Publié aux éditions Albin Michel,
1943. Reclus dans son quartier général en Prusse orientale, terrorisé à l'idée que l'on attente à sa vie, Hitler a fait recruter des goûteuses. Parmi elles, Rosa. Quand les S.S. lui ordonnent de porter une cuillerée à sa bouche, Rosa s'exécute, la peur au ventre : chaque bouchée est peut-être la dernière. Mais elle doit affronter une autre guerre entre les murs de ce réfectoire : considérée comme " l'étrangère ", Rosa, qui vient de Berlin, est en butte à l'hostilité de ses compagnes, dont Elfriede, personnalité aussi charismatique qu'autoritaire.La Goûteuse d'Hitler est un roman qui explore une partie sombre de la seconde guerre mondiale, dévoilant une fois de plus toute la cruauté d'un système nazi sous la coupe d'un dirigeant mégalomaniaque et paranoïaque.
Rosa est une jeune allemande. Cela fait un an qu'elle s'est mariée avec Gregor. Ce dernier a été envoyé sur le front de l'Est. Sans famille proche, Rosa s'est réfugiée chez ses beaux-parents, là où Hitler a établi son quartier général. Un matin, un bus vient la chercher. On ne lui laisse pas le choix: avec une dizaine d'autres femmes du village, elle sera la goûteuse d'Hitler. Matin, midi et soir, ces femmes devront goûter les plats proposés au führer et attendre une heure pour savoir si elles ont été ou non empoisonnées. Un métier morbide et salutaire à la fois...
Rosella Postorino a eu l'idée de ce roman en lisant l'interview d'une des dernières goûteuses d'Hitler qui a bien voulu témoigner et lever ainsi le tabou sur une grande partie de sa vie. Hitler s'était en effet entouré de femmes qui étaient devenues en quelque sorte ses cobayes. Vivant dans la peur d'être empoisonné, il imposait à d'autres de goûter ses plats comme l'aurait fait tout bon dictateur romain avec ses esclaves.
Rosella Postorino plonge donc son lecteur dans une histoire fort mal connue qui éclaire une fois de plus le caractère fou du führer. On suit Rosa qui vit dans la peur d'être empoisonnée et qui chaque jour défie la mort. Ce métier imposé est vécu à la fois comme une torture mais aussi comme une sorte de bénédiction car tandis que dans le village tous crèvent de faim, Rosa et ses camarades se remplissent chaque jour l'estomac, dégustant des plats cuisinés et mijotés. L'auteur joue sur la dualité de ces repas imposés. La culpabilité s'ajoute au sentiment de trahison.
J'ai aussi aimé voir que ce roman était raconté du point de vue d'une jeune femme allemande, pas anti-nazie mais pas pro-nazie pour autant. On constate toute la perversion de ce système qui prend son propre peuple en otage en lui imposant une tâche sordide et mortifère. Rosa est prise au piège. Cette allemande pure souche devient une victime à son tour.
Le roman ne se contente pas de nous narrer les repas des goûteuses. On suit Rosa dans sa vie de femme, seule, isolée, privée de son mari. L'ennui s'installe. Le désir d'être aimée, possédée se fait sentir. Rosella Postorino pose aussi la question de ces femmes, restées seules, parfois très longtemps, sans mari. Peuvent-elles céder à leur désir? A leur envie? Être une femme pendant la guerre, c'est attendre, s'occuper des enfants et de la maison, reprendre l'activité du mari parti. Ainsi Rosa va franchir un point de non retour en trompant son mari. Mais comment lui en vouloir? Elle, si jeune, coincée dans ce village perdu? Rosella Postorino ne juge pas mais nous fait comprendre la détresse de ces femmes.
La Goûteuse d'Hitler est un roman à découvrir en cette future rentrée littéraire. Rosella Postorino dévoile un pan bien sombre de la seconde guerre mondiale tout en nous faisant découvrir une héroïne touchante dans son malheur et sa détresse de femme allemande.