Le cœur sauvage
est le meilleur recueil de nouvelles que j’aie lu en 2017. J’attendais avec impatience de nouveaux mots de Robin MacArthur. C’est sous la forme d’un roman qu’ils se sont présentés. Et ce roman, aussitôt reçu, aussitôt lu. Les premières pages des Femmes de Heart Spring Mountain sont d’une force magnétique. Elles m’ont agrippé fermement. Vermont, août 2011. L’ouragan Irene se déchaîne. Bonnie a la mauvaise idée, après son shoot d’héroïne, d’aller prendre un bain de pluie. Debout, les bras en croix, elle se tient sur un pont juste avant qu’il ne s'effondre. Aussitôt apparue, Bonnie disparaît.Sa fille Vale coule ses jours en Nouvelle-Orléans depuis qu’elle a cru préférable de s’éloigner de la toxicité de sa mère. Voilà huit ans que mère et fille ne se sont pas vues. Le jour où elle reçoit un appel de sa tante Deb, lui annonçant la disparition de Bonnie, le cœur de Vale fait trois tours. Elle prend le bus, direction Vermont. Vale s’installe dans une vieille caravane laissée à l’abandon sur le terrain de sa grande-tante Hazel, tout près de sa tante Deb. Tout en recherchant ardemment des traces de sa mère, Vale désosse son passé ancestral et renoue avec les lieux qui l’ont vu grandir.
J’ai tourné la dernière page du roman de Robin MacArthur avec un gros pincement au cœur. Je n’étais pas prête à quitter ses personnages si vite. Je me suis attachée et sentie très proche de Lena, la mère de Bonnie, vivant dans les bois avec Otie, son hibou borgne qu’elle a sauvé d’une mort certaine. La détresse de Hazel, cette octogénaire gagnée par la démence, m’a fortement émue. Deb, ex-hippie et belle-fille de Hazel, est aussi un personnage fascinant. Les hommes, quoique beaucoup moins présents, ne sont pas en reste. Qu’ils jouent le rôle d’amant, de mari et père ou de fils, ils m’ont touchée par leur sensibilité et leur bienveillance.La construction du roman est extrêmement bien huilée. J’ai pris un vibrant plaisir à me promener entre les époques (2011, années 50 et 80) et à remonter le fil de l’histoire. Le changement
de temporalité s’accompagne d’un changement de point de vue. Les voix se côtoient sans jamais s’entrechoquer. Robin MacArthur dépeint avec un doigté de maître les paysages rugueux et les émotions à fleur de peau, les éléments déchaînés et les réflexions sur l’héritage familial, le sentiment d’appartenance. Elle rend palpable l’atmosphère de la région, tant sa somptuosité que son âpreté. Dans une langue vibrante et précise, traduite avec beaucoup de justesse, elle livre un premier roman d’une noirceur lumineuse, porté par des personnages forts et flamboyants. Un roman émouvant, vibrant d’humanité.Les femmes de Heart Spring Mountain, Robin MacArthur, trad. France Camus-Pichon, Albin Michel, 368 pages, 2019.
★★★★★Au fait, y’a pas juste moi qui ai apprécié : Electra, Eva, Clete, Chinouk et Mr K aussi!