« Chaque fois qu’on apprend à un groupe à en haïr un autre, on forge un mensonge pour attiser la haine et justifier un complot. La cible est facile à trouver parce que l’ennemi est toujours l’autre. »
Will Eisner retrace l’histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion, un document créé de toutes pièces au début du 20ème siècle en Russie pour attiser l’antisémitisme et écarter du tsar Nicolas II un conseiller (juif) trop réformiste pour les conservateurs. De sa rédaction à nos jours, cet opuscule prétendument écrit par des dirigeants juifs et relatant avec précision la façon dont ces derniers projettent de diriger le monde a suivi un chemin tortueux et reste une source d’inspiration majeure pour les antisémites de tous poils malgré les éléments indiscutables prouvant qu’il n’est qu’un faux grossier.
En 1905, première publication. En 1921, un article du Times démontre la supercherie. En 1923, les partisans d’Hitler utilisent les protocoles pour diffuser leur propagande haineuse dans l’opinion publique. En 1935, un tribunal suisse condamne les nazis pour diffamation et qualifie le texte « d’imbécilités dont la seule fin est d’inspirer le mépris et la haine des juifs ». En 1964, le sénat américain publie un rapport qualifiant les protocoles de documents frauduleux. En 1993, un tribunal russe reconnaît à son tour que le document est un faux. En 1999, le magazine l’Express apporte grâce à des historiens la preuve irréfutable et définitive que le protocole n’est qu’un complot antisémite. Et pourtant…
Et pourtant le texte n’a cessé d’être diffusé et traduit. En Italie et en Argentine dans les années 30, en Égypte, en Inde, en Espagne, aux États-Unis et en Angleterre dans les années 70. Et encore aujourd’hui, partout dans le monde, des islamistes au Ku Klux Klan, des catholiques espagnols aux néofascistes italiens. A chaque fois, malgré l’évidence de son caractère fallacieux, on encourage les lecteurs des protocoles à découvrir « la vérité sur les juifs ». A chaque fois, malgré la vérité, rien ni fait. Comme l’hydre de Lerne qui se multiplie quand on lui coupe la tête, les protocoles ne cessent de ressurgir pour développer un antisémitisme galopant que rien ne semble pouvoir arrêter.
Je suis rentré dans cet album sur la pointe des pieds. Comme c’est une réédition (il a été publié pour la première fois en 2005) j’ai pu lire pas mal d’avis et beaucoup insistaient sur la complexité du propos, sur la difficulté à s’y retrouver parmi tous les noms cités et une chronologie pas forcément évidente à appréhender. Et bien au final j’ai surmonté sans problème les obstacles et j’ai même trouvé le récit d’une grande lisibilité. Alors oui, mieux vaut être frais, dispo et concentré avant de se lancer mais franchement, si on reste attentif du début à la fin, la démonstration d’Eisner est aussi limpide qu’imparable. Et l’on referme ce livre terrifiant de lucidité en ayant compris, comme le dit si bien Umberto Eco en introduction, que « ce ne sont pas les Protocoles qui produisent l’antisémitisme : C’est le besoin profond de désigner un Ennemi qui mène les gens à y croire ».
Le Complot : L’histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion de Will Eisner (traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat). Grasset, 2018. 145 pages. 20,90 euros.
Will Eisner retrace l’histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion, un document créé de toutes pièces au début du 20ème siècle en Russie pour attiser l’antisémitisme et écarter du tsar Nicolas II un conseiller (juif) trop réformiste pour les conservateurs. De sa rédaction à nos jours, cet opuscule prétendument écrit par des dirigeants juifs et relatant avec précision la façon dont ces derniers projettent de diriger le monde a suivi un chemin tortueux et reste une source d’inspiration majeure pour les antisémites de tous poils malgré les éléments indiscutables prouvant qu’il n’est qu’un faux grossier.
En 1905, première publication. En 1921, un article du Times démontre la supercherie. En 1923, les partisans d’Hitler utilisent les protocoles pour diffuser leur propagande haineuse dans l’opinion publique. En 1935, un tribunal suisse condamne les nazis pour diffamation et qualifie le texte « d’imbécilités dont la seule fin est d’inspirer le mépris et la haine des juifs ». En 1964, le sénat américain publie un rapport qualifiant les protocoles de documents frauduleux. En 1993, un tribunal russe reconnaît à son tour que le document est un faux. En 1999, le magazine l’Express apporte grâce à des historiens la preuve irréfutable et définitive que le protocole n’est qu’un complot antisémite. Et pourtant…
Et pourtant le texte n’a cessé d’être diffusé et traduit. En Italie et en Argentine dans les années 30, en Égypte, en Inde, en Espagne, aux États-Unis et en Angleterre dans les années 70. Et encore aujourd’hui, partout dans le monde, des islamistes au Ku Klux Klan, des catholiques espagnols aux néofascistes italiens. A chaque fois, malgré l’évidence de son caractère fallacieux, on encourage les lecteurs des protocoles à découvrir « la vérité sur les juifs ». A chaque fois, malgré la vérité, rien ni fait. Comme l’hydre de Lerne qui se multiplie quand on lui coupe la tête, les protocoles ne cessent de ressurgir pour développer un antisémitisme galopant que rien ne semble pouvoir arrêter.
Je suis rentré dans cet album sur la pointe des pieds. Comme c’est une réédition (il a été publié pour la première fois en 2005) j’ai pu lire pas mal d’avis et beaucoup insistaient sur la complexité du propos, sur la difficulté à s’y retrouver parmi tous les noms cités et une chronologie pas forcément évidente à appréhender. Et bien au final j’ai surmonté sans problème les obstacles et j’ai même trouvé le récit d’une grande lisibilité. Alors oui, mieux vaut être frais, dispo et concentré avant de se lancer mais franchement, si on reste attentif du début à la fin, la démonstration d’Eisner est aussi limpide qu’imparable. Et l’on referme ce livre terrifiant de lucidité en ayant compris, comme le dit si bien Umberto Eco en introduction, que « ce ne sont pas les Protocoles qui produisent l’antisémitisme : C’est le besoin profond de désigner un Ennemi qui mène les gens à y croire ».
Le Complot : L’histoire secrète des Protocoles des Sages de Sion de Will Eisner (traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat). Grasset, 2018. 145 pages. 20,90 euros.