Il sera donc encore question de miroirs dans notre billet du jour. Mais, si ceux imaginés par Marge Nantel font plutôt penser à une version fantasy de Skype, ceux que nous allons évoquer maintenant sont d'un tout autre usage. Un véritable réseau parallèle au monde réel, avec ses spécificités, on y reviendra. "Les Mondes-miroirs", de Vincent Mondiot et Raphaël Lafarge (sans oublier Mathieu Leveder qui signe les illustrations intérieures), est paru l'été dernier aux éditions Mnémos. Un roman qui met en scène deux personnages centraux féminins, ce qui n'est pas si courant, et réserve pas mal de surprises au lecteur au fur et à mesure que l'univers se dévoile, que les rapports de force apparaissent et que le(s) complot(s) se révèlent... Avis aux amateurs de bébêtes monstrueuses, venez découvrir les blasphèmes ; d'autres préféreront certainement une galerie de personnages riches et balançant entre cynisme et idéalisme...
Miricène est la capitale de l'Etat des Arches, ainsi nommé en raison des impressionnant vestiges qui demeurent. D'imposantes constructions qui, à elles seules, sont la preuve de l'existence de la magie et du dieu Prime. Car, autrement, comment aurait-on pu construire ces mastodontes dont on ne sait finalement rien, et surtout pas ce qu'elles représentent exactement.
C'est dans cette cité, assez étendue, où l'on distingue clairement des quartiers très chics et d'autres beaucoup plus pauvres, pour ne pas dire lépreux, que Elsy et Elodianne ont grandi. Deux amies inséparables, qu'on regardait parfois d'un mauvais oeil, car elles multipliaient les bêtises. Mais, lorsqu'on les rencontre, ce passé paraît bien loin.
Inséparables, elles ne le sont plus. Chacune a suivi des chemins divergents. Elodianne a opté pour une voie, disons, officielle, institutionnelle : en devenant magicienne, elle a rejoint les rangs du gouvernement de l'Etat des Arches, et pour Elsy, c'est une sorte de trahison. Alors, forcément, la distance entre les amies d'hier a crû fortement.
Elsy, au contraire, n'a pas varié d'un iota : rebelle un jour, rebelle toujours. Elle a monté sa boîte, une agence de mercenaires et elle est prête à tout, vraiment tout, pour faire de son business le plus en vue de Miricène. Avec Basilien et Ohya, le géant, elle accepte les contrats les plus dangereux, comme celui qu'ils remplissent en ouverture du roman, afin de faire leurs preuves.
La concurrence est rude, très rude. Et Elsy est loin de partir favorite, malgré son ambition, malgré sa détermination, malgré son côté tête brûlée... Son agence est même plutôt la risée de Miricène, comme si ce petit bout de femme ne pouvait incarner la force brute et l'intelligence (ou la roublardise) nécessaires pour être la numéro 1 des mercenaires...
Résultat, Elsy vivote, vit dans les quartiers les plus délabrés de Miricène, y fréquente plus la lie de la société que ses aristocrates. Plus les accros au tak, la drogue qui fait fureur dans les bas-fonds, peu chère et super addictive, que les magiciens qui possèdent des pouvoirs inaccessibles au commun des mortels, même s'ils en font, officiellement, un usage restreint.
Il faut dire que la magie n'est pas une activité sans risque. Qui la pratique doit en payer une contrepartie. Chaque sort entame la santé physique, et peut-être mentale, de celui qui le jette. On ne peut donc pas en user sans précaution et, lorsqu'on a trop forcé, une solution s'impose : se mettre au vert dans un Monde-miroir.
Comme leur nom l'indique, ces mondes correspondent avec le monde réel grâce à des miroirs qui servent de portes. Là encore, seuls les magiciens sont capables d'y accéder, mais aussi d'en permettre l'accès à d'autres personnes n'ayant pas leur pouvoir si nécessaire. Ces Mondes-miroirs ont justement la particularité d'être dépourvus de magie, d'où leur côté apaisant...
Cependant, depuis peu, ces Mondes-miroirs posent un gros problème à Miricène : de monstrueuses créatures semblent en jaillir pour attaquer la ville et ces habitants. Des bestioles aussi gigantesques qu'affreuses, à la puissance redoutable, capables de commettre d'immenses dégâts avant de retourner d'où elles viennent...
Ces monstres ont été nommés blasphèmes, tant ils semblent défier la volonté de Prime et de ses représentants, en mettant en danger toute la société de Miricène, tout l'Etat des Arches, qui, par le passé, n'ont déjà pas été épargnés par de très violentes guerres... Ce nouveau danger, apparu de manière inexplicable, met tout le monde sur la brèche.
Elodianne, comme tous ses collègues magiciens, particulièrement ceux qui ont le pouvoir d'utiliser les miroirs d'un monde à l'autre, se retrouvent sous pression et vont vite devoir trouver une solution. Quant à Elsy, elle se demande si ce n'est pas là la chance de sa vie qui se présente. Car si son agence parvient à lutter contre les blasphèmes et à comprendre leur origine, alors la place de n°1 sera proche.
D'abord, on rencontre Elsy et on cerne très vite ce personnage : une soif inextinguible de revanche sur le sort, qui l'a fait naître du mauvais côté de la société de Miricène et ne lui a jamais rien accordé facilement. Physiquement, ce n'est pas une montagne, mais sa volonté est telle que rien ne semble pouvoir l'arrêter, si elle le décide.
Quitte, pour cela, à choisir les missions les plus folles. Ainsi, cette scène d'ouverture effrénée dans une zone contaminée par des spores qui pourraient régler définitivement son cas... Mais elle n'a rien à perdre, Elsy. Ce qu'elle a, c'est ce qu'elle a gagné, ce qu'elle a construit, seule, enfin, avec ses potes, à la force du poignet, au mépris du danger. Et, finalement, tout cela représente assez peu.
Certainement pas assez pour ne pas tout miser sur cette histoire de créatures venues des Mondes-miroirs. Même si, pour cela, il pourrait lui falloir renier certains de ses idéaux les plus profondément ancrés. Comme travailler pour le gouvernement des Arches, par exemple... Ce qu'elle reproche depuis si longtemps à Elodianne...
Mais si la réussite et, avec elle, une certaine indépendance sont au bout, le jeu en vaut la chandelle. Elsy tient là la possibilité de montrer à tout Miricène, des plus beaux palais aux plus sordides taudis de quel bois elle est faite. Et si elle échoue, hypothèse de toute manière inenvisageable à ses yeux, tout cela n'aura plus aucune importance...
Tout cela fait d'Elsy un personnage qui peut vite sembler ambivalent : attachante, mais aussi capricieuse et particulièrement pénible quand elle a une idée en tête. Une individualiste forcenée qui risque d'entraîner tous ses alliés à sa suite dans des solutions inextricables. Un personnage entier qui n'a pas peur de se faire des ennemis en chemin...
Elodianne apparaît plus en retrait. Parce qu'on la voit un peu moins, c'est vrai, mais sans doute aussi parce que ses fonctions officielles la contraignent plus. Elle est au service du pouvoir en place, et donc n'a pas les coudées franches que peut revendiquer Elsy. Cela ne veut pas dire qu'elle ne possède aucun libre arbitre, mais il lui est plus difficile d'en faire usage.
Et puis, il y a tout simplement une question de personnalité : si Elsy est une aventurière née, une provocatrice et une risque-tout, ce n'est visiblement pas du tout le cas d'Elodianne, plus placide, plus posée, moins portée sur les actions d'éclat. Peut-être aussi s'est-elle un peu assoupie dans une vie de bureau, bien éloignée des prouesses de son amie d'enfance...
On se demande d'ailleurs vite comment va évoluer la relation entre ces deux jeunes femmes : sauront-elles retrouver leur complicité passée ou sont-elles destinées à s'opposer, à s'affronter ? Ca, c'est un enjeu personnel, on va dire, mais ce n'est certainement pas le seul : l'avenir de Miricène est lui aussi au coeur des événements, car les blasphèmes pourraient sérieusement l'endommager...
Ah, les enjeux... Il est difficile de vous en parler dans ce billet, car ils vont apparaître petit à petit, aux yeux du lecteur, comme à ceux des personnages. D'une part, celui ou ceux qui se cachent derrière les blasphèmes, d'autre part, un pouvoir en place depuis plus de trois décennies aux Arches, depuis la dernière guerre, qui possède aussi ses secrets...
Le mot blasphème, choisi par les auteurs pour nommer les créatures qui s'attaquent à Miricène, est d'ailleurs très bien vu. Pas seulement du point de vue des personnages, mais de celui des auteurs. Car les Arches sont une société qui ressemble fort à un Etat théocratique. La figure tutélaire de Prime est la référence centrale imposée à toutes et à tous. En dehors d'elle, point de salut.
Je l'ai dit plus haut, Prime est l'explication à tout, et surtout à l'inexplicable, à ces Arches qui n'ont pu apparaître seules, qui n'ont pu être construites par les hommes, puisque les technologies nécessaires, comme les matériaux, sont inconnus. Tout cela remonte sans doute à avant le début de ce Rituel de Lumière, ère dans laquelle se déroule le roman.
Se pourrait-il que l'Etat des Arches repose sur des secrets inavouables ? La nouvelle situation, cette menace latente et ces attaques foudroyantes et dévastatrices, pourraient-elles remettre en cause les fondements même de cette société ? Si c'est le cas, il faudrait donc résoudre l'affaire des blasphèmes avec autant d'efficacité que de discrétion...
Au coeur des "Mondes-miroirs", il y a la question de l'idéalisme face au pouvoir. Sous différentes formes, qu'il est difficile d'expliquer en détails dans ce billet. Un idéalisme qui, parfois, peut prendre des formes pour le moins toxiques, qu'il s'agisse d'exercer un pouvoir absolu, ou de le combattre, avec des aspirations plus ou moins nobles...
Oui, dans le roman, on croise de vrais naïfs, de doux rêveurs qui sont certains de pouvoir apporter plus de justice dans un monde qui en manque certainement, mais aussi des ambitieux, des revanchards, des personnages avides de pouvoir et prêts à tout pour l'atteindre... ou le conserver... Le pouvoir corrompt, qui en doute ?
Le récit réserve des surprises, vous me direz que c'est la moindre des choses qu'on attend de l'intrigue d'un roman, mais quand je parle de surprises, c'est aussi en termes d'originalité : pas seulement parce que ce sont des femmes qui sont au centre de cette histoire (oh, "rassurez-vous", les hommes ne sont jamais loin, c'est eux qui dominent les Arches, par exemple), mais parce que les "méchants" sont inhabituels.
Un mot, avant d'aller plus loin, sur le contexte du livre : à l'origine, il y a l'univers des Arches et ces mondes-miroirs qu'il va falloir explorer avant que ce qu'ils recèlent de surgissent, imaginé par le trio Vincent Mondiot, Raphaël Lafarge et Mathieu Leveder pour les illustrations. Une collaboration qui a débouché en 2011 sur "Teliam Vore", roman à quatre mains parus chez Pygmalion, à l'époque.
Désormais introuvable, "Teliam Vore" est la base de ce nouveau roman, "Les Mondes-miroirs". Mais les deux livres sont, semble-t-il, sensiblement différents. En tout cas, Vincent Mondiot le présente sur son blog comme une complète réécriture. Mais, ce n'est pas là que je voulais en venir, en vérité. Ce qui m'intéresse, c'est cet univers né de l'imagination commune de trois personnes.
Jeux de rôles, comics, jeux vidéos, cinéma, littératures de l'imaginaire, il y a un creuset communs, avec chacun ses préférences, ses goûts plus marqués, mais aussi sa personnalité propre, et tout cela se retrouve à différents niveaux dans le cours du roman. Il est d'ailleurs assez amusant et sympa de voir apparaître dans un roman de fantasy se déroulant dans un contexte archaïque (peut-être post-apo, d'ailleurs) des références clairement geeks.
On ne peut pas aller plus loin dans les explications, ce serait dévoiler certains éléments forts du roman, à vous de jouer, désormais pour en savoir plus. Reste que cet univers est très intéressant, plein de créativité et d'idées, plein d'action et de rebondissements, également, ce qui en fait un très bon moment de lecture.
Comme souvent, on se demande si cet univers est encore exploitable, si les personnages principaux qu'on a suivis au long de cette histoire pourraient revenir dans de nouvelles aventures. Bref, si une série est possible. Je ne serais pas contre, entre le début des "Mondes-miroirs" et la fin, il est possible que bien des éléments changent. A commencer par le statut des personnages.
Mais on pourrait aussi envisager une "préquelle", tiens, et pourquoi pas le récit des événements qui ont permis de créer Miricène telles qu'on la découvre dans "Les Mondes-miroirs"... Ah, voilà que mon imaginaire s'emballe et que je me mets à parler à la place des créateurs de cet univers ! Peu importe mon avis, qu'ils mènent leur barque comme ils l'entendent.
Toujours sur son blog, Vincent Mondiot, qui avait jusque-là publié essentiellement en jeunesse, estime que "Les Mondes-miroirs" lance un nouveau chapitre de sa vie d'écrivain. Vers des univers entièrement imaginaires, peut-être, vers la fantasy et l'immense champ des possibles qu'offre ce genre précis. Vers de nouvelles aventures qu'on découvrira bientôt, je l'espère, avec intérêt.
Miricène est la capitale de l'Etat des Arches, ainsi nommé en raison des impressionnant vestiges qui demeurent. D'imposantes constructions qui, à elles seules, sont la preuve de l'existence de la magie et du dieu Prime. Car, autrement, comment aurait-on pu construire ces mastodontes dont on ne sait finalement rien, et surtout pas ce qu'elles représentent exactement.
C'est dans cette cité, assez étendue, où l'on distingue clairement des quartiers très chics et d'autres beaucoup plus pauvres, pour ne pas dire lépreux, que Elsy et Elodianne ont grandi. Deux amies inséparables, qu'on regardait parfois d'un mauvais oeil, car elles multipliaient les bêtises. Mais, lorsqu'on les rencontre, ce passé paraît bien loin.
Inséparables, elles ne le sont plus. Chacune a suivi des chemins divergents. Elodianne a opté pour une voie, disons, officielle, institutionnelle : en devenant magicienne, elle a rejoint les rangs du gouvernement de l'Etat des Arches, et pour Elsy, c'est une sorte de trahison. Alors, forcément, la distance entre les amies d'hier a crû fortement.
Elsy, au contraire, n'a pas varié d'un iota : rebelle un jour, rebelle toujours. Elle a monté sa boîte, une agence de mercenaires et elle est prête à tout, vraiment tout, pour faire de son business le plus en vue de Miricène. Avec Basilien et Ohya, le géant, elle accepte les contrats les plus dangereux, comme celui qu'ils remplissent en ouverture du roman, afin de faire leurs preuves.
La concurrence est rude, très rude. Et Elsy est loin de partir favorite, malgré son ambition, malgré sa détermination, malgré son côté tête brûlée... Son agence est même plutôt la risée de Miricène, comme si ce petit bout de femme ne pouvait incarner la force brute et l'intelligence (ou la roublardise) nécessaires pour être la numéro 1 des mercenaires...
Résultat, Elsy vivote, vit dans les quartiers les plus délabrés de Miricène, y fréquente plus la lie de la société que ses aristocrates. Plus les accros au tak, la drogue qui fait fureur dans les bas-fonds, peu chère et super addictive, que les magiciens qui possèdent des pouvoirs inaccessibles au commun des mortels, même s'ils en font, officiellement, un usage restreint.
Il faut dire que la magie n'est pas une activité sans risque. Qui la pratique doit en payer une contrepartie. Chaque sort entame la santé physique, et peut-être mentale, de celui qui le jette. On ne peut donc pas en user sans précaution et, lorsqu'on a trop forcé, une solution s'impose : se mettre au vert dans un Monde-miroir.
Comme leur nom l'indique, ces mondes correspondent avec le monde réel grâce à des miroirs qui servent de portes. Là encore, seuls les magiciens sont capables d'y accéder, mais aussi d'en permettre l'accès à d'autres personnes n'ayant pas leur pouvoir si nécessaire. Ces Mondes-miroirs ont justement la particularité d'être dépourvus de magie, d'où leur côté apaisant...
Cependant, depuis peu, ces Mondes-miroirs posent un gros problème à Miricène : de monstrueuses créatures semblent en jaillir pour attaquer la ville et ces habitants. Des bestioles aussi gigantesques qu'affreuses, à la puissance redoutable, capables de commettre d'immenses dégâts avant de retourner d'où elles viennent...
Ces monstres ont été nommés blasphèmes, tant ils semblent défier la volonté de Prime et de ses représentants, en mettant en danger toute la société de Miricène, tout l'Etat des Arches, qui, par le passé, n'ont déjà pas été épargnés par de très violentes guerres... Ce nouveau danger, apparu de manière inexplicable, met tout le monde sur la brèche.
Elodianne, comme tous ses collègues magiciens, particulièrement ceux qui ont le pouvoir d'utiliser les miroirs d'un monde à l'autre, se retrouvent sous pression et vont vite devoir trouver une solution. Quant à Elsy, elle se demande si ce n'est pas là la chance de sa vie qui se présente. Car si son agence parvient à lutter contre les blasphèmes et à comprendre leur origine, alors la place de n°1 sera proche.
D'abord, on rencontre Elsy et on cerne très vite ce personnage : une soif inextinguible de revanche sur le sort, qui l'a fait naître du mauvais côté de la société de Miricène et ne lui a jamais rien accordé facilement. Physiquement, ce n'est pas une montagne, mais sa volonté est telle que rien ne semble pouvoir l'arrêter, si elle le décide.
Quitte, pour cela, à choisir les missions les plus folles. Ainsi, cette scène d'ouverture effrénée dans une zone contaminée par des spores qui pourraient régler définitivement son cas... Mais elle n'a rien à perdre, Elsy. Ce qu'elle a, c'est ce qu'elle a gagné, ce qu'elle a construit, seule, enfin, avec ses potes, à la force du poignet, au mépris du danger. Et, finalement, tout cela représente assez peu.
Certainement pas assez pour ne pas tout miser sur cette histoire de créatures venues des Mondes-miroirs. Même si, pour cela, il pourrait lui falloir renier certains de ses idéaux les plus profondément ancrés. Comme travailler pour le gouvernement des Arches, par exemple... Ce qu'elle reproche depuis si longtemps à Elodianne...
Mais si la réussite et, avec elle, une certaine indépendance sont au bout, le jeu en vaut la chandelle. Elsy tient là la possibilité de montrer à tout Miricène, des plus beaux palais aux plus sordides taudis de quel bois elle est faite. Et si elle échoue, hypothèse de toute manière inenvisageable à ses yeux, tout cela n'aura plus aucune importance...
Tout cela fait d'Elsy un personnage qui peut vite sembler ambivalent : attachante, mais aussi capricieuse et particulièrement pénible quand elle a une idée en tête. Une individualiste forcenée qui risque d'entraîner tous ses alliés à sa suite dans des solutions inextricables. Un personnage entier qui n'a pas peur de se faire des ennemis en chemin...
Elodianne apparaît plus en retrait. Parce qu'on la voit un peu moins, c'est vrai, mais sans doute aussi parce que ses fonctions officielles la contraignent plus. Elle est au service du pouvoir en place, et donc n'a pas les coudées franches que peut revendiquer Elsy. Cela ne veut pas dire qu'elle ne possède aucun libre arbitre, mais il lui est plus difficile d'en faire usage.
Et puis, il y a tout simplement une question de personnalité : si Elsy est une aventurière née, une provocatrice et une risque-tout, ce n'est visiblement pas du tout le cas d'Elodianne, plus placide, plus posée, moins portée sur les actions d'éclat. Peut-être aussi s'est-elle un peu assoupie dans une vie de bureau, bien éloignée des prouesses de son amie d'enfance...
On se demande d'ailleurs vite comment va évoluer la relation entre ces deux jeunes femmes : sauront-elles retrouver leur complicité passée ou sont-elles destinées à s'opposer, à s'affronter ? Ca, c'est un enjeu personnel, on va dire, mais ce n'est certainement pas le seul : l'avenir de Miricène est lui aussi au coeur des événements, car les blasphèmes pourraient sérieusement l'endommager...
Ah, les enjeux... Il est difficile de vous en parler dans ce billet, car ils vont apparaître petit à petit, aux yeux du lecteur, comme à ceux des personnages. D'une part, celui ou ceux qui se cachent derrière les blasphèmes, d'autre part, un pouvoir en place depuis plus de trois décennies aux Arches, depuis la dernière guerre, qui possède aussi ses secrets...
Le mot blasphème, choisi par les auteurs pour nommer les créatures qui s'attaquent à Miricène, est d'ailleurs très bien vu. Pas seulement du point de vue des personnages, mais de celui des auteurs. Car les Arches sont une société qui ressemble fort à un Etat théocratique. La figure tutélaire de Prime est la référence centrale imposée à toutes et à tous. En dehors d'elle, point de salut.
Je l'ai dit plus haut, Prime est l'explication à tout, et surtout à l'inexplicable, à ces Arches qui n'ont pu apparaître seules, qui n'ont pu être construites par les hommes, puisque les technologies nécessaires, comme les matériaux, sont inconnus. Tout cela remonte sans doute à avant le début de ce Rituel de Lumière, ère dans laquelle se déroule le roman.
Se pourrait-il que l'Etat des Arches repose sur des secrets inavouables ? La nouvelle situation, cette menace latente et ces attaques foudroyantes et dévastatrices, pourraient-elles remettre en cause les fondements même de cette société ? Si c'est le cas, il faudrait donc résoudre l'affaire des blasphèmes avec autant d'efficacité que de discrétion...
Au coeur des "Mondes-miroirs", il y a la question de l'idéalisme face au pouvoir. Sous différentes formes, qu'il est difficile d'expliquer en détails dans ce billet. Un idéalisme qui, parfois, peut prendre des formes pour le moins toxiques, qu'il s'agisse d'exercer un pouvoir absolu, ou de le combattre, avec des aspirations plus ou moins nobles...
Oui, dans le roman, on croise de vrais naïfs, de doux rêveurs qui sont certains de pouvoir apporter plus de justice dans un monde qui en manque certainement, mais aussi des ambitieux, des revanchards, des personnages avides de pouvoir et prêts à tout pour l'atteindre... ou le conserver... Le pouvoir corrompt, qui en doute ?
Le récit réserve des surprises, vous me direz que c'est la moindre des choses qu'on attend de l'intrigue d'un roman, mais quand je parle de surprises, c'est aussi en termes d'originalité : pas seulement parce que ce sont des femmes qui sont au centre de cette histoire (oh, "rassurez-vous", les hommes ne sont jamais loin, c'est eux qui dominent les Arches, par exemple), mais parce que les "méchants" sont inhabituels.
Un mot, avant d'aller plus loin, sur le contexte du livre : à l'origine, il y a l'univers des Arches et ces mondes-miroirs qu'il va falloir explorer avant que ce qu'ils recèlent de surgissent, imaginé par le trio Vincent Mondiot, Raphaël Lafarge et Mathieu Leveder pour les illustrations. Une collaboration qui a débouché en 2011 sur "Teliam Vore", roman à quatre mains parus chez Pygmalion, à l'époque.
Désormais introuvable, "Teliam Vore" est la base de ce nouveau roman, "Les Mondes-miroirs". Mais les deux livres sont, semble-t-il, sensiblement différents. En tout cas, Vincent Mondiot le présente sur son blog comme une complète réécriture. Mais, ce n'est pas là que je voulais en venir, en vérité. Ce qui m'intéresse, c'est cet univers né de l'imagination commune de trois personnes.
Jeux de rôles, comics, jeux vidéos, cinéma, littératures de l'imaginaire, il y a un creuset communs, avec chacun ses préférences, ses goûts plus marqués, mais aussi sa personnalité propre, et tout cela se retrouve à différents niveaux dans le cours du roman. Il est d'ailleurs assez amusant et sympa de voir apparaître dans un roman de fantasy se déroulant dans un contexte archaïque (peut-être post-apo, d'ailleurs) des références clairement geeks.
On ne peut pas aller plus loin dans les explications, ce serait dévoiler certains éléments forts du roman, à vous de jouer, désormais pour en savoir plus. Reste que cet univers est très intéressant, plein de créativité et d'idées, plein d'action et de rebondissements, également, ce qui en fait un très bon moment de lecture.
Comme souvent, on se demande si cet univers est encore exploitable, si les personnages principaux qu'on a suivis au long de cette histoire pourraient revenir dans de nouvelles aventures. Bref, si une série est possible. Je ne serais pas contre, entre le début des "Mondes-miroirs" et la fin, il est possible que bien des éléments changent. A commencer par le statut des personnages.
Mais on pourrait aussi envisager une "préquelle", tiens, et pourquoi pas le récit des événements qui ont permis de créer Miricène telles qu'on la découvre dans "Les Mondes-miroirs"... Ah, voilà que mon imaginaire s'emballe et que je me mets à parler à la place des créateurs de cet univers ! Peu importe mon avis, qu'ils mènent leur barque comme ils l'entendent.
Toujours sur son blog, Vincent Mondiot, qui avait jusque-là publié essentiellement en jeunesse, estime que "Les Mondes-miroirs" lance un nouveau chapitre de sa vie d'écrivain. Vers des univers entièrement imaginaires, peut-être, vers la fantasy et l'immense champ des possibles qu'offre ce genre précis. Vers de nouvelles aventures qu'on découvrira bientôt, je l'espère, avec intérêt.