Jane Eyre revisitée

Jane Eyre revisitée

Jane (Aline Brosh McKenna – Ramon K. Pérez – Editions Glénat)

« Je dessine ce que je vois. » Partout où elle va, Jane Eyre a toujours un carnet et un crayon à portée de main. En débarquant à New York, la jeune femme n’a dès lors qu’un seul objectif en tête: devenir une artiste. C’est pour accomplir ce rêve qu’elle a travaillé pendant deux ans sur un bateau de pêche et qu’elle a décidé de quitter sa famille adoptive dans le Massachusetts, où elle ne s’était jamais vraiment sentie à sa place. Peu importe si la chambre qu’elle loue à New York est microscopique: pour elle, cet endroit est le paradis. Idem pour l’école d’art dans laquelle elle vient de s’inscrire: Jane trouve que tous les étudiants qui la fréquentent sont les gens les plus incroyables qu’elle ait jamais rencontrés. Hélas, ce rêve pourrait tourner court si la jeune femme ne trouve pas un job avant la fin de la semaine. C’est la condition sine qua non pour conserver sa bourse. Après avoir répondu à une annonce mystérieuse, Jane est embauchée par Edward Rochester, un milliardaire aussi discret que ténébreux, qui dirige l’un des plus gros fonds spéculatifs des Etats-Unis. A priori, son rôle est simple: elle doit s’occuper de la fille de Rochester, Adèle, dont la mère a été tuée lors d’une agression quelques années plus tôt. Mais ce job est-il vraiment si facile? Comme Jane le découvre rapidement, un tas d’autres nounous ont défilé avant elle. La plupart de ces femmes n’ont tenu que quelques jours. Bousculée, Jane songe elle aussi à fuir cet immense appartement, tant il semble peuplé de lourds secrets. Mais elle s’accroche et décide de rester: pour la petite Adèle bien sûr, avec qui elle développe une véritable complicité, mais aussi pour Rochester, même si elle n’arrive décidément pas à déterminer s’il est agréable… ou horrible.

Jane Eyre revisitée

« Jane » raconte l’histoire d’une jeune fille désargentée et rêveuse, qui se retrouve propulsée dans un univers de milliardaires où tout paraît possible. Ca ne vous rappelle rien? « Le Diable s’habille en Prada », bien sûr! Reconnaissons-le: la comparaison est facile. Aline Brosh McKenna, qui effectue ici ses premiers pas en tant que scénariste de bande dessinée, est en effet surtout connue pour avoir écrit le scénario du célèbre film avec Anne Hathaway et Meryl Streep. Pour ses débuts dans la BD, Aline Brosh McKenna a choisi de revisiter le roman « Jane Eyre » de Charlotte Brontë, en déplacant son action de l’Angleterre du XIXe siècle vers les Etats-Unis du XXIe siècle. Un pari audacieux, qui était loin d’être gagné d’avance. Mais le résultat final est probant: la BD parvient sans problème à dépoussiérer le roman initial, tandis que le décor ultra-cinématographique de New York se prête à merveille à la célèbre histoire d’amour entre Jane l’orpheline et le mystérieux Rochester. La scénariste ajoute également une bonne dose de suspense à son adaptation, ce qui contribue à rendre son récit particulièrement moderne. En lisant ce roman graphique, on oublie totalement qu’il est basé sur un classique de la littérature anglo-saxonne. Nul besoin, d’ailleurs, d’avoir lu le roman de Charlotte Brontë pour apprécier cette bande dessinée. Si le scénario d’Aline Brosh McKenna se révèle très efficace, c’est aussi grâce au sens de la mise en scène du dessinateur Ramon K. Pérez. Grâce à ses planches très travaillées, celui-ci parvient à retranscrire graphiquement les sentiments qui traversent l’esprit de Jane, que ce soit l’émerveillement lorsqu’elle découvre New York ou l’effroi lorsqu’elle se retrouve seule dans cet immense appartement. Au final, cela donne une BD résolument contemporaine, qui revisite « Jane Eyre » en ne perdant rien de son souffle romanesque. Une belle réussite!