Il y a encore mieux que le mimosa en mai, où l'explosion des champignons, dans les sous-bois des forêts, après la pluie. C'est la prolifération des salons, que nous appellerons "geek pop culture" à défaut de pouvoir les nommer autrement, et plus précisément. Chaque ville de France -mais le phénomène s'étend bien au-delà de nos contrées- semble désormais vouloir posséder son propre festival; parfois même il y en a plusieurs qui finissent par se parasiter; dans la même commune. Nous autres lecteurs de comics et de bandes dessinées en général, nous pourrions nous frotter les mains, à l'idée de rencontrer de grands artistes ou de découvrir de jeunes talents, mais hélas, très rapidement, nous avons constaté ces dernières années qu'en règle générale les comics ne sont plus que des prétextes à organiser des choses bien plus mercantiles et futiles. J'ai toujours pensé que lorsqu'un salon décide d'inviter des artistes, c'est pour leur donner une vraie visibilité, pour en faire une des attractions principales de la manifestation, par amour et respect du media, par passion ou tout simplement par envie de transmettre. J'ai pu constater en personne, à travers différentes collaborations advenues ou avortées, que nous sommes très loin de cet état de fait. Pour un Play Azur Festival à Nice, qui vous donne carte blanche et se plie en quatre afin de recevoir les artistes dans les meilleures conditions, combien d'expériences décevantes, voir même humiliantes, avons-nous croisé sur notre route? Ce qui compte dans ces salons, ce sont les boutiques, à savoir vendre le plus possible de produits dérivés, à un prix généralement plus élevé que ce qu'on trouve sur internet, sans compter le ticket d'entrée, qui n'est pas donné... on dépasse désormais régulièrement les 10 voire 15 € pour une journée, avec en bonus un florilège d'animations qui se répètent, de ville en ville, au point d'en devenir stérile. Idem pour les invités. Qui en France n'a pas eu la chance de rencontrer "Parker Lewis en personne" l'année dernière?
Quand on a pas de budget, mais qu'on veut monter un salon tout de même, le chemin le plus simple est d'aller taper dans les Youtubers, bien que ces derniers, très souvent, n'aient absolument rien à dire et à proposer. Mais ils touchent un public large et jeune, et ressemblent à de petites machines à cash qui font vendre des tickets. Le manga est souvent relégué au rayon boutiques... rares sont les invités de prestige ou vraiment intéressants, qui viennent proposer leur travail. La BD franco-belge, n'en parlons pas... le comics est là, et il reste tendance, mais on se contente parfois, comme cela s'est vu encore à Avignon il y a quelques jours, d'un seule artiste abandonné à son destin, tout seul dans son coin, entre un magicien et un vendeur de t-shirt.
Quand on a beaucoup d'argent et qu'on veut surtout mettre sur pied une opération promotionnelle pour sa propre société, on peut aussi faire appel à des groupes de rap comme IAM qui sera présent au Magic de Monaco dans quelques jours. Quel rapport avec les comics si ce n'est qu'ils en lisent? Aucun, en réalité, il s'agit de compléter le fourre tout pop culture, pour au choix briller ou encaisser des dollars. Cela dit ça reste mieux que de voir Bernard Minet sur une estrade, proposer la 10 000° interprétation de sa carrière du vieux dessin animé Bioman, tout en pensant vaguement au cachet qui l'attend au pied du podium.
À côté de cela il y a d'autres endroits à encourager fortement, comme le tout nouveau festival à Roubaix, qui a pris la relève de celui de Lille. Je regrette fortement de n'avoir pas pu y aller. Même des événements comme le TGS deviennent de plus en plus concernés par le côté supermarché, et recyclent de vieilles formules, qui permettent de faire cadrer les comptes. C'est d'ailleurs le grand paradoxe, j'ai rencontré nombre de passionnés et de personnes capables de mettre sur pieds des événements bd de grande ampleur, mais ne possédant pas le budget... inversement l'argent se trouve du côté des vendeurs du temple, et généralement, n'ont absolument rien à faire d'une convention artistique. Alors que vous croisez une Harley Quinn de 16 ans, qui passe nonchalamment devant le stand où est présent un des artistes qui dessine le personnage, et qu'elle ne daigne pas même jeter un regard... alors que vous croisez une famille avec 4 enfants, qui se saigne les veines pour aller manger des crêpes et des nouilles asiatiques, devant une boutique de funko pop... on s'est souvent posé la question : doit-on continuer à fréquenter ce genre de salons? Pour nous la réponse est claire, c'est non, ne serait-ce que par déontologie, par respect et amour des comics, parce que c'est trop cher, parce que c'est redondant. Désormais seuls les manifestations exclusivement dédiées à l'aspect artistique nous intéresserons. À ce propos, après avoir organisé le printemps des comics 2 années de suite, nous marquons une pause en 2019, pour pouvoir faire aboutir un projet XXL en 2020, dont on vous reparlera assez vite. Au menu? Des comics, de la bd, des artistes, des passionnés. Le reste, on s'en passera.
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