Trap (Mathieu Burniat – Loup Michiels – Editions Dargaud)
C’est l’histoire d’un homme qui vit à l’état sauvage dans un monde plutôt hostile. Un monde qu’on imagine préhistorique, peuplé de créatures plus terrifiantes les unes que les autres. Son seul compagnon est un chien bleu, qui le suit fidèlement partout, même s’il a souvent très peur. L’homme en question est un trappeur. Mais pas n’importe quel trappeur: au lieu de se contenter de récupérer des fourrures, il acquiert également la force et les caractéristiques physiques des animaux morts dont il endosse la fourrure. Quand il met sur lui la peau d’un bouquetin, par exemple, il se transforme véritablement en cet animal, ce qui lui permet de gravir aisément les montagnes. Le trappeur a bien besoin de ce pouvoir magique pour survivre dans la nature qui l’entoure. Dans son monde, la seule loi qui prévaut est la suivante: manger ou être mangé. Malgré tout, l’homme a quand même une part d’humanité. Lorsqu’un petit garçon d’un village voisin est massacré par un monstre féroce, il décide de le venger et de traquer cette bête cracheuse de feu. La mère du petit garçon, dotée elle aussi de pouvoirs magiques, lui révèle alors la montagne sur laquelle règne le monstre rouge et lui fournit la fourrure d’une bête qui résiste aux flammes. C’est le début d’une aventure de tous les dangers pour le trappeur mal peigné et son petit chien bleu. Une aventure durant laquelle ils vont découvrir que leur adversaire le plus dangereux n’est pas forcément le terrible dragon qu’ils poursuivent…
Mathieu Burniat est décidément l’un des auteurs de BD les plus atypiques de sa génération. Le jeune Bruxellois ne surgit jamais là où on l’attend. Et il ose tout! Après avoir révolutionné la bande dessinée culinaire avec l’excellent album « La Passion de Dodin-Bouffant » puis signé un best-seller scientifique avec « Le Mystère du monde quantique » (vendu à plus de 50.000 exemplaires et traduit en 9 langues), il change à nouveau totalement de registre et d’univers. « Trap », son nouvel ouvrage qu’il signe en tandem avec Loup Michiels (qui l’a aidé pour la partie graphique et pour les couleurs), est un récit totalement inclassable. La seule chose qu’on peut dire avec certitude à propos de cette fable fantastique et préhistorique, dans laquelle rien n’est identifié (on ne sait ni où ça se passe, ni à quelle époque), est que son influence se situe davantage du côté du manga que de la bande dessinée franco-belge traditionnelle. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Dargaud a choisi de l’éditer dans un format de poche. Mais surtout, le principal tour de force de cette histoire est qu’il s’agit d’une BD entièrement muette. A l’image de ce qu’avaient réussi les auteurs des albums « Un océan d’amour » et « Betty Boob », Mathieu Burniat parvient à nous embarquer dans une histoire captivante sans utiliser le moindre mot, ni le moindre dialogue. « Trap », ce sont effectivement plus de 170 pages dans lesquelles Burniat et Michiels s’appuient uniquement sur le dessin pour faire vivre leurs personnages et pour faire passer une large gamme d’émotions, que ce soit la peur, la tendresse, la colère ou le chagrin. Et ça marche à merveille! Autant dire qu’on a déjà hâte de découvrir comment Mathieu Burniat va une nouvelle fois parvenir à nous surprendre dans les mois et les années à venir.