Il y a deux ans, à l'occasion de l'arrivée de la première saison de Jessica Jones sur Netflix, Panini Comics a décidé de rééditer les premières aventures de l'héroïne dans deux albums renommés Jessica Jones: Alias compilant l'oeuvre de Brian Michael Bendis et Michael Gaydos qui a su révolutionner son époque.
Jessica Jones pourrait être une privée comme les autres : elle s'occupe d'histoires de tromperies minables et doit faire avec ses clients peu reconnaissants. Sauf que Jessica a été une super-héroïne avant cela, elle a même combattu auprès des Avengers sous l'alias de Jewel. Du coup, et un peu malgré elle, les enquêtes qui lui sont confiées sont souvent liées à des supers alors qu'elle aurait plutôt tendance à tout faire pour oublier ce passé.
Ce premier volume s'intéresse finalement assez peu au passé de Jessica pour mieux s'intéresser à son présent. Jessica vit seule dans son appartement miteux qui lui sert également de bureau. Alors qu'elle enchaîne les affaires sans importance comme des femmes qui trompent leur mari avec des mutants, une femme vient la voir pour lui demander de retrouver sa sœur qui a disparu depuis qu'elle a rencontré un homme. Mais lorsqu'elle retrouve sa piste, il s'avère qu'elle est mariée à Steve Rogers alias Captain America.
Ceci n'est que le point de départ de l'histoire - et celui de l'une des trois enquêtes contenues dans ce livre - qui va devenir de plus en plus personnel pour Jessica. Ainsi, non seulement, nous allons découvrir son caractère bien trempé et ses méthodes assez peu conventionnelles, mais nous allons aussi voir qu'elle a approché de nombreux autres personnages très connus au fil des années comme Rick Jones ou Thor.
Certes l'histoire est intéressante dans le fond, Bendis montre ainsi qu'il est possible de faire des retcons ou continuités rétroactives - c'est à dire modifier un élément passé du canon afin d'apporter de nouvelles perspectives dans la continuité - sans dénaturer le récit originale. Certes, il commence la série en jouant avec cela - en nous faisant douter à un moment donné sur l'identité même d'un personnage bien connu de Marvel - mais cela est un prétexte pour malmener son héroïne.
Mais, la force de la série est clairement la forme. Tout d'abord, les dialogues de Bendis sont à tomber par terre, Nicole Duclos et Geneviève Coulomb à la traduction ont réussi à garder l'efficacité de la version originale. Ensuite, il y a les gimmicks que l'auteur met en place avec son complice Michael Gaydos aux dessins : entre l'entretien avec la cliente du moment ou les cases qui se répètent donnant un dynamisme plutôt bien vu aux dialogues vu que les plans sur les personnages sont souvent très serrés.
La partie graphique ne trompe pas sur la marchandise, Gaydos a un style très indépendant jouant beaucoup avec les ombres donnant l'aspect polar voulu. En 2001, année pendant laquelle la série a été publiée la première fois, cette manière de dessiner dans les comics mainstream était très peu conventionnelle. Elle a vraiment apporter quelque chose de nouveau à l'industrie des comics super-héroïques. De ce fait, bien qu'elle respecte certains codes narratifs, la série peut très bien convenir à des personnes qui n'aiment pas habituellement les BD américaines, elles pourraient être agréablement surprises par le ton irrévérencieux de la série.
Mais, la partie graphique n'est uniquement confiée à Gaydos. Bill Sienkiewicz, David Mack et Mark Bagley sont invités à dessiner des parties - relativement courtes - de certains chapitres dans lesquelles Bendis leur demande de faire ce que ces artistes savent faire de mieux. Par exemple, Mark Bagley dessine une mini-histoire dans laquelle Jewel rencontre Thor en plein vol collant avec le style habituel de l'artiste. Bendis s'amuse donc avec les artistes qu'il apprécie et ce changement - radical - de style prend sens dans l'histoire qu'il nous raconte.