« Swan » dresse le portrait des impressionnistes

Swan dresse portrait impressionnistes

Swan – Tome 1: Le buveur d’absinthe (Néjib – Editions Gallimard)

En 1859, la jeune Américaine Swan Manderley et son frère Scottie débarquent à Paris, après un voyage éreintant. Ils sont accueillis à la gare par leur cousin Edgar Degas, qui a abandonné ses études de droit pour se consacrer à la peinture, au plus grand désarroi de son père. Déterminé comme son cousin français à délaisser les affaires pour les arts, Scottie a quitté New York pour une seule et unique raison: intégrer les Beaux-Arts de Paris. Hélas pour lui, la concurrence est féroce: alors que l’impressionnisme commence à montrer le bout de son nez, les aspirants peintres se bousculent dans la capitale française. Les places aux Beaux-Arts sont donc chères et les épreuves de sélection pour y entrer sont très difficiles, ce qui rend Scottie particulièrement nerveux et irascible. Ce que tout le monde ignore, c’est que sa soeur Swan poursuit exactement le même objectif que lui. Elle aussi rêve d’une carrière glorieuse dans la peinture. Elle a d’ailleurs une sensibilité artistique hors du commun: au Louvre, en admirant les tableaux de Rubens, Rembrandt, Delacroix, Ingres ou Raphaël, elle tombe dans les pommes devant une telle profusion de chefs-d’oeuvre. Hélas pour elle, l’époque n’est pas encore à l’égalité des sexes. D’ailleurs, les Beaux-Arts n’acceptent tout simplement pas les femmes. C’est donc secrètement que Swan va devoir apprendre le métier. Tout en faisant croire à sa famille qu’elle est venue à Paris pour écrire des chroniques de voyage agrémentées de croquis, elle se met en quête d’un maître. Par l’intermédiaire d’Edouard Manet, dont elle fait la connaissance au Louvre, elle tente sa chance auprès de Thomas Couture, l’un des grands peintres de l’époque. Mais elle ne va pas tarder à regretter son choix…

« Swan » dresse le portrait des impressionnistes

Néjib est décidément un formidable raconteur d’histoires (et d’Histoire). Après le brillant « Stupor Mundi », dans lequel il racontait le destin extraordinaire d’un savant arabe découvrant la photographie au début du XIIIe siècle, l’auteur franco-tunisien change totalement d’époque et de décor, tout en gardant la même efficacité graphique et le même niveau d’inspiration. Avec « Swan », Néjib se lance dans un ambitieux feuilleton sur la naissance de l’impressionnisme dans le Paris du milieu du XIXe siècle. « Le buveur d’absinthe » est le premier tome de ce qui s’annonce comme une trilogie. On y fait la connaissance de la jeune Swan Manderley, une héroïne à la fois forte et fragile, à laquelle on s’attache très facilement, et de son frère Scottie, au caractère beaucoup plus ombrageux. Ces deux Américains de bonne famille sont des personnages inventés de toutes pièces par Néjib. Swan s’inspire notamment de femmes peintres telles que Mary Cassatt ou Berthe Morisot. Par contre, Scottie et sa soeur gravitent autour de personnages ayant réellement existé, comme Degas ou Manet. Dans « Swan », l’auteur de « Stupor Mundi » mélange donc habilement fiction et réalité, ce qui est devenu l’une de ses marques de fabrique. Tout en suivant le destin de la jeune Swan, Néjib en profite également pour dresser le portrait d’une époque, ce qui rend sa BD encore plus passionnante. « Le buveur d’absinthe » nous plonge dans une ville de Paris en pleine ébullition artistique, mais aussi en pleine transformation physique. C’est, en effet, l’époque des grands travaux d’aménagement lancés par le Baron Haussmann, qui font ressembler certains quartiers de la ville à un énorme chantier. Paris est alors en pleine mutation, tout comme le monde de la peinture. A l’image de Swan, les femmes entendent bien jouer un rôle de premier plan dans cette révolution artistique, ce qui donne au récit de Néjib un aspect très féministe et donc très contemporain. Vivement la suite!