Quatrième de couverture
" 15C et les autres passagers du vol Air Millenial NY-Paris sont assaillis par l'impression que leur avion est au bord du crash. Leur vie défile devant eux. Les sans-oubli est une allégorie sur le sentiment d'imminence d'un grand danger qu'ont les millenials, écartelés entre une quête d'éternité virtuelle et l'angoisse qu'une immense catastrophe leur pend au nez, entre l'urgence d'exister et une étouffante sensation d'impuissance, entre une mélancolie quasi victorienne et une culpabilité dévorante. Par leur faute, les ressources s'épuisent, la planète se réchauffe, la démocratie périclite, la machine s'effondre, à leur contact tout meurt et se fane. Et, seule face au crash, chaque passager tente de comprendre comment il a pu en arriver là. "Je tiens tout d'abord à remercier Babelio et les éditions Moires pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la masse critique.
Un titre évocateur
Le titre m'a tout de suite attirée, le résumé m'a convaincue. Aborder le thème des Millenials, cette génération sur laquelle on balance tous les maux du monde, n'est pas facile. On a tendance à se rebeller dès qu'on parle de nous, à dire que tout ça est faux et que nous sommes une génération comme les autres. Mais c'est faux et nous le savons. L'auteure le sait aussi et elle a réussi à faire une description sublimement tragique de nous autres, les Millenials.
Comme l'indique le titre, les personnages - dont je parle un peu plus loin - se remémorent les moments marquants de leur vie, à l'aube de leur mort. Ils se rendent compte que l'oubli n'existe plus, que tout ce que l'on fait, tout ce que l'on dit, tout ce qui se rapporte à nous se retrouvera finalement sur Internet et sera stocké à jamais sans possibilités d'être oublié. On le sait tous et pourtant, de le voir écrit noir sur blanc, c'est étrange. En lisant ce livre, on en vient à se poser de multiples questions sur notre société et sur nous-mêmes. On en vient même à se voir comme des narcissiques, qui ont peur qu'on les oublie, qui ont peur que leur existence n'aura rien apporté au monde. Attention, je ne dis pas là que c'est un écrit philosophique. Et c'est bien ça qui est remarquable ! C'est en découvrant les histoires des autres qu'on en vient à se poser des questions sur nous-mêmes, c'est comme si l'auteure voulait nous faire passer des messages au travers de ses protagonistes. J'ai beaucoup aimé ! En tout cas, je peux affirmer que je ressors différente de cette lecture. J'ai l'impression d'être plus consciente de qui je suis et du monde dans lequel je vis. Merci à l'auteure !
Des personnages intrigants
La grande particularité de ces personnages est qu'ils n'ont pas de nom. Ils ne sont désignés que par un nombre et une lettre : leur place dans l'avion. J'ai eu un peu de mal au début. Du moins, pour les deux premiers chapitres. J'essayais de m'imaginer quel pouvait être leur prénom, de m'imaginer leur visage. J'essayais de rendre ces personnages uniques. Mais j'ai fini par comprendre que ces personnages étaient tout le monde et personne à la fois. À partir du troisième protagoniste, j'ai commencé lentement à m'identifier aux personnages. La quête du succès, le besoin de réussir, la compétition perpétuelle avec les autres - sur tous les plans, que ce soit personnel, physique ou professionnelle... On découvre un peu de soi dans chacun des personnages et c'est à la fois touchant et tragique. Parfois on se surprend à dire " c'est vrai, moi aussi je fais ça " et en y réfléchissant, on se rend compte à quel point ce qu'on fait peut être dénué de sens ou autodestructeur.
J'ai aimé tous ces personnages. Enfin, pas dans le sens où je pourrais devenir amie avec tous ces gens-là car certains sont plus ou moins détestables, mais j'ai aimé les messages qu'ils faisaient passer et surtout leur quête d'identité propre.
Un style d'écriture
Je ne sais pas vraiment comment juger le style d'écriture. J'ai mis quelques pages à m'y faire, mais je l'ai finalement trouvé addictif. Il est unique. Je n'ai jamais rien lu de tel. J'ai aimé le franc-parler des personnages et leur façon de parler si naturelle. L'auteure n'en fait pas des tonnes. Les phrases ne font pas dix lignes, elles vont droit au but et c'est quelque chose que j'apprécie. J'ai aussi aimé le " franglais " qu'on retrouve à plusieurs reprises. C'est de plus en plus naturel de parler en mélangeant les deux langues et le fait qu'une auteure le laisse transparaître dans ses écrits me plaît beaucoup.
Ici et maintenant, il entreprend de créer une arche de noé dans sa propre mémoire. Il observe tous ses voisins en slow motion afin de déchiffrer leurs moindres gestes et leurs moindres regards. Il va les empêcher de tomber dans l'oubli en les invitant tous dans sa terre de mémoire. Cette terre il la baptise, Myosotis.
À l'ère du digital qui nous réduit à l'état de reflets dans des miroirs de plus en plus nombreux, la seule chose qui nous rappelle aux volumes physiques de l'humanité et à la réalité viscérale du présent, c'est le sang. Nous sommes réels parce que nous souffrons, et les autres nous sont réels parce qu'ils souffrent.
Le sans-oubli serait un homme à la poursuite de lui-même. [...] Ses témoignages seraient répertoriés, rangés, taggés, domptés, affligés de maladies paralyptiques et de nostalgis stériles. La mémoire totale amputerait le souffle créateur de toute une génération et la priverait certainement de son génie d'interprétation. L'histoire de l'homme resterait prisonnière de fictions aux formats imposés, et même, l'homme n'aurait plus d'autre ambition que de conformer son histoire à ces formats taillés pour l'hyper-individualisme de masse.