Sótt, Ragnar Jonasson
Selon ma mère, je suis né par une belle journée de mai. Après ma naissance, elle est descendue au lagon, parfaitement calme ce jour-là. Elle a contemplé l’horizon et décidé de me baptiser Hédinn, en hommage au Viking qui s’est installé le premier à Hédinsfjördur vers l’an 900.
[Photo de couverture provisoire. Merci le temps moche et les journées courtes]
Ragnar Jónasson est devenu aux fils des années la coqueluche des fans de polar. Jeune auteur de 42 ans avec déjà plusieurs romans à son actif en Islande, les éditions de la Martinière nous propose de découvrir son dernière livre. Sótt, ou Rof initialement édité chez Copenhagen literary Agency est aujourd’hui traduit par Ombeline Marchon pour la collection Noir des éditions de la Martinière. Merci à l’agence Anne & Artaud pour la découvrir de ce polar. Une première Islandaise pour moi !
Étendue glaciaire et virus mortel
Bienvenue en Islande, terre superbe où il fait un petit peu froid. Un petit peu. Ari Thór, jeune flic, habite et travaille dans la charmante ville de Siglufjördur où un virus mortel vient de poser ses valises. Une quarantaine et deux morts plus tard, la ville est complètement à l’arrêt et surgit alors une vieille affaire façon Cold Case sur un suicide ayant eu lieu il y a cinquante-cinq ans.
L’histoire prend place assez rapidement et possède l’avantage de pouvoir être lu indépendamment des autres. Sótt mélange plusieurs petites histoires dans la grande qu’est le fil rouge de ce livre : l’affaire vieille de cinquante ans. Elles peuvent sembler sur le moment inutile dans l’avancement de l’histoire et pourtant, au fil de la lecture chaque pièce vient prendre place sur l’échiquier. On prend plaisir à échafauder les théories parfois les plus fumeuses, car Ragnar Jonasson arrive plutôt bien à garder l’emprise sur son histoire jusqu’aux toutes dernières pages et c’est quelque chose de relativement rare.
On pourrait penser que le lecteur va s’ennuyer ferme dans une ville où rien ne se passe et pourtant ! Sótt se lit aussi bien que l’on peut espérer d’un huis-clôt, principalement grâce à des personnages loin des clichés et qui font preuve d’une certaine finesse. Même les personnages annexe comme Jorunn ou encore Marteinn sont fouillés et travaillés. Le huis-clôt reste un exercice difficile, que j’aime beaucoup personnellement, car il permet de mesurer toute la capacité de l’auteur à embarquer son lecteur. Ragnar Jonasson réussi avec bio l’exercice !
Ces personnages sont tous, à échelle différente, impactés par la quarantaine de la ville. Il y a une sorte de lourdeur atmosphérique dans ce livre que j’ai beaucoup aimé. J’espère retrouver cette sensation dans ses autres romans.
Parce qu’il faut bien parler d’une petite ombre au tableau, Sótt n’échappe pas à l’erreur classique des thrillers / polar. Celle d’une accélération dans les dernières pages où il faut absolument réussir à tout dire, quitte à perdre un peu le lecteur. J’avais déjà compris certains points de l’affaire et j’avoue ne pas avoir était trop dérangé par ce point.
De façon générale, j’ai vraiment apprécié ce premier polar islandais qui m’a vraiment permis de découvrir la littérature du pays et un nouvel auteur qui m’a convaincu par son écriture fluide, parfois un peu angoissante et ses personnages travaillés. Je reste fascinée par ces grandes étendues, cette ferme en ruine isolée de la civilisation et lieu de drame, mais aussi cette ambiance particulière, contemplative et lourde.
Edition de la Martinière (Noir)
368 pages