Chronique « ADA »
Scénario, dessin et couleurs de BARBARA BALDI
Public conseillé : Adultes
Style : Chronique sociale
Paru le 8 février 2019 aux éditions ICI même
120 pages couleurs
24 euros
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Ça commence comme ça…
Autriche, Gablitz, 1917. Ada vit seule avec son père depuis que sa maman n’est plus là. Homme bougon et colérique, il lui mène la vie dure. Dans leur maison à l’orée des bois, du matin au soir, elle ne fait que travailler. Quand il exige, elle se soumet, exécuter toutes ses demandes, cuisiner, nettoyer, faire la lessive, mais aussi, couper le bois, s’occuper des bêtes, du potager et des champs… “Elle est forte”, il dit. “Comme un homme”, il pense. Du temps, elle n’en a pratiquement pas. Ses seules sources de bonheur sont sa chienne Gertha et la cabane au fond des bois, où elle va se cacher pour dessiner et peindre… Des amis ? Il y a bien “E” qui passe de temps en temps. Elle ne le voit pas, il lui laisse de petits mots dans leur cachette, ou des pigments quand elle en a besoin pour ses peintures… Sa vie est dure. Elle la supporte jour après jour, sans dire un mot… jusqu’au jour où la vie s’en prend à ce qu’elle aime !
Ce que j’en pense
La vie d’Ada n’est vraiment pas une partie de plaisir. Cette jolie jeune fille rousse à la peau de porcelaine, dont il émane tant de douceur, a vraiment vécu un calvaire avec son père. Cet homme qui ne pardonne pas le départ de sa femme, passe son amertume sur sa fille. Elle, tant qu’elle a sa chienne et sa peinture, est résignée et soumise. Il faudra que ce père, dans sa malfaisance, aille trop loin, pour que la jolie fleur se change en chardon ! Cette histoire parle du relationnel père/fille, de l’abandon, de solitude, mais aussi d’art. On croise dans cette histoire un certain nombre de peintres des mouvements “Symbolisme”, “Art nouveau” et “Expressionnisme Viennois”…
Ce n’est pas croyable comme cette bande dessinée est belle. J’ai été stupéfié par son premier ouvrage “La partition de Flintham”, sortie en 2018 aux éditions Ici Même et je le suis à nouveau. Accumuler tant de beauté en deux albums, ça me laisse sans voix !
Tout comme sa première bande dessinée, Barbara Baldi nous propose des illustrations dignes des peintres romantiques. Ada s’ouvre sur quatre pages d’illustrations qui dépeignent des paysages. Débute ensuite l’histoire, où l’on fait la rencontre d’Ada et de son père. Suivent ensuite des pages avec, ou sans texte. Les dessins de l’auteure sont si forts et explicites qu’il n’y a pas besoin d’en rajouter. Ses silences font tant de bruit qu’y mettre des mots serait superflu…
J’y ai retrouvé cette ambiance sombre et polaire qu’elle avait déjà transcris dans son premier récit. Barbara Baldi donne vie, comme personne, à ce qu’elle dessine. Quand elle représente l’hiver, je sans les giboulées glaciales de neige sur mon visage. Quand il y a la pluie, je sors mon parapluie. Quand elle dépeint le soleil, je me mets à l’ombre… Si dans “La partition de Flintham” elle a ajouté quelques touches de couleurs au milieu de l’obscurité, cette fois-ci, les passages colorés sont vraiment très lumineux et éblouissants. Je passe du froid au chaud et je reste scotchée sur chaque page.
Barbara Baldi fait de ses bandes dessinées des œuvres d’art qui parlent d’art… Et c’est tout un art !