Éditions Le livre de poche, 2005 (513 pages)
Ma note : 16/20Quatrième de couverture ...
Octave Mouret affole les femmes de désir. Son grand magasin parisien, Au bonheur des dames, est un paradis pour les sens. Les tissus s'amoncellent, éblouissants, délicats, de faille ou de soie. Tout ce qu'une femme peut acheter en 1883, Octave Mouret le vend, avec des techniques révolutionnaires. Le succès est immense. Mais ce bazar est une catastrophe pour le quartier, les petits commerces meurent, les spéculations immobilières se multiplient. Et le personnel connaît une vie d'enfer. Denise échoue de Valognes dans cette fournaise, démunie mais tenace. Zola fait de la jeune fille et de son puissant patron amoureux d'elle le symbole du modernisme et des crises qu'il suscite. Zola plonge le lecteur dans un bain de foule érotique. Personne ne pourra plus entrer dans un grand magasin sans ressentir ce que Zola raconte avec génie : les fourmillements de la vie.La première phrase
" Denise était venue à pied de la gare Saint-Lazare, où un train de Cherbourg l'avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d'un wagon de troisième classe. "
Mon avis ...
Au bonheur des dames est un roman qu'il me tardait de découvrir. Après une première tentative (j'étais alors adolescente) qui fut un échec cuisant, j'ai eu envie de lui laisser une seconde chance près de dix ans plus tard. Et j'ai bien fait, tant j'ai été embarquée en plein Second Empire, aux côtés d' une héroïne formidable et on ne peut plus attachante : Denise Baudu. J'ai également été surprise par la plume de Zola. Si je m'attendais à une écriture peu accessible, il n'en a rien été. J'ai même été conquise par la justesse des mots utilisés. Avec Au bonheur des dames, on voit, on sent, on vit. J'ai réellement eu l'impression d'effectuer un voyage dans le temps (pour mon plus grand bonheur). Et j'ai adoré suivre Denise dans ses malheurs, mais également dans ses moments de joie.
Si Au bonheur des dames raconte l'évolution d'un magasin, Zola nous dépeint une réalité plutôt sombre : la montée et les rouages du capitalisme, ou encore l'emprise du magasin sur les femmes (qui agit tel un lavage de cerveau). La notoriété croissante du Bonheur des dames est également synonyme de la mort du petit commerce. On suit ainsi le quotidien de certains personnages, l'oncle de Denise en tête (qui tient une draperie), qui tentent de survivre face au "monstre" qui ne cesse de s'agrandir et de fasciner. Zola nous décrit également le vécu des employé(e)s qui vivent dans l'ombre de la "machine". Entre les renvois intempestifs et les rivalités qui persistent, le quotidien est moins rose qu'il n'y paraît.
De ce roman, je garderai longtemps en tête ses personnages. J'ai beaucoup aimé Denise, une héroïne si simple et à la fois courageuse. Si la jeune femme se sacrifie pour ses frères, quitte à vivre l'enfer, sa ténacité l'aidera à vaincre des montagnes et à être reconnue. J'ai également été touchée par le quotidien des Baudu (je pense à Geneviève, et à Colomban), tout comme j'ai adoré détester Mme Desforges, la maîtresse de Mouret. J'ai apprécié que Zola nous fasse rencontrer des personnages si différents, dans le sens où ils appartiennent à différentes catégories de la société. Grâce aux mots de Zola, on imagine alors très bien le décalage entre les conditions de vie des personnages les plus aisés (qui reçoivent du monde, ont une certaine influence dans le développement du Bonheur des dames) et celles des plus pauvres qui, dans le roman, sont condamnés à subir et font tout pour s'en sortir.
Au bonheur des dames est donc un roman plutôt cruel et incisif. J'ai pour autant aimé ce qu'il dénonce, sans compter que grâce à lui je suis passée par toute une palette d'émotions. L'histoire de Denise est quant à elle émouvante au possible. Ce roman me donne envie de poursuivre ma découverte des écrits de Zola. Et peut-être de me plonger dans The Paradise, une mini-série produite par la BBC et s'inspirant du roman.
Extraits ...
" - Servez à quelque chose, au moins... Mettez ça sur vos épaules.
Denise, frappée au cœur, désespérant de jamais réussir dans la maison, était demeurée immobile, les mains ballantes. On allait la renvoyer sans doute, les enfants seraient sans pain. Le brouhaha de la foule bourdonnait dans sa tête, elle se sentait chanceler, les muscles meurtris d'avoir soulevé des brassées de vêtements, besogne de manœuvre qu'elle n'avait jamais faite. Pourtant, il lui fallut obéir, elle dut laisser Marguerite draper le manteau sur elle, comme un mannequin. "