Grossir le ciel de Franck Bouysse, Publié aux éditions Le Livre de Poche, 2016, 285 pages. L'abbé Pierre vient de mourir. Gus ne saurait dire pourquoi la nouvelle le remue de la sorte. Il ne l' avait pourtant jamais connu, cet homme-là, catholique de surcroît, alors que Gus est protestant. Mais sans savoir pourquoi, c était un peu comme si l' abbé faisait partie de sa famille, et elle n est pas bien grande, la famille de Gus. En fait, il n' en a plus vraiment, à part Abel et Mars. Mais qui aurait pu raisonnablement affirmer qu' un voisin et un chien représentaient une vraie famille ? Juste mieux que rien. C' est justement près de la ferme de son voisin Abel que Gus se poste en ce froid matin de janvier avec son calibre seize à canons superposés. Il a repéré du gibier. Mais au moment de tirer, un coup de feu. Abel sans doute a eu la même idée ? Non. Longtemps après, Gus se dira qu' il n'aurait jamais dû baisser les yeux. Il y avait cette grosse tache dans la neige. Gus va rester immobile, incapable de comprendre. La neige se colore en rouge, au fur et à mesure de sa chute. Que s'est-il passé chez Abel ?Quelle claque! Quel roman brillant! Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti ça pour un livre, un polar noir qui vous prend aux tripes et ne vous lâche plus, instillant un climat de peur, de suspicion. Grossir le ciel est un polar qui se déroule dans les Cévennes. Abel et Gus sont voisins. Tous les deux fermiers, ils habitent aux Doges, coin reculé avec pour seul décor les champs et la forêt. Tous les deux vieux garçons, ils se tiennent compagnie de temps en temps, buvant ensemble, sans jamais pourtant se parler comme de vrais amis. Un jour, Gus part à la chasse aux grives. C'est l'hiver , il fait froid, il neige, il n'y a pas un bruit sauf celui, soudain, d'un coup de fusil. En s'approchant de chez Abel, Gus découvre une grande tache de sang. Le sang d'un animal ou celui d'un homme? Alors le doute s'installe chez Gus peu à peu... Franck Bouysse mène son polar d'une main de maître. En quelques pages, il fait monter la tension entre les personnages. C'est noir, c'est rude, c'est violent à l'image de ces deux personnages et de ce coin de France où ils vivent, coupés de tout. Il ne s'y passe pas grand chose, certes, mais l'auteur nous fait sentir la vie choisie par Gus et Abel: une vie âpre, faite de sacrifice et de rêves avortés. L'auteur possède une plume incroyable faite d'images très fortes et très parlantes qui restent gravées longtemps dans la mémoire du lecteur. La scène du faon m'a fendu le cœur. Franck Bouysse est capable de faire ressortir la beauté de la noirceur la plus totale. Car de noirceur, il va en être question. Et puis, il y a toutes ces révélations qui se font au fur et à mesure. Comme Gus, j'ai été aveuglée et surprise jusqu'à la toute fin du roman. J'ai été soufflée par la fin de ce livre, mise à terre, ébahie. Grossir le ciel est un véritable coup de cœur, un coup de poing. Un polar dense et noir à lire absolument!