Pourquoi lire plusieurs livres de la même plume, quand il y a tant d’écrivain·es à découvrir en ce monde ? Pourquoi s’attarder sur une œuvre, aussi riche et généreuse soit-elle, quand l’excellence littéraire s’étale dans les catalogues de toutes les éditions, même et surtout les plus humbles et les moins connues ? Sans doute, au moins, pour la joie mélancolique de lire le temps passer, et de retrouver un nom, un style, une inquiétude qui a mûri et dont on se souvient.
L’un de mes premiers articles sur ce site était consacré au roman d’Anne Collongues, Ce qui nous sépare (Actes Sud, 2016). L’autrice m’avait écrit un beau mail de remerciement, que je garde comme un petit trésor de blogueur. Le roman est sorti en poche depuis, collection Babel. Occupé de l’actualité, de mon boulot et d’autres choses qui ne me regardaient pas, je l’avais perdue de vue ensuite, non sans quelque remords (2019 est décidément pour moi l’année des remords littéraires : j’ai aussi commandé le dernier Agnès Mathieu-Daudé, que je m’en étais voulu de n’avoir pas même vu sortir!). Mais ce lundi 21 janvier 2019, Anne Collongues était à la Maison de la Poésie, alors là, j’allais pas manquer ça.
Ce qui nous sépare était déjà bien loin. Outre un livre d’art et ses participations à des ouvrages collectifs (dont le percutant Livre des places, paru opportunément dans l’ébullition du cinquantenaire de mai 1968), Anne Collongues avait déjà fait paraître deux autres récits : Le gant (Esperluète, 2016) et celui dont il s’agissait ce soir-là, Le poids de la neige quand elle tombe (La Passe du vent, 2018).
On a entendu ce soir-là quelques extraits de ce livre, où les préoccupations d’A. Collongues s’entendaient, différentes mais familières : fantaisie nourrie par l’histoire cachée des objets quotidiens, attention toute particulière aux moments de dévoilement de la vie, rencontres manquées. Ce qui nous sépare était déjà un roman atypique, mais c’était comme si ce livre avait trouvé le moyen de sortir encore plus des sentiers connus. Cela explique, je crois, qu’elle ait eu beaucoup de mal à parler de son livre, qu’elle n’en pouvait dire que des évidences ou répondre à côté. C’est une œuvre qui se fait de plus en plus insaisissable, qui fond entre les mains.
Anne Collongues, Le poids de la neige quand elle tombe, La Passe du vent, 2018, 64 p., 10€.