Projet éditorial dopé au corrosif, le « Vivre en Macronie »porté par les éditions Ant bien connues des lecteurs de BDEncre part sur de grosses bases dans la prévente sur la plateforme Ulule (lien vers ce projet ici).
Il n’y avait qu’à traverser la rue pour trouver son auteur Allan Barte, lequel a retroussé ses manches pour nous parler un peu de ce projet, et plus largement de ce qui l’amenait, lui, dans le monde du dessin de presse. Pour l’instant bien centré sur un certain et actuel président français.
Bulle d’Encre : Comment viens-tu au dessin de presse Allan ?
Allan Barte : Il faut aimer la politique je suppose. Et c’est dans cette optique que, après des études de droit, j’ai fait un DESS de communication politique. J’ai un peu galéré à trouver du travail et puis, si le sujet m’intéressait, je me suis rapidement dit que ce n’était pas un milieu dans lequel j’avais envie d’évoluer. J’ai donc « bifurqué » vers la bande dessinée, mon autre passion. Mais ce n’était qu’une question de temps avant que je concilie les deux. Militant dans ma jeunesse, j’ai eu besoin de traduire mon engagement politique, un peu moribond, d’une nouvelle manière ; et le plus naturel m’a semblé de le faire en dessin.
BDE : Comment on aiguise son analyse politique en dessins de presse ? Comment te documentes tu ?
AB : Depuis tout petit, je m’intéresse à la politique. Mais dans la vie de tous les jours, histoire d’être supportable, j’ai arrêté depuis un bout de temps les conversations sans fin et le prosélytisme politique. Mais je continue de disserter dans ma tête, de trouver des arguments, des contre-arguments… C’est une mécanique de pensée qui ne me quitte pas, et je pense qu’elle nourrit mon dessin d’actu.
Pour la doc, je parcours tous les jours les sites d’info (petits ou gros, mais pas fantaisistes) et je fouille les réseaux sociaux. Depuis que j’ai une petite audience, des gens viennent aussi me voir avec des infos passées un peu sous les radars. Je tente ensuite de croiser rapidement les sources pour être sûr de ne pas relayer n’importe quoi.
BDE : Quels autres dessinateurs de presse t’inspirent ? Y a-t-il d’autres idées graphiques qui te viennent d’ailleurs (BD et autres) ?
AB : Pas certain d’être « inspiré » par d’autres, mais je suis friand du boulot des collègues. En vrac, je citerai Rodho (http://rodho.fr/), Babouse (https://www.facebook.com/babouse1er/), Fañch (http://blog.fanch-bd.com), Soulcié (http://www.soulcie.fr/), Nawak (https://nawak-illustrations.fr/), Dubuisson (http://marcdubuisson.com/perso)…
Graphiquement, je ne me suis pas posé la question, mais je suis probablement influencé par la BD (et ses auteurs) qui reste, pour l’instant, mon principal métier. Mon dessin est donc plus « BD » que « presse » je suppose. Ca m’arrive aussi de faire du 4 ou du 6 cases, même si j’aime la contrainte du dessin unique.
BDE : Comment tu comparerais ton travail de dessinateur de BD, en trouvant des points communs mais aussi en trouvant des vraies différences techniques ? Comment en une image maximiser le dynamisme de ton dessin en presse ?
AB : En bande dessinée, on est sur du temps long, des mois ! Et chaque page s’inscrit dans un long récit. j’aime bien prendre mon temps, travailler sur une ambiance, amener un gag tranquillement, avec des cases muettes. En dessin d’actu, tout doit être concentré en une image. Il faut être efficace. L’info doit passer immédiatement, le gag se suffire à lui-même.
Maintenant, ayant aussi des lecteurs qui me suivent régulièrement, je me permets de temps à autres de petites références à de précédents dessins (comme dans l’affaire Benalla) dans une logique de comique de répétition peut-être plus propre à la bd.
Pour maximiser le dynamisme… heu, je ne sais pas trop. J’essaye de ne pas m’ennuyer moi-même. S’il m’arrive de faire des dessins très graphiques, quasiment sans légende, je dirai que, la plupart du temps, le rythme, la dynamique et le punch que j’essaye d’y mettre passent plus par le texte que par le dessin. Je peux d’ailleurs, connaissant le thème dont je veux parler et les intentions des acteurs que je veux illustrer, faire d’abord le dessin et ne réfléchir qu’ensuite au texte et bulles des personnages. Ca me permet souvent de me surprendre mais aussi d’injecter du décalage dans le dessin, quitte ensuite à juste un peu modifier un regard ou une bouche pour mieux coller au texte ajouté.
BDE :Le dessin de presse, c’est très compartimenté dans ce que tu fais ? Est-ce que ça change le regard que peuvent porter tes lecteurs habituels sur ton travail, ou celui de tes collègues ?
AB : Non, je ne compartimente rien. Les gens sont parfois étonnés que j’utilise le même nom pour mes bandes dessinées et mes dessins d’actu. Moi, je ne me suis pas trop posé la question puisque c’est mon vrai nom.
Je n’ai aucune idée de ce que pense les lecteurs de mes bd, de mes dessins d’actu. Je n’ai d’ailleurs pas tant que ça de fidèles concernant mon métier d’auteur de bande dessinée. Quant à mes lecteurs de dessin d’actu, je ne suis pas certain que mes activités d’auteur de BD en intéressent beaucoup. Mais je peux me tromper.
Concernant mes collègues, ce sont pour la plupart de sales gauchistes. Donc leur regard est plutôt encourageant et bienveillant.
Par contre, je remarque une chose, c’est qu’avant, je recevais très régulièrement des propositions de boites de com pour effecteur des illustrations ou des bande dessinées. Depuis un an, plus rien du tout. C’est un gros manque à gagner financier mais bon… Je comprends qu’une marque n’ait pas envie d’un illustrateur aussi « marqué » dans son engagement politique.
BDE : Comment se fait le projet éditorial avec Ant Editions ? Comment activez-vous le web pour lancer le livre ?
AB : Tout se passe très bien. C’est un super éditeur qui met l’auteur au centre du processus créatif, mais aussi financier: fixe à la page, 15% de droit dès la première vente, 30% une fois le projet rentabilisé, pas de demande de droit audiovisuel… Ce sont des conditions qui, à ma connaissance, n’existent nulle part ailleurs. Anthony Roux est très présent, très actif et réactif. C’est un plaisir de travailler avec lui.
Pour le lancement du livre, on a donc mis en place une campagne Ulule de précommande, qui permettra d’ajuster l’impression du livre à la demande. Pour assurer la publicité du projet, on s’appuie principalement sur les réseaux sociaux. On tente de proposer du contenu fun et sympa (jeu, visuels etc…) et on est beaucoup aidé par une communauté active et proche de nos préoccupations. On a d’ailleurs trouvé de chouettes relais sur internet, grâce à des sites comme Mr Mondialisation, Les Répliques, les indignés et beaucoup d’autres.
BDE : Emmanuel Macron disparaît, pour des raisons x ou y. Tu continues à faire du dessin de presse ? Quels autres personnages politiques mettrais tu au centre de tes dessins ?
AB : Ah oui, bien sûr, je continue. Je dessine beaucoup Macron, mais je ne fais pas de fixette sur lui. Il est simplement celui qui est en place actuellement. Pour le dire autrement, Macron, Hollande, Sarkozy, pour ne prendre que les 3 derniers, ont certes des stratégies de communication très différentes, mais politiquement, il y a de la cohérence, de la continuité. C’est le même appareil idéologique qui change un peu d’enveloppe corporelle pour correspondre aux modes médiatiques du moment. La sociologie du personnel politique fait que les variations de politiques ne se font qu’à la marge.
Mais, même dans le cas où un homme politique correspondant à mes exigences idéologiques arrivait au pouvoir (on peut rêver), je continuerai à dessiner. Il y a toujours à rire et à redire. On le fait juste avec plus ou moins de rage et d’indignation.
BDE : Quels sont tes autres projets en cours ou à venir ? Peux-tu nous parler de ton travail ; sur Kaïju academy par exemple ?
AB : Kaïju Academy, c’est une BD de gag en une planche mettant en scène 3 petits monstres apprentis qui débutent dans l’art de tout détruire. Ce sont un peu les Pim Pam Poum de l’enfer, une bd gentiment trash. Ca faisait longtemps que Marc Lastaste, qui est au dessin, et moi montions des projets ensemble(Site de Marc Lataste : https://marcocartoon.artstation.com). Nicolas Forsans nous a fait confiance pour intégrer les pages de SuperTchô. On est très content.
Pour le reste, c’est toujours compliqué de parler des projets en cours, vu que tant qu’ils ne sont pas signés, ça peut tomber à l’eau. Et ces derniers temps, j’ai en eu pas mal à la baille. Mais parmi les nombreux projets que j’ai en tête, il y a bien sur un tome 2 de « Vivre en Macronie » couvrant la deuxième année de mandat de Macron. J’espère que les ventes du premier nous le permettront. En tous cas, j’ai déjà pas mal de matière puisque j’ai fait plus de 200 dessins depuis mai 2018 !
Lien vers le projet sur le site Ulule : https://fr.ulule.com/macronie/
Lien vers le site Ant Editions : https://www.ant-editions.com/
Interview réalisée par Damian Leverd le 8 décembre 2018
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