Quatrième et dernière sélection des titres qui ont attiré mon attention pour la prochaine rentrée littéraire de janvier
À nous regarder, ils s’habitueront – Elsa Flageul
Sortie : le 3 janvier 2019 (Julliard)
Résumé : «Ils sonnent à l’interphone, s’annoncent, entrent, ouvrent leur casier fermé à clef, y déposent leurs sacs, leurs manteaux, se lavent soigneusement les mains au savon, pendant plusieurs secondes, chacun leur tour, sans parler, sèchent leurs mains avec du papier puis les passent sous une pompe géante de solution hydro-alcoolique, se les frictionnent longtemps, sèchent leurs mains avec du papier, enfilent chacun une blouse jaune transparente, Vincent attache celle d’Alice dans le dos, Alice attache celle de Vincent.
Ils ouvrent la porte qui sépare César du reste du monde. Chaque matin, après avoir accompli tout cela, Alice met la main sur la poignée de la porte, chaque matin elle prend une grande inspiration, ferme les yeux et dit tout bas : j’espère que la nuit s’est bien passée. Chaque matin.
En réalité chaque matin elle se demande : mon bébé est-il mort ?»
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La guerre en soi – Laure Naimski
Sortie : le 7 février 2019 (Belfond)
Résumé : Paul est un garçon fugueur. Dans sa ville au bord de la mer affluent des hommes qui espèrent franchir la frontière. Avec eux, Paul a trouvé son combat. Une camionnette, des affiches à coller la nuit en catimini. L’ordre aux habitants de ne plus tirer les rideaux sur ceux qui rôdent sous leurs fenêtres. Un jour, Paul disparaît définitivement. Louise se tient debout dans le cercle. Ses mots éclatent : » Mon fils est mort. Il avait vingt-sept ans. » Louise cherche un coupable. Sur la plage balayée par un vent glacial, elle épie un homme à vélo, parmi ceux qui fuient la guerre…
À travers l’histoire de Louise et de Paul, Laure Naimski nous plonge de manière vertigineuse dans un deuil impossible attisé par la figure de l’étranger. Un roman puissant dont l’écriture aiguisée traque les symptômes d’une guerre en soi.
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Nomadland – Jessica Bruder
Sortie : le 6 février 2019 (Globe)
Résumé : Les mensonges et la folle cupidité des banquiers (autrement nommée « crise des subprimes ») les a jetés à la rue. En 2008, ils ont perdu leur travail, leur maison, tout l’argent patiemment mis de côté pour leur retraite. Ils auraient pu rester sur place, à tourner en rond, en attendant des jours meilleurs. Ils ont préféré investir leurs derniers dollars et toute leur énergie dans l’aménagement d’un van, et les voilà partis. Ils sont devenus des migrants en étrange pays, dans leur pays lui-même, l’Amérique dont le rêve a tourné au cauchemar. Parfois, ils se reposent dans un paysage sublime ou se rassemblent pour un vide-greniers géant ou une nuit de fête dans le désert. Mais le plus souvent, ils foncent là où l’on embauche les seniors compétents et dociles : entrepôts Amazon, parcs d’attractions, campings… Parfois, ils s’y épuisent et s’y brisent.
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Plutôt la fin du monde qu’une écorchure à mon doigt – Paula Jacques
Sortie : le 9 janvier 2019 (Stock)
Résumé : Louison Desmarais, une jeune femme sensuelle, dotée d’un fort appétit de vie, se rend à Marseille afin d’embarquer pour Alger où l’attend son fiancé du moment ; mais nous sommes en juin 1940 et aucun bateau ne peut quitter la ville assaillie de réfugiés fuyant le nazisme. Désemparée, Louison fait la rencontre providentielle de Tonton, le parrain de la mafia corse. Sous sa protection, elle trouve à se loger et à jouir des avantages du marché noir… C’est la guerre ! Et alors ? Les grandes causes, les grands sentiments sont pour elle autant de mots creux. Or Tonton, patriote et résistant de la première heure, va lui présenter un jeune Juif exalté d’idéalisme. La voici prise de passion pour ce garçon fait de l’étoffe des héros. La voici mère, contre son gré, d’une petite fille, bravant la guerre et déjouant toutes les épreuves du sort. La voici enfin poursuivant sa quête du bonheur, triompher là où tant d’autres ont péri.
Roman d’une femme sans principe ni morale, roman d’une ville martyrisée sous l’occupation, Paula Jacques la conteuse signe l’un de ses livres les plus captivants et délicieusement irrévérencieux.
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Les Porteurs d’eau – Atiq Rahimi
Sortie : le 3 janvier 2019 (P.O.L.)
Résumé : 11 mars 2001 : les Talibans détruisent les deux Bouddhas de Bâmiyân, en Afghanistan. Le même jour basculent la vie d’un porteur d’eau à Kaboul et la vie d’un exilé afghan entre Paris et Amsterdam.
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L’ombre d’un père – Christoph Hein
Sortie : le 24 janvier 2019 (Métailié)
Résumé : Konstantin Boggosch n’a jamais connu son père, Gerhard Müller, nazi notoire et criminel de guerre. Toute sa vie, il n’a de cesse de fuir ce lourd héritage : il change de nom, quitte son pays, tente de s’enrôler dans la Légion étrangère à Marseille, devient secrétaire pour un groupe d’ex-résistants cultivés, revient en rda après la construction du mur quand tout le monde veut la quitter, s’inscrit aux cours du soir tout en travaillant chez un libraire et finit directeur de lycée dans une petite ville. Son frère Gunthard, lui, fait tout le contraire ; fier de son héritage, il s’estime trahi par son pays et en tire un ressentiment profond ; il essaye de récupérer l’usine de son père et de retrouver son statut – quitte à devenir un beau salaud. Malgré leurs efforts, ni l’un ni l’autre ne parviendront à échapper à l’histoire, condamnés qu’ils sont à être à jamais les “fils de” dont le destin est écrit par d’autres avant même leur naissance.
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Hors de soi – Sasha Marianna Salzmann
Sortie : le 16 janvier 2019 (Grasset)
Résumé : Alissa part à la recherche d’Anton, son frère jumeau disparu. Comme seul indice, une carte postale envoyée d’Istanbul. Elle a déjà abandonné ses études de mathématiques pour se consacrer à la boxe, et rien ne la retient plus à Berlin. Elle débute son enquête dans les lieux interlopes de la métropole turque, se cherchant elle-même autant que ce frère avec qui elle a grandi dans un minuscule appartement à Moscou, juste après la chute du régime soviétique.
Si la famille a réussi à émigrer en Allemagne, son périple avait commencé dans les années 1920 à Odessa, avant de les conduire à Czernowicz, Volgograd, puis Moscou. Les histoires d’amour, de rencontres fortuites ou de mariages arrangés traversent quatre générations d’une famille marquée par la guerre et l’antisémitisme, mais aussi l’alcool et la violence – un héritage complexe et des questions laissées sans réponse pour Alissa, hantée par l’absence de ce frère mal aimé. C’est donc dans une ville tentaculaire secouée par une violence politique inédite – les événements de la place Taksim – qu’Alissa se plonge dans le passé familial tout en s’interrogeant sur la femme qu’elle est, sur la culture qu’elle porte en héritage et sur les contours d’un avenir encore incertain.
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Né d’aucune femme – Franck Bouysse
Sortie : le 10 janvier 2019 (La Manufacture de Livres)
Résumé : «Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d’une femme à l’asile.
— Et alors, qu’y-a-t-il d’extraordinaire à cela ? demandai-je.
— Sous sa robe, c’est là que je les ai cachés.
— De quoi parlez-vous ?
— Les cahiers… Ceux de Rose.»
Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. Franck Bouysse, lauréat de plus de dix prix littéraires, nous offre avec Né d’aucune femme la plus vibrante de ses œuvres. Ce roman sensible et poignant confirme son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine.