comme un mystère. Le lecteur est soi frustré, soi amené à choyer la facette de l’histoire qu’il préfère.

Il faut beaucoup aimer les hommes Il faut beaucoup aimer les hommes

Présentation de l’éditeur :
Une femme rencontre un homme. Coup de foudre. Il se trouve que l’homme est noir. « C’est quoi, un Noir ? Et d’abord, c’est de quelle couleur ? » La question que pose Jean Genet dans Les Nègres, cette femme va y être confrontée comme par surprise. Et c’est quoi, l’Afrique ? Elle essaie de se renseigner. Elle lit, elle pose des questions. C’est la Solange du précédent roman de Marie Darrieussecq, Clèves, elle a fait du chemin depuis son village natal, dans sa « tribu » à elle, où tout le monde était blanc. L’homme qu’elle aime est habité par une grande idée : il veut tourner un film adapté d’Au cœur des ténèbres de Conrad, sur place, au Congo. Solange va le suivre dans cette aventure, jusqu’au bout du monde : à la frontière du Cameroun et de la Guinée Équatoriale, au bord du fleuve Ntem, dans une sorte de « je ntem moi non plus ». Tous les romans de Marie Darrieussecq travaillent les stéréotypes : ce qu’on attend d’une femme, par exemple ou les phrases toutes faites autour du deuil, de la maternité, de la virginité… Dans Il faut beaucoup aimer les hommes cet homme noir et cette femme blanche se débattent dans l’avalanche de clichés qui entoure les couples qu’on dit « mixtes ». Le roman se passe aussi dans les milieux du cinéma, et sur les lieux d’un tournage chaotique, peut-être parce qu’on demande à un homme noir de jouer un certain rôle : d’être noir. Et on demande à une femme de se comporter de telle ou telle façon : d’être une femme.

Publicités