On part dans un voyage à la croisée de l'onirisme d'épouvante, et de la science-fiction, avec Warren Ellis, chez Snorgleux. Shipwreck joue sur le sens premier du terme, le naufrage, et présente un personnage éponyme en Vo, qui faisait partie d'une expédition spatiale expérimentale, à la découverte d'un nouveau monde. Et découverte il y a, étant donné que le docteur est aussi un des spécialistes des voyages entre les dimensions, une chose fort utile pour quitter notre Terre à nous, poussée vers un déclin inexorable, vidée de sa substance. Mais la question se pose au fil des pages, des rencontres étonnantes et délirantes. Le "héros" est-il parvenu au bout de sa mission, ou est-il simplement en train de traverser l'enfer, peuplé de créatures aussi bizarres qu'inquiètantes, le tout dans des atmosphères symboliques ou cauchemardesques, où la réalité semble malléable en permanence. Parfois des flashbacks viennent apporter un peu plus de clarté, dans ce qui semble une odyssée de l'étrange, avec des accents dantesques (la Divine Comédie) ou de vagues emprunts à des univers comme Sandman. Il faut s'accrocher, car l'épreuve est aussi destinée à ceux qui lisent, et qui vont devoir s'attendre à quelque chose d'hermétique, qui ne livrera jamais, même à son terme, toutes les clés espérées.
Car le problème avec cet album, c'est que si les ambitions sont incontestables, il arrive à la plupart des lecteurs de se perdre totalement, dans un récit qui place la barre si haute qu'inévitablement, à un certain moment, on a l'impression de passer sous celle-ci. Warren Ellis a ce petit défaut, par moment il devient confus et ne soigne pas le plaisir de la lecture, son style peut l'enfermer dans des concepts abscons et hermétiques... ici on a du mal à dégager une vraie finalité, et ce sentiment perdure lorsqu'on tourne la dernière page, c'est dommage. Phil Hester, pour sa part, assure une petite leçon de storytelling au dessin, qui alterne formats et cadrages intelligents, et mise avant tout sur l'efficacité et la singularité du récit, qu'il parvient à transcrire admirablement. Shipwreck est donc une jolie petite œuvre d'art, indéniablement personnelle, mais qui se complaît un peu trop dans les figures de style et les rodomontades, et ne procure pas cette dose de plaisir tant attendue.
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