Pour services rendus – Ian Levison
Liana Levi (2018)Traduit de l’anglais (US) par Fanchita Gonzalez Battle
Mai 1969, Tunnels de Cu Chi, 30 km au nord de Saïgon. Billy Drake arrive pour la première fois en zone de combat au Vietnam, où il se retrouve sous les ordres du sergent Fremantle, un homme énergique et vif, soucieux de ses hommes.
Octobre 2016, Michigan. Fremantle, le chef de la police de Kearns reçoit la visite de deux hommes faisant partie de l’équipe du sénateur Wilson Drake, en campagne pour sa réélection. Le sénateur Drake n’est autre que le jeune Billy que Fremantle a sauvé de la mort autrefois alors qu’il était imprudemment sorti de son abri en pleine nuit pour satisfaire un besoin naturel, Billy la jeune recrue pas très douée, fragile dans un environnement hostile, qui n’espérait qu’une chose, rentrer au pays en bon état. Mais le temps a passé, le sénateur Drake a évoqué son passé de vétéran du Vietnam et a enjolivé son action pour se donner le beau rôle. Malheureusement pour lui, d’anciens soldats de son unité sont encore vivants et se souviennent de ce qui est arrivé. Entre autres, Peterson, qui fut gravement blessé au Vietnam et qui n’a pas supporté de voir les faits transformés par le sénateur. Alors, il a dit ce qu’il pensait dans une vidéo sur YouTube, il a raconté sa vérité et tout de suite la cote de sympathie de Drake a accusé le coup. Très mauvais pour l’élection, tout ça. Aussi, Drake souhaiterait que Fremantle accepte une interview télévisée dans laquelle il témoignerait de façon favorable pour son ancienne recrue, en souvenir du bon vieux temps !
C’est d’abord cette couverture colorée qui m’a attirée à la médiathèque, puis j’ai reconnu le nom de l’auteur d’Arrêtez-moi là que j’avais apprécié. Une phrase sur la quatrième de couverture a achevé de me convaincre d’emprunter ce livre : « Un roman au vitriol, où le mensonge est le nerf de la guerre et de la politique ».
C’est bien vrai, tout y est dans ce livre, la guerre, la politique, le mensonge et le vitriol.
La guerre, c’est celle du Vietnam où Mike Fremantle a effectué deux engagements consécutifs, d’où il est revenu sain et sauf, conscient et fier d’avoir fait son devoir. Sur le terrain, il a été un bon sergent, palliant les lâchetés de son supérieur, il a su mener ses hommes, il en a vu mourir beaucoup, il se souvient de Peterson et de son pied en bouillie au seuil de l’hélicoptère qui l’emmenait.
Dans la vie civile, Fremantle est devenu policier, c’est un bon chef, il soutient ses inspecteurs, il connait leurs faiblesses et n’arrive pas encore à lâcher prise, à soixante-dix ans passés. Il déteste le mensonge, il sait comment le contourner chez les suspects et les amener à sortir les phrases qui permettront l’inculpation. La guerre, il n’en parle jamais, même avec sa femme qui est vietnamienne. Alors, lorsque l’équipe de campagne du sénateur l’embarque dans un avion pour le Nouveau-Mexique, il se laisse faire, ému de revoir Billy Drake et touché que celui-ci se souvienne de lui.
Là, il découvre un nouveau monde, celui de la politique dont il n’a aucune idée, celui où la limite entre mensonge et vérité est très floue, celui où on se laisse facilement emporter à prononcer des phrases au-delà de ses convictions profondes, même si les souvenirs de moments occultés par les années reviennent en force et devraient le freiner.
J’ai vraiment pris plaisir à cette lecture, à la confrontation de ces deux mondes si différents. J’ai particulièrement aimé la critique caustique du monde politique, la main mise des communicants, leur façon d’exploiter les informations et de manipuler les témoins. À partir d’un moment, la vérité n’a plus d’importance, il faut continuer coûte que coûte dans la stratégie que l’on a choisie et mettre les moyens qu’il faut pour dénicher celui qui dira ce qu’il faut. Quant à Fremantle, on ne comprend pas comment il peut accepter de mentir ainsi, lui qui est si attaché à la notion de vérité. Il faut attendre les dernières pages pour enfin avoir la clé de l'énigme.
Un livre attachant à découvrir !