San Perdido
David Zukerman
Calmann Lévy
2019
410 pages
Voilà un vrai bon roman avec dépaysement assuré, personnages hauts en couleurs, aventures, prostitution, misère, corruption et un héros, aussi mystérieux qu’inquiétant, un justicier qui défend les opprimés contre les puissants.
L’histoire se situe au Panama après la seconde guerre mondiale, dans une ville imaginaire, une ville coupée en deux par la décharge publique. « On dit que les pauvres l’ont placée là pour ne pas sentir la mauvaise odeur des riches qui vivent au-dessus d’eux. » Dirigée par un gouverneur corrompu et avide de sexe, la ville est un personnage à part entière, avec ses zones d’ombre et de lumière, avec sa vie nocturne, avec sa kyrielle de personnages tous plus romanesques les uns que les autres. Et si, parfois, l’ombre du héros, Yerbo Kwinton, ne hante pas les pages du roman, disparu au détour d’une ligne pour ne réapparaître que bien plus loin, nous n’en sommes pas contrariés, nous lecteurs, parce qu’il y a tant de personnages que l’on a envie de côtoyer qu’il peut nous quitter un peu pour vaquer à ses occupations sans que nous n’en sachions rien, on sait qu’il réapparaîtra pour aider ceux que l’on a aimés.
Il n’est pas bon être une femme dans cette société, mais il n’est pas bon être un enfant non plus, comme il est difficile d’être un docker… La cruauté, la perversion, la cupidité, la vengeance, ont main mise sur San Perdido. Cette ville avait besoin d’une figure de légende pour ne pas sombrer.
Je n’ai pas eu l’impression de lire un roman français quand j’ai arpenté les pages de ce livre, c’est un roman fouillé, qui explore les malversations des hommes de pouvoir, qui prend le temps de camper ses personnages, de leur donner vie, d’aller au plus profond de leur âme, mais c’est aussi un roman qui sait se taire, chaque personnage a sa part d’ombre, on ne sait que ce qui sert l’histoire.
C’est aussi un roman très visuel, il pourrait être adapté à l’écran sans souci. David Zukerman sait entrecroiser les destinées de ses personnages, c’est un conteur, généreux et passionnant.
C’est un régal ! Un roman comme on aimerait en lire davantage, un roman que l’on n’a pas l’habitude de lire. J’ai découvert un auteur ! Ce roman vaut le détour, ne passez pas votre chemin, allez à San Perdido, perdez-vous dans ses ruelles, peut-être y croiserez-vous un grand noir aux yeux bleus avec des mains gigantesques, et alors, il vaudra mieux pour vous que vous soyez du côté des faibles…