Corto Maltese, la Ballade de la mer salée (Hugo Pratt) – Editions Altaya – 10,48€

Par Bdencre @bdencre

Parution : 12/2018

Résumé
La Ballade de la mer salée est le chef d’œuvre d’Hugo Pratt. C’est un récit où de nombreuses histoires s’entrecroisent et grâce auquel plusieurs personnages sont devenus cultes : la belle Pandora, le mystérieux Moine, Raspoutine (le pirate féroce), Caïn (cousin de Pandora), le lieutenant Slütter, les polynésiens Cranio et Tarao, et enfin Corto Maltese, marin baroudeur. Le rythme de la narration est très moderne, les dessins sont sublimes, l’atmosphère est extraordinaire. L’action débute en 1913 dans les mers du Sud à une époque où l’on sent planer l’odeur de la grande Guerre mais oú survivent encore des idéaux romantiques du XIXe siècle. Les éditions Altaya ont décidé de faire un cycle de deux albums pour cette histoire complète et intemporelle.

Notre avis
Le récit se déroule en Mélanésie de novembre 1913 à janvier 1915, ce qui en fait dans la chronologie interne de l’œuvre la deuxième aventure, après La Jeunesse de Corto Maltese. Il met en scène l’errance d’île en île de Raspoutine, Corto Maltese et des cousins Groovesnore, sur fond de piraterie, de déclenchement de la première guerre mondiale et d’étranges mœurs indigènes. Notre histoire commence donc un 1er novembre, jour des surprises, jour de tous les saints (appelé dans l’histoire « tarowean »). Le pirate Raspoutine tombe tout d’abord sur deux jeunes naufragés, inconscients, sur un chaloupe au large des îles Salomon. Il s’agit des cousins Pandora et Cain Groovesnore, réscapés d’un yacht en flammes : »La jeune fille d’Amsterdam ». Le pirate pense pouvoir obtenir de l’argent des riches parents des deux jeunes. Plus tard, c’est un étrange naufragé flottant sur la mer, pieds et poings liés sur un radeau de fortune qui fait son apparition. Ainsi apparaît donc Corto Maltese, un autre pirate, dont l’équipage de sa goélette s’est mutiné… Les deux mercenaires sont de vieilles connaissances et travaillent tous les deux pour « Le Moine », un mystérieux personnage … Voila campé cette histoire qui va devenir un des plus beau scénario de bande dessinée jamais imaginé sur fond d’une Première Guerre mondiale qui se profile à l’horizon de choix de destins, d’amitiés et de trahisons. Selon les écrits d’Hugo Pratt, Corto avait auparavant traversé le Pacifique Sud et le Sud-Est de l’Asie en 1913, puis il s’est rendu à Surabaya, au Samoa et à Tonga, entre autres lieux. Au cours de cette année, il devient pirate et commence à travailler pour le Moine. Corto et Raspoutine naviguent donc entre différentes îles de la région. D’abord vers Kaiserine possession allemande de la Nouvelle-Guinée, pour retrouver leur commanditaire, Von Speeke. Puis, Corto, Pandora, Cain et des marins naviguent de leur côté le long des côtes de l’île, avant de s’échouer près du fleuve Sepik. Là, ils échappent à des Papous cannibales en s’enfuyant sur une pirogue grâce à un intelligent subterfuge de Cranio, le Bosco de Raspoutine. Puis, ils sont recueillis dans l’Archipel Bismarck par le sous-marin de Slütter, où ils retrouvent Raspoutine et un marin japonais surnommé Taki Jap. Ensemble, ils partent pour l’île d’Escondida. C’est sur cette île fictive, située à 169 ° ouest et 19 ° sud, que se tient le repaire du Moine. Un moine pris de panique alors qu’il découvre Pandora endormie… Mais à vous de découvrir la suite. La Ballade de la mer salée (titre originale : Una ballata del mare salato), première histoire de la série Corto Maltese, est une bande dessinée de Hugo Pratt publiée de juillet 1967 à février 1969 – grande année puisque année de naissance de votre serviteur – dans le mensuel italien Sgt. Kirk. La première traduction française est parue de juillet 73 à janvier 74 dans France-Soir, avant de faire l’objet d’un album chez Casterman en 1975. Cet album a reçu le prix de la meilleure œuvre réaliste étrangère lors du Festival d’Angoulême 1976. Ouvrage d’une « importance historique qui n’est plus à démontrer », c’est pour Erwin Dejasse « le premier véritable roman dessiné». Au-delà de ses qualités artistiques, son succès a prouvé aux éditeurs la rentabilité économique d’albums dépassant le standard de 44 ou 46 planches… L’auteur revendiquera quelques films comme sources d’inspiration : Tabou de Friedrich Wilhelm Murnau (1931), Les Révoltés du Bounty de Frank Lloyd (avec Clark Gable, 1935), Le Réveil de la sorcière rouge d’Edward Ludwig dont les premières images nous montrent un homme livré à l’océan, ligoté les bras en croix, sur un radeau (avec John Wayne, 1948), Le Roi des îles de Byron Haskin (avec Burt Lancaster, 1954), Lord Jim de Richard Brooks (avec Peter O’Toole, 1965). Juste retour des choses,  Corto Maltese a trouvé son interprète au cinéma ! SelonVariety, Tom Hugues et Milla Jovovich deviennent les héros de l’adaptation en film des aventures de Corto Maltese en tournage pour 2019 sous la houlette de Christopher Gans sans même parler des nombreuses  adaptations en anime dont cet album en 2002 . La Ballade de la mer salée fait aussi référence à divers écrivains ayant situé leurs romans dans des îles du Pacifique : Robert Louis Stevenson, Joseph Conrad ou Herman Melville. La dédicace, présente au tout début du premier album, dédiée à Henry De Vere Stacpoole, qui lui fit aimer le premier les mers du Sud, s’inscrit dans la grande tradition du roman d’aventure . Enfin, on trouve pléthore de références littéraires sont dans les différentes cases. Dés les premières pages, on voit Raspoutine lire le Voyage autour du monde, journal de voyage de Louis-Antoine de Bougainville. Caïn Groovesnore fait lui, allusion à différents personnages littéraires ou mythologiques. Ainsi, lorsqu’il échoue sur une les côtes hostiles et qu’il se retrouve avec Tarao (planche 32, 1ère partie), il évoque Vendredi et Robinson Crusoé de William Defoe ; il parle à Tarao de Moby Dick, roman de Herman Melville. Puis, dans le sous-marin de Slütter, il lit La Complainte du vieux marin de Samuel Taylor Coleridge. Enfin, au moment où il quitte Escondida avec Pandora, il évoque le navire Argo et Jason en regardant Corto Maltese s’attendrit sur son bateau désormais échoué ad vitam aeternam. C’est une très belle idée que de réunir l’oeuvre complète de Pratt, pourvue d’un vrai souffle, presque d’une âme et d’un sens du récit exceptionnel. On pénètre avec délice dans son univers avec en fin de chaque album un cahier didactique très clair et éclectique, des plus intéressant, pour prolonger l’aventure. Hugo Pratt ne pouvait savoir qu’il venait de créer un des plus grands personnages du Neuvième Art lorsqu’il imagina Corto Maltese pour notre plus grand plaisir. Des albums en couleurs, au même format que l’édition italienne de 2015, avec une construction plus économique, la reliure en particulier en dos toilé, et surtout le papier, un papier presse utilisé pour les magazines, pas vraiment pour les livres, ce qui octroie aux albums un sentiment de fragilité à vérifier dans le temps. Chaque BD contient un livret de Michel Pierre, agrégé d’Histoire, licencié en histoire de l’art et en archéologie et auteur de nombreux livres sur l’Histoire contemporaine, tout particulièrement sur celle des empires coloniaux. En complicité avec Hugo Pratt, dont il fut ami, il a publié Corto Maltese. Mémoires en 1988 et Les femmes de Corto en 1994. Un roman graphique intemporelle et éternel à savourer à l’infini dans une chronique plus longue qu’à mon habitude où vous pourrez, vous aussi, voyager au delà de l’histoire grâce aux nombreux liens hypertextes. À suivre … Dans les pas légendaires de l’œuvre colossale du maestro vénitien.

En deux mots
Ce roman graphique est un « must have » pour plonger ou se replonger dans l’univers Prattien et sa genèse. Une assurance pour un voyage entre réel et imaginaire d’un auteur prolifique. Dépaysements assurés. Captivant et passionant.

Jean-Claude Attali

Site officiel de Corto Maltese.

L’exposition Hugo Pratt, « lignes d’horizons »

La collection « Tout Pratt »

Lien vers la page des Éditions ALTAYA de « Tout Pratt, Édition Collector »

  

Info édition : ©Altaya 2018. © CONG SA, Suisse. Pour les histoire de la série Corto Maltese : Corto Maltese ® et Hugo Pratt © CONG SA-Tous les droits réservés. © CASTERMAN Postfaces : Michel Pierre © 2018 EDITORIAL PLANETA DEAGOSTINI POUR LA PRÉSENTE ÉDITION ISBN : 978-84-684–5720-8 (œuvre complète) ISBN : 978-84-684–5721-5 & 978-84-684–5722-2 (tome 1 & 2) DÉPÔT LEGAL EN ESPAGNE : B 11636-2018 DÉPÔT LEGAL EN FRANCE : A PARUTION Dos toilé bleu. En fin d’album, un cahier inédit de 6 pages sur l’univers de l’auteur.

Une petite précision sur le prix annoncé dans cette chronique, il concerne l’offre d’abonnement pour les numéros 1 et 2 respectivement à 1,99€ et 6,99€. Voici les informations des Editions Altaya :
1 ) Vous recevrez les numéros 1 (1,99 €), et 2 (6,99 €) de la collection.(+1,50 € de frais de port).
2 ) Puis vous recevrez les numéros 3 (GRATUIT), 4 et 5 au prix de 12,99 € par numéro (+ 0,75 € de frais de port par numéro).
3 ) Enfin, vous recevrez toutes les 6 semaines 3 numéros au prix de 12,99 € par numéro (+ 0,75 € de frais de port par numéro).
4 ) En vous abonnant, recevez ces CADEAUX. Avec votre 3e envoi : Trois planches. Avec votre 5e envoi : cahier de note + magnet. Et avec votre 8e envoi : un mug de Corto Maltese.
5 ) De plus, si vous choisissez le prélèvement automatique vous bénéficierez d’un cadeau spécial : album Sous le soleil de minuit avec votre 12e envoi et album Équatoria avec votre 14e envoi.
6 ) Complétez votre collection avecPériples imaginaires, ouvrage indispensabledans l’œuvre d’Hugo Pratt. Il y a tout l’univers du Maestro dans ce recueil d’images, l’Argentine, l’Afrique, la France,la Suisse et l’Italie, les femmes et les romans qu’il a aimés et qui ont inspiré ses œuvrestout au long de sa vie. (Avec l’envoi 23 pour 0.50€ de plus par numéro)